UNE PHOTO  FLOUE  POUR UNE PÉRIODE TROUBLE : CLAUDE À 15 ANS....JE DÉDIE  CETTE HISTOIRE VÉCUE  À CAMÉLIA  POUR LA REMERCIER DE M'AVOIR FAIT "REVENIR" ELLE  A  COMPRIS QUE J'AIMAIS ÉCRIRE....

Une histoire ... dans l'histoire

UNE PHOTO FLOUE POUR UNE PÉRIODE TROUBLE : CLAUDE À 15 ANS....JE DÉDIE CETTE HISTOIRE VÉCUE À CAMÉLIA POUR LA REMERCIER DE M'AVOIR FAIT "REVENIR" ELLE A COMPRIS QUE J'AIMAIS ÉCRIRE....

Ecrit par l'Ordissinaute claudLo

Je vous parle d'un temps
que les moins de vingt ans
ne peuvent pas connaitre...

C'était l'époque des zazous

Dalida aurait pu me susurrer :

il venait d'avoir "15" ans
était beau comme un enfant,
fort comme un homme...

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Cette année là je venais tout juste de fêter mes quinze ans et j'entrais en seconde.

Notre "prof" de français, une corse de vingt-cinq ans, au teint mat et aux grands yeux clairs chataigne, un corps sculpté, nous faisait fantasmer (un lycée de garçons uniquement).
C'était son premier poste, le trac nous était commun.
En Français, je passais sur tout ce qui était : conjugaisons, accords, analyses logiques, orthographe, pour privilégier les compositions françaises (dissertations).
Là, j'excellais, c'était "ma" matière, dans ce domaine, je n'avais pas de rival.

Les devoirs étaient toujours proposés avec deux sujets. Pour notre premier cours, l'un d'eux était : " Vous vous êtes égaré en milieu hostile, racontez la suite..." Pour moi c'était une aubaine, j'étais l'un des rares à choisir cette option.
J'allais découvrir que j'avais une imagination fertile et du plaisir à écrire.

On nous donnait deux heures pour rendre nos copies. Toute la classe avait terminé alors que je m'escrimais encore avec mon récit. Par manque de temps, j'ai eu cette idée, qui s'est avérée géniale par la suite, j'ai terminé par : "Si vous voulez connaître la suite de mes aventures, retrouvez-moi au prochain devoir".
Une pirouette qui me permettait de m'en sortir avec élégance.

La semaine suivante, la "prof" rendit les copies, avec un commentaire à chacun, il n'en restait plus qu'une, la mienne, qu'elle garda sur son bureau en disant :
"- Celle là, je n'ai pas pu la noter, nous allons le faire ensemble."
Elle lut ma composition à haute voix, j'étais très géné, jusqu'à ce que je me rende compte que l'on n'entendait pas une mouche voler dans la classe, mon histoire imaginée captivait l'auditoire.
À la fin, tendant ses mains vers moi, elle m'applaudit, suivie par tous mes camarades dans un même élan. J'étais aux anges, rouge de confusion.
Elle ajouta : "Maintenant il faut tenir votre promesse."

Avant de poursuivre me revient en mémoire, une anecdote qu'il me plait de rapporter ici.
Notre pensionnat faisait partie intégrante de l'enceinte du lycée.
Entre les internes et les externes, c'était la "guéguerre", une saine émulation permanente, toujours dans la bonne humeur, jeux, sports, études...
En fin d'année, à la remise des prix, suivant le récipiendaire, les hourras fusaient d'un côté ou l'autre du préau.
Chaque trimestre, à l'énoncé des résultats au réfectoire pendant un repas, notre directeur se fendait d'un laïus, joyeux quand nous étions vainqueurs, à contrario, sentencieux.
S'adressant à moi, invariablement, il me vrillait dans le coeur cette remarque qui m'a longtemps hanté : "Élève Lopez vous êtes notre fierté mais vous ne réussirez jamais dans la vie si vous ne vous améliorez pas en maths".
(À 79 ans je ne comprends toujours rien à cette matière !) )

Enhardi, pour le devoir suivant, j'avais déjà le canevas en tête, que je raccrocherais, d'une manière ou d'une autre, au sujet proposé. Je tenais avant tout à être crédible, tout ce que j'écrivais devait être tangible, vérifiable, d'autant que mon aventure avait lieu dans la jungle brésilienne.
Avec l'aide de "Mamy" la bibliothécaire du lycée, je me lançais dans des recherches ardues, passionnantes (pas d'internet !), je prenais des notes, je griffonnais, le feu de la découverte me dévorait. J'étais obligé de me restreindre, mon imaginaire n'avait pas de limites... mes devoirs oui ! Il fallait que j'opère à contre coeur des coupes claires dans mes relations.

La suite de mes aventures fit un "tabac", j'y avais créé un personnage féminin répondant au prénom de Elsa. On voulait connaître la suite... J'étais prisonnier de mon succès. Je ne manquais pas d'imagination. Je poursuivais la narration de ma fiction en y mélant un zeste de bluette amoureuse.

Ma prof ne me rendait jamais mes copies. Avec mon autorisation, après corrections, elle les confiait à un imprimeur à dessein d'en faire un recueil. Ma production était-elle à ce point digne d'intérêt ? Flatté était un euphémisme.

Il fallait beaucoup d'imagination pour que ce récit reste cohérent et captivant semaine après semaine, mois après mois.
Ce garçon agé seulement de quinze ans réussissait cette prouesse. Aujourd'hui encore, soixante quatre ans plus tard, il m'inspire tendresse et admiration.

Quelques semaines, avant la fin de l'année scolaire, j'écrivis le dernier chapitre de ma saga en mentionnant pompeusement, avec humour, " Voici venue la fin de mon roman."
Je venais de me délester d'un énorme poids. Enfin ! Plus de pression !

De toutes mes rédactions, ma merveilleuse prof en a fait faire un vrai livre avec une belle couverture, mon nom figurant à la place de l'auteur. Son titre : "Les aventures fantastiques de Claude et Elsa".
Ce livre a été offert à la bibliothèque du lycée, on se l'arrachait, il passait de main en main sous le contrôle de Mamy, tous les profs ayant la priorité.
Sans commune mesure, j'étais un peu le Minou Drouet de mon établissement, excepté que ce n'était pas ma mère qui écrivait pour moi. (Cela n'engage que moi) j'étais devenu une star, pourquoi le cacher, cela me plaisait, l'orgueil (un péché capital) commençait à me gagner.
Au plus profond de moi, je savais qu'un jour "j'écrirais". Le destin en a décidé autrement.

Mes parents, avaient été reçus dans le bureau du proviseur en présence de ma prof de français. Il tenait en personne à les informer de l'intérêt général qu'avait suscité la parution de mon livre.
Il félicita chaudement celle qui d'emblée comprit qu'il y avait matière à tirer parti de la façon dont j'exposais mon univers inventif.
Il serra vigoureusement la main de mes parents, me donna l'accolade et nous laissa seuls dans ce bureau.
Maman avait eu l'opportunité de tenir ce livre dans ses mains, je me souviens de ses larmEllees. , si érudite, se gavant en permanence de lecture, irradiait de fierté et de bonheur en découvrant l'imaginaire de son "Petit Roi" son fils, surtout sa propension à l'écriture. Elle me dit que quelque chose d'elle m'était transmis, ce qui me rendit très fier. Papa me serra simplement la main, nos regards eux, révélaient tout l'amour pudique existant entre un ado presque un homme et son père.

Mon histoire aurait pû s'arrêter là...
Hélas, Papa fut victime d'un grave accident agricole, le plongeant huit semaines dans le coma. J'ai dû arrêter mes études en fin de seconde pour aider maman à assurer le fonctionnement de l'exploitation.
À sa sortie de l'hôpital, deux mois plus tard, papa, de son fauteuil, nous donnait des directives.
Sa santé s'améliorait régulièrement. Il lui fallut deux ans pour reprendre pleinement ses activités.
Jamais pendant cette période tellement dure nous n'avons cédé à l'abattement moral ou à la lassitude. Notre bonne humeur permanente faisait notre force.
La tendresse qui se lisait dans les yeux de papa valait toutes les richesses du monde.
C'est dans de tels moments que l'on se rend compte que l'amour peut soulever des montagnes.
De l'amour, nous en regorgions...

Et, si vous voulez connaître la suite de mes aventures, retrouvez-moi à la prochaine publication !
                                                              Cl. Lopez le : 06/09/2017