le bois des Aresquiers à Frontignan plage est très connu in situ pour le tintamarre de leurs chants.

"voyage en terre inconnue" auteur: cl. lopez

le bois des Aresquiers à Frontignan plage est très connu in situ pour le tintamarre de leurs chants.

Ecrit par l'Ordissinaute claudLo

Au cours de notre dernière rencontre, un ami entomologiste m'a raconté avec force détails, une histoire incroyable. Je buvais ses paroles, c'était passionnant.

Tout un monde minuscule, naissait, vivait là, sous nos pieds, sous terre et n'apparaissait de façon éphémère à l'air libre qu'au bout de quelques années pour opérer leur mutation, se reproduire et mourir.

Vous me connaissez maintenant, mon imaginaire s'est immédiatement mis en action.

Je ne sais comment je me retrouve au bois des Aresquiers à Frontignan Plage, au pied d'un pin. Effrayé, je constate que je ne mesure que cinq centimètres. C'est terrifiant, le moindre brin d'herbe est gigantesque, un char d'assaut a failli m'écraser...c'était un lézard.

Je me sens entraîné sous terre, aux racines mêmes du pin.
Une créature gigantesque m'apparaît. Elle est armée d'un rostre inquiétant, situé sous sa gueule, qu'elle plante dans les racines pour se nourrir de leur sève. L'urine abondante qu'elle élimine est canalisée vers ses pattes avant, fouisseuses. La terre est ainsi ramollie pour lui permettre de creuser des galeries et se déplacer.

Je choisis de la suivre, elle vient de passer douze ans dans des fonds obscurs. Son heure est enfin venue de s'extraire de cette gangue.
Elle se hisse péniblement, arrive à l'air libre, grimpe le long du tronc, s'arrête et s'y fixe. Un bon moment passe... Un spectacle d'une rare beauté m'est offert.

Ce monstre hideux s'extirpe de sa chrysalide, au prix d'un effort épuisant, et se transforme sous mes yeux éblouis, en un insecte adulte dit "parfait", une merveille de la nature. Quatre longues ailes rigides, transparentes, striées de noir ornent son abdomen.
Notre sujet est une cigale femelle. On les voit souvent symbolisées sur les frontons des maisons de Provence.
Elle sait qu'elle n'a plus beaucoup de temps pour s'accoupler et pondre. Au mieux un mois et demi. Elle est aux aguets, elle attend le signal sonore que seuls les mâles émettent. Ce fameux chant des cigales souvent confondu avec celui des criquets qui stridulent, le son étant obtenu par le frottement de leurs ailes.

Les cigales mâles cymbalisent.

Ils possèdent en effet un organe phonatoire sous l'abdomen appelé cymbales, qu'ils font vibrer pour attirer les femelles. C'est ça le véritable chant des cigales

Notre amie, guidée par ce chant, rejoint le mâle pour s'accoupler.
Fécondée, elle le quitte, pour aller déposer ses œufs au pied d'un pin. Il fait chaud, ils ont toutes les chances d'éclore, et pour la nouvelle génération, de recommencer un nouveau cycle, en s'enfouissant à son tour pour de longues années.
Je suis triste, les deux parents vont à présent mourir après avoir donné la vie.
C'est leur destin.

Je me réveille sur mon transat, encore un peu ensommeillé. Un bon pique-nique bien arrosé et l'ombrage des Aresquiers m'avaient invité à la sieste.
Marilou me dit : "-Tu t'es endormi et tu as ronflé si fort que les cigales se sont tues."
- "Oh! non ! elles ne cymbalisaient plus ?"
- "Mais que veux-tu dire ? que me racontes-tu là ?... Allez rendors-toi !"

Le récit de mon ami m'a joliment fait rêver.
                                                                      Cl Lopez 07 / 2017