LA CONDITION PAYSANNE "L'agriculture, le premier des arts nécessaires"(Voltaire)
Depuis le premier couple originel,
Où de l’Éden il a été chassé,
C'est à un labeur perpétuel
Que nous avons été condamnés;
A la sueur de notre front,
Pour gagner notre pain, nous souffrons.
Dès ces premiers temps immémoriaux,
Les hommes eux-mêmes se nourrissaient,
Le plus souvent de repas frugaux;
Plus tard, grâce à cette terre qu'ils grattaient
Avec de rudimentaires instruments,
Ils récoltaient ce qu'ils avaient cultivé péniblement.
Paysan, alors que tu te souviens,
Car toujours tu es à la tâche,
Tu es le fidèle praticien
De cet art qui t'a été transmis,
Que tu poursuis sans relâche,
Beaucoup t'ignorent comme il n'est permis.
Vraiment pour peu l'on te considère,
De tous tu es le moins prospère,
De toi d'aucuns parfois se moquant,
De ta démarche, de ton accent,
Par de blessantes allusions,
On te tourne aussi en dérision.
Tu ne ménages ni forces ni temps,
Qu'il fasse jour, qu'il fasse nuit,
De très peu de loisirs tu jouis,
De ton chantier ne peux t'éloigner facilement,
Toujours ouvert, jamais fini,
Tu es sur la brèche constamment.
Dans ta plaine ou sur ta colline,
Il t'arrive de méditer parfois,
Sur ce courage qui t'anime,
Pour éloigner ton désarroi,
Te demandant si l'équité ,
Avait bien été inventée.
Par les fruits de tes mains, fier paysan,
Tu communies avec la terre,
Tu es créateur et artisan,
Et la nature te confère,
La qualité de protecteur,
De l'humanité, tu es bienfaiteur.
Sans toi bon paysan tu le sais,
La famine sur terre régnerait,
Tu es le seul incontestablement,
A pouvoir des autres te passer,
Tu joues la solidarité pleinement,
Et pourtant tu te sens bien délaissé
Lorsque tu ne vois à ton horizon,
Que des problèmes paraissant insurmontables,
De l'avenir qu'une sombre vision,
Qu'un sentiment d'impuissance t'accable,
N'étant pas maître des événements,
Et que te submergent les tourments
A te faire perdre la raison,
N'étant plus maître de toi-même,
De mauvaises pensées te traversent l'esprit,
Qui te feraient quitter ceux que tu aimes,
Tout ce que depuis des années tu as entrepris.
Aux directives tu es contraint de te conformer,
A ses obligations à contrecœur tu te soumets,
De cette façon de travailler intensive,
Contraire à ta conception de l'agriculture,
Où tu ne vois qu'influence négative,
Pour les humains dans la vie future,
Pour les abeilles, les oiseaux, l'environnement,
Tu en perçois les graves conséquences,
L'avenir t'inquiète assurément.
Vers tes semblables vont tes pensées,
Ceux qui ont quitté ce monde prématurément,
Où ils se sentaient trop mal considérés,
Et qui,accablés de dettes démesurées,
A un profond mal-être n'ont pu résister.
Les responsables de cette situation qui t'oppresse:
Les politiques, le contexte et ses exigences ?
Fort heureusement, sous le fardeau tu te redresses,
Ne voulant pas abandonner ainsi les tiens,
Dans la peine et un immense chagrin;
Dans leur amour tu puises une énergie nouvelle,
Pour demeurer avec eux et à ta terre, fidèle.
Que serait sans toi notre beau pays,
Sans les troupeaux, sans les bergers,
Sans les divers et renommés produits,
Sans les belles plaines et les collines cultivées,
De magnifiques paysages abandonnés ?
Nul à cet état ne peut raisonnablement songer.