mer

Cherbourg et au-delà...

Notre ami Ratiodissimus nous partage cette fois-ci un extrait de "POÉNAUTIQUE ou le ciel sur terre" (1996) par Gérard Mantion (Maison Rhodanienne de Poésie).

Ecrit par l'Ordissinaute Ratiordissimus

A la suture du béton et du rêve,
par-delà le troupeau des navires
piaffant dans leurs bassins,
il est un quartier insolite :
on y entend gémir,
dès la tombée du jour, des figures
encagées de ruptures et de mythes.
on y voit s' affairer, aux pontons d' accostage,
l' équipe muette des dockers de l' Énigme.

C'est à Cherbourg- j' oubliais de le dire-
que ce quartier m'est apparu pour la première fois.
un samedi soir d' octobre où
à la barre de mon voilier Délire,
je luttais contre une mer croisée de fumée et de rhum.
J' étais seul, comme à l' accoutumé,
sans même l' obligatoire cargaison
de l' origine et de l' âge,
avec pour seul port d' attache moi-même.

J' avais fixé le cap sur un amer
hypnotiquement charnu,
aimant superbe tapi dans les replis de l' inconnu,
et, par-ci par-là, je faisais
en souriant un clin d' œil
à l' étoile, la bonne étoile
des chercheurs
de nouvelles chrysopées.

Je déambulais en toute confiance
sur de longs boulevards inédits.
guettant le surgissement d' un fauve
- enthousiasme de l' instinct, bacchanale de l' esprit-
et je ne pouvais, te pressentant Norris,
que goûter mieux encore
les toniques épices
de la liberté.

Je ne cesse d'appareiller pour Cherbourg;
j' en ferais presque la capitale de ma vie si
d' autres Cherbourgs plus audacieux,
à des années-lumière, qui sait au fond des galaxies,
n' avaient commencé
de m' adresser
leurs scintillements
immémoriaux.