Conte de Noël très drôle et hilarant .
Publié le 29 décembre 2018
(787 lectures)
CONTE DE NOËL PAR A.ROLAND DORGELÈS.
Une dizaine de jours nous séparent de la nuit
annuellement solennelle où l'on célèbre par des excès
de nourriture la naissance du rédempteur.
Vous me direz que ça ne me regarde pas.
C'est très possible. Cependant, je pense ne faire
de tort à personne en expliquant ici pourquoi je ne
réveillonnerai pas cette année.
Les faits remontent au réveillon dernier, en 19... j'errais à l'aventure sur
les grands boulevards, ne pensant a rien selon ma
coutume, quand je rencontrai mon plus intime ami,
qui tout à trac, m'adressa la parole a peu près dans
ces termes :
- Nous faisons le réveillon. Il y aura un souper magnifique :
de l'ours à la russe, du foie gras au madère, des écrevisses,
une oie truffée, une bombe glacée, des vins dont j'ai la liste sur moi !
Il sortit de sa poche un papier froissé et me le confiât deux minutes.
Je fus a deux doigts de la syncope,je ne pus que balbutier quelques
vagues remerciements.
- C'est entendu, j'irai...retenez ma place...etc.
Il partit ,et je courus après lui pour lui dire encore une fois:
- J'irai sement,mon vieux,pas de blagues,retiens ma place!
Je revins chez moi avec des éblouissements dans le crâne.
J'expliquai l'affaire a ma femme,et comme le dîner était servi,
nous nous mimes à table. Je mangeai et but avec abondance,
si bien que ma femme me dit :
- Si tu te bourres comme cela,
tu n'auras plus faim pour le réveillon,et tu seras malade dès
le premier service.
Cette idée ne me quitta plus,et dés le lendemain,je résolus
de suivre ce qui peut s'appeler un régime,un peu dur,il est
vrai,mais qui me permettrait d'arriver « fin prêt» au repas en question.
M’étant introduit l'extrémité d'un appareil de nettoyage par le vide
dans la bouche, je me fis un estomac aussi propre et aussi net
qu'une crèmerie hollandaise. Ce fut rapide et douloureux.
Je ne me démoralisai point et commençai tout doucement un
jeûne progressif,en machant que des mots de'allégresse en
l'honneur de la radieuse cuite dont j'avais résolu d'honnorer
une vie dèja assez fertile en résultats de ce genre.
- Tu devrais ,déclara ma femme, te faire soigner les dents,pense
donc ,si tu allais souffrir d'un abcès juste le jour...
Je ne voulus pas en entendre plus long. je me précipitai chez
un dentiste qui me gratta les dents, la langue, le nez, les yeux
et la plante des pieds.l il me bourra de'or,de" ciment armé
et de plomb fondu.Au bout de trois jours de ce travail,j'étais
devenu avantageux à acheter tout en gros.Cet exercice
préparatoire me coûta sept cents francs.Comme je mangeais
toujours peu et buvais beaucoup afin de mettre knock-out un
certain nombre de bouteilles, des douleurs d'entrailles réveillèrent
subitement mes craintes.
- Tu as peut-être attrapé l'appendicite opina ma femme.
Je bondis chez un chirurgien qui m'ouvrit le ventre moyennement 500 francs
Je sortis de cette aventure un peu plus vide qu'auparavant. En vérité,je me
sentais merveilleusement vide à tel point que je ne pouvais me
cogner contre un meuble sans résonner comme une guitare.
Des vertiges me laissèrent pantelant comme un poisson sur une pierre plate.
Il me suffisait toutefois ,pour soutenir mes forces, de me répéter le menu
de cet étonnant souper qui devait me dédommager de mon martyre,
en me permettant de reprendre deux fois chaque plat.
OH!comme j'envisageais cette date avec extase ! je comptais les heures,
les minutes qui me séparaient du jour de Noël et je m'exerçais,des
matinées entières,dans une sorte de gymnastique suédoise des maxillaires
qui devait me donner une résistance illimitée pour le masticage des viandes
les plus farouches.
Trois nuits me séparaient de cette heure fabuleuse. Je sentais par instants
ma tête m'abandonner,et il me fallait une énergie de damné pour supporté
le savant régime que je m'étais tracé.
La veille de cette date inoubliable,j'eus une telle sueur froide Qu'il fallut
me mettre trois heures dans un bain-marie pour me réchauffer.
Enfin,après une nuit où mon existence parut suspendue à un fil,
ma femme me donna mes vêtements du dimanche. L'heure venait de
sonner. Je me sentais un appétit à dévorer un troupeau de vaches,
avec la bergère, le chien et le paysage. De grosses larmes rondes
coulaient le long de mes joues creuses. J'allais donc pouvoir manger!
Trop faible pour marcher,mon épouse dut me pousser dans une petite voiture .
quand nous arrivâmes chez l'ami ,tout était brillamment éclairé.On entendait
rire des femmes et sauter des bouchons de champagne.
Faible comme je l'étais,ce spectacle enchanteur me terrassa.On appela un
médecin qui,après m'avoir examiné en tous sens, déclara :
- Cet homme meurt de faim,tout simplement.Il faut immédiatement lui donner
quelques fortifiants.
J'ouvris alors les yeux et je murmurai :
- je vais manger de l'ours à la russe, de l'oie truffée, de...
- Pensez-vous, répondit le docteur, votre estomac ne pourrait supporter de tels aliments.
Il se tourna vers son épouse :
- Vous lui donnerez ,madame ,un bol de bouillon toutes les heures ,rien qu'un bol de bouillon et si demain notre homme va mieux vous pouvez y ajouter un peu de sel et quelques grains de poivre soigneusement épluchés....
Trouvé dans mes archives et écrit pour vous j'ai bien rit en l'écrivant !
ORDISSINAUTE JOSIANE
Une dizaine de jours nous séparent de la nuit
annuellement solennelle où l'on célèbre par des excès
de nourriture la naissance du rédempteur.
Vous me direz que ça ne me regarde pas.
C'est très possible. Cependant, je pense ne faire
de tort à personne en expliquant ici pourquoi je ne
réveillonnerai pas cette année.
Les faits remontent au réveillon dernier, en 19... j'errais à l'aventure sur
les grands boulevards, ne pensant a rien selon ma
coutume, quand je rencontrai mon plus intime ami,
qui tout à trac, m'adressa la parole a peu près dans
ces termes :
- Nous faisons le réveillon. Il y aura un souper magnifique :
de l'ours à la russe, du foie gras au madère, des écrevisses,
une oie truffée, une bombe glacée, des vins dont j'ai la liste sur moi !
Il sortit de sa poche un papier froissé et me le confiât deux minutes.
Je fus a deux doigts de la syncope,je ne pus que balbutier quelques
vagues remerciements.
- C'est entendu, j'irai...retenez ma place...etc.
Il partit ,et je courus après lui pour lui dire encore une fois:
- J'irai sement,mon vieux,pas de blagues,retiens ma place!
Je revins chez moi avec des éblouissements dans le crâne.
J'expliquai l'affaire a ma femme,et comme le dîner était servi,
nous nous mimes à table. Je mangeai et but avec abondance,
si bien que ma femme me dit :
- Si tu te bourres comme cela,
tu n'auras plus faim pour le réveillon,et tu seras malade dès
le premier service.
Cette idée ne me quitta plus,et dés le lendemain,je résolus
de suivre ce qui peut s'appeler un régime,un peu dur,il est
vrai,mais qui me permettrait d'arriver « fin prêt» au repas en question.
M’étant introduit l'extrémité d'un appareil de nettoyage par le vide
dans la bouche, je me fis un estomac aussi propre et aussi net
qu'une crèmerie hollandaise. Ce fut rapide et douloureux.
Je ne me démoralisai point et commençai tout doucement un
jeûne progressif,en machant que des mots de'allégresse en
l'honneur de la radieuse cuite dont j'avais résolu d'honnorer
une vie dèja assez fertile en résultats de ce genre.
- Tu devrais ,déclara ma femme, te faire soigner les dents,pense
donc ,si tu allais souffrir d'un abcès juste le jour...
Je ne voulus pas en entendre plus long. je me précipitai chez
un dentiste qui me gratta les dents, la langue, le nez, les yeux
et la plante des pieds.l il me bourra de'or,de" ciment armé
et de plomb fondu.Au bout de trois jours de ce travail,j'étais
devenu avantageux à acheter tout en gros.Cet exercice
préparatoire me coûta sept cents francs.Comme je mangeais
toujours peu et buvais beaucoup afin de mettre knock-out un
certain nombre de bouteilles, des douleurs d'entrailles réveillèrent
subitement mes craintes.
- Tu as peut-être attrapé l'appendicite opina ma femme.
Je bondis chez un chirurgien qui m'ouvrit le ventre moyennement 500 francs
Je sortis de cette aventure un peu plus vide qu'auparavant. En vérité,je me
sentais merveilleusement vide à tel point que je ne pouvais me
cogner contre un meuble sans résonner comme une guitare.
Des vertiges me laissèrent pantelant comme un poisson sur une pierre plate.
Il me suffisait toutefois ,pour soutenir mes forces, de me répéter le menu
de cet étonnant souper qui devait me dédommager de mon martyre,
en me permettant de reprendre deux fois chaque plat.
OH!comme j'envisageais cette date avec extase ! je comptais les heures,
les minutes qui me séparaient du jour de Noël et je m'exerçais,des
matinées entières,dans une sorte de gymnastique suédoise des maxillaires
qui devait me donner une résistance illimitée pour le masticage des viandes
les plus farouches.
Trois nuits me séparaient de cette heure fabuleuse. Je sentais par instants
ma tête m'abandonner,et il me fallait une énergie de damné pour supporté
le savant régime que je m'étais tracé.
La veille de cette date inoubliable,j'eus une telle sueur froide Qu'il fallut
me mettre trois heures dans un bain-marie pour me réchauffer.
Enfin,après une nuit où mon existence parut suspendue à un fil,
ma femme me donna mes vêtements du dimanche. L'heure venait de
sonner. Je me sentais un appétit à dévorer un troupeau de vaches,
avec la bergère, le chien et le paysage. De grosses larmes rondes
coulaient le long de mes joues creuses. J'allais donc pouvoir manger!
Trop faible pour marcher,mon épouse dut me pousser dans une petite voiture .
quand nous arrivâmes chez l'ami ,tout était brillamment éclairé.On entendait
rire des femmes et sauter des bouchons de champagne.
Faible comme je l'étais,ce spectacle enchanteur me terrassa.On appela un
médecin qui,après m'avoir examiné en tous sens, déclara :
- Cet homme meurt de faim,tout simplement.Il faut immédiatement lui donner
quelques fortifiants.
J'ouvris alors les yeux et je murmurai :
- je vais manger de l'ours à la russe, de l'oie truffée, de...
- Pensez-vous, répondit le docteur, votre estomac ne pourrait supporter de tels aliments.
Il se tourna vers son épouse :
- Vous lui donnerez ,madame ,un bol de bouillon toutes les heures ,rien qu'un bol de bouillon et si demain notre homme va mieux vous pouvez y ajouter un peu de sel et quelques grains de poivre soigneusement épluchés....
Trouvé dans mes archives et écrit pour vous j'ai bien rit en l'écrivant !
ORDISSINAUTE JOSIANE