Si vous n'avez pas gardé votre âme juvénile, ne me suivez pas. Dans le cas contraire, accompagez-moi jusqu'au bout...

Superman ou l'Homme de l'Atlandide

Si vous n'avez pas gardé votre âme juvénile, ne me suivez pas. Dans le cas contraire, accompagez-moi jusqu'au bout...

Ecrit par l'Ordissinaute claudLo

Nous sommes en octobre, sur une plage de méditerranée, peu importe où elle se situe, là n'est pas l'important.
La silhouette d'un homme se détache sur fond d'horizon noir et d'une mer grise. La houle furieuse soulève des bourrasques d'écume qui viennent lui fouetter le visage. Il paraît jeune, tempes argentées, cheveux gris, drus, coupés courts.

Il avance difficilement dans la tempête. L'orage gronde, se rapproche. Notre personnage n'en a cure, il poursuit son chemin bravant les éléments, ignorant le danger, il semble, tel Atlas, porter sur ses épaules, le poids du monde.
De ses yeux perlent des gouttes : larmes ou pluie ?

Quel drame a pu frapper ce quidam, pour le mettre dans un tel état de désespoir ?
Autant le révéler dès à présent.
Dans la journée il a su qu'il était atteint d'une maladie incurable, que ses jours étaient comptés.
On peut dès lors, comprendre son comportement, accablé par cette farce que lui joue le destin.

Soudain le prévisible arrive à grand fracas. Les éléments se liguent et se déchaînent dans cet environnement désertique. La pluie, le vent, le feu du ciel. C'est l'apocalypse. Mais rien n'affecte la détermination de notre marcheur, dont le seul objectif est d'errer, d'avancer sans but, comme si tout lui était complètement indifférent.

Un éclair monstrueux déchire le ciel, vient le frapper de plein fouet, le soulevant tel un fétu de paille, le jette au loin dans les eaux noires, tumultueuses.

Au bout d'un moment, le beau temps et le soleil reprennent leurs droits. L'orage est parti aussi vite qu'il est apparu, la mer redevenue bleue se calme doucement.
C'est souvent ainsi dans notre beau midi. 

Qu'est devenu notre ami ?

C'est à ce moment du récit qu'un phénomène commence à prendre forme...
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Un peu plus tard...
Par trente mètres de fond, gît notre personnage. Il reprend conscience, la notion du temps lui échappe.
Les yeux grands ouverts, à une telle profondeur, il distingue nettement tout ce qui l'entoure.
Il constate, ahuri, qu'il a la faculté de respirer sous l'eau, si bien, qu'il se demande s'il est mort ?
Il émerge, dans un sursaut de survie, il décide de rejoindre la grève.

Il n'est pas au bout de ses découvertes.
Il nage avec l'aisance d'un poisson. Inimaginable ! Lui qui évoluait dans l'élément liquide " comme un fer à repasser " .
Arrivé sur le sable, dégoulinant, l'allure massive à faire peur. Un molosse surpris, l'attaque et ne va en faire qu'une bouchée. D'instinct, notre rescapé émet des ultras sons qui mettent en fuite l'animal menaçant.
Comment cela est-il possible ?

Sentant le besoin de s'asseoir pour réfléchir, il s'agrippe à un gros rocher et remarque qu'il peut le déplacer avec facilité. Serait-il aussi pourvu d'une puissance surhumaine ?
Force est de constater que c'est le cas.

Perplexe, il rentre chez lui. Son épouse en pleurs avait imaginé le pire.
Après des effusions rassurantes, il décide de garder pour lui son secret, par simple précaution intuitive.

Quelques jours plus tard, il revoit son médecin, afin de refaire le contrôle de son  diagnostique fatal, à l'origine de son comportement anormal sur cette plage...
Cela fait, on lui demande de revenir faire de nouveaux examens.
Toutes traces de la maladie ont en effet disparu ! Les experts restent dubitatifs face à cette énigme...

Cette nouvelle découverte exacerbe le trouble qui occupe ses pensées, au point de le hanter.
Sa femme apprend la nouvelle de sa guérison avec le bonheur que l'on peut imaginer.
Quant-à son secret, plus que jamais, il décide de le garder pour lui, dans l'attente d'une explication rationnelle.

Un après-midi, il déambule dans les rues de sa ville.
Par hasard, passant devant le palais de justice, il décide, sur une impulsion incontrôlable, d'y entrer et se dirige vers la salle des assises.
Un pauvre bougre, clamant son innocence à hauts cris, y est jugé pour meurtre.
Les avocats à grands effets de manches, l'un accusant, l'autre défendant, arguant qu'en l'absence de l'arme du crime, son client devait être acquitté sans autre forme de procès.
Notre ami observe la scène médusé, puis fixe le suspect sur la sellette.
Sortant de quoi écrire de sa poche, il griffonne un petit mot qu'il remet discrètement au défenseur de la partie civile, avant d'esquiver " le couteau est caché sous les tuiles de sa maison, côté Est".
Quelques jours plus tard, il apprendra par la presse, que la découverte de l'arme du crime avait valu à son propriétaire, Vingt ans de réclusion.

Cette nouvelle ajoute encore et encore à son trouble.
Il découvre ce pouvoir d'introspection dans le subconscient de ses semblables.
Cela lui donne-t-il pour autant, le droit d'interférer dans leurs destins ?
Grave question !
Nul ne peut se substituer à la justice divine, et changer le cours de la vie.

Le temps passe, les semaines, les mois, les années... notre sujet ne retrouve pas la paix de l'âme.
Tant de pouvoirs et ne savoir qu'en faire ! Rien de plus frustrant.

Au fil du temps, il fait une découverte qui le terrifie.
Observant son entourage avec attention, il réalise que tous vieillissent sauf lui.
Il ne peut supporter l'dée de survivre à tous ceux qu'il aime.

C'est ici que j'interviens.
En réalité, cet inconnu, chaleureux, droit, honnête, profondément humain, "un exemple de joie de vivre", est mon ami depuis toujours.

Il me raconte son histoire, me fait promettre de l'écrire, non pour la postérité, mais simplement pour que sa famille connaisse la vérité, et ne lui reproche jamais l'acte qu'il s'apprête à commettre par amour.

L'idée de voir partir tous ceux qu'il aime, est au dessus de ses forces.
Aucun humain doué de raison, accepterait de survivre à sa descendance.

Au nom de notre amitié, il me demande de l'aider dans son dessein de disparaître à tout jamais, précisant qu'en aucune façon il ne s'agira d'un suicide contraire à son éthique.
Il restera un des plus grands mystères de l'humanité, que la science n'a toujours pas résolu à ce jour.

Après avoir longuement hésité, je décide de lui donner satisfaction, malré mon chagrin, comprenant son désarroi et ses raisons fondées sur le bon sens.

Un voyage est organisé vers l'Océan Pacifique. Au lieu dit " La fosse des Marianne", l'endroit le plus profond du monde, un univers presque sans vie, à moins 11.000 mètres.

Transportés en hydravion, après avoir amerri au lieu dit, nous nous sommes serrés dans nos bras.
Il m'a adressé un timide merci, le visage torturé par la peur panique, ignorant tout de ce qui l'attend.
Bouleversé je n'ai rien tenté pour le faire revenir sur sa décision.

Sans se déshabiller, ni se retourner, il s'est laissé couler dans les eaux.
Je l'ai suivi du regard autant que j'ai pu, les flots devenant progressivement sombres vers les profondeurs. les larmes brouillent ma vue.
Il disparaît définitivement dans les abysses, laissant un grand vide dans ma vie, et un cas de conscience à gérer.

Comme promis, je remettrai ce texte à sa famille qui, comme moi espérera qu'il continuera d'exister éternellement dans son nouvel élément.

                                *******************************

Je dois avouer que j'ai eu beaucoup de plaisir, à faire ressurgir mes fantasmes d'enfant...

                                                               le 08/12/ 2017