Poésies,contes et légendes.

Par Yannick Fondin - 1 il y a 10 années 4 mois
09/10/2017 - 14:27
      L'Autiste bienheureux.
                   (Sonnet)
                  Roxanne



 
Oh! toi, qui sans relâche aime à peindre des roses
T’imaginant déjà vivant au paradis,
Ne jette aucun regard sur notre monde gris
Où tous nos plus beaux jours te sembleraient moroses.
 
Si le temps vient parfois changer le cours des choses,
Encore trop d’humains cultivent le mépris.
Bien qu’étant sur la terre, aux anges tu souris,
Remplissant  sagement l’instant dont tu disposes.
 
 
Te voilà bienheureux, sans souci, sans tracas
Et l’on vient de partout pour étudier ton cas …
On t’admire à présent, juste est la récompense.
 
Jamais l’on ne saura les secrets de ton cœur
Ce lieu, c’est ton refuge et ta joie est immense,
Tu ne vois plus ton mal et tu vis en couleur.


2 Février 2017 , Rédigé par MARTIAL PIERRE
09/10/2017 - 10:41


Source : Jacques Sablet (Swiss artist, 1749–1803) The Fortune Teller 1784-85 .

À la très chère, à la très belle
Qui remplit mon coeur de clarté,
À l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité !

Elle se répand dans ma vie
Comme un air imprégné de sel,
Et dans mon âme inassouvie
Verse le goût de l'éternel.

Sachet toujours frais qui parfume
L'atmosphère d'un cher réduit,
Encensoir oublié qui fume
En secret à travers la nuit,

Comment, amour incorruptible,
T'exprimer avec vérité ?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon éternité !

À la très bonne, à la très belle
Qui fait ma joie et ma santé,
À l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité !


Charles Baudelaire (1821-1867) Recueil : Les fleurs du mal (1857).


09/10/2017 - 08:31
L'Image Magique & Fascinante... Du Lundi En Début De Matinée...


Tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir.
Le bien et le mal sont joints sur les pavés,
Le blanc et le noir pour nous montrer qu’on peut franchir les lignes
et aller à la recherche du bien quand il n’y a que du noir….
C’est parfois gris et on veut voir noir...
Pourtant il y a toujours une éclaircie et de la lumière au bout du chemin...
  Le blanc pour attirer le noir,  et lui montrer qu’il y a une lumière
qui brille sans éblouir qui l’attend...qui nous attend tous...

Si nous voulons regarder du bon côté , le blanc...
Pureté...bonté...beauté...justesse couleur  qui les contient toutes...
pour mieux les révéler !  
(du net)
08/10/2017 - 09:31


La pension

En descendant de notre coche

J'ai vu les murs de la pension,

Je la trouve triste et moche

Avec de vieux murs de prison.

Dans le couloir triste et sonore,

Les plus anciens font les caïds,

S'imposant comme matamores

De préférence chez les petits.

Maman s'en va à l'intendance,

Pour en rabattre sur les prix,

Et moi, j'attends sans impatience

Accoudé à mon futur lit.

Maman revient, pas très contente,

On lui a réclamé mes tickets (1)

Elle pensait bien les conserver

Pour m'envoyer des compléments (2).

Et maintenant, les professeurs,

Personnages d'importance

Qu'il faut saluer en primeur.

À leur porte on voit l'affluence. 

Je me verrai pourtant ailleurs,

De mon petit Liré(3), l'ambiance,

Me manque déjà;  sa chaleur,

Ma joie de vivre et l'insouciance.

 

(1) Il s'agissait des tickets de pain, de sucre et de viande que les
restrictions alimentaires ont imposées pendant l'occupation, et même
après la guerre, pendant un temps.

(2) Compléments des aliments servis au réfectoire. 


(3) Liré est une ancienne commune française située dans le département de Maine-et-Loire,

Joachim Du Bellay (1522-1560), poète né à Liré.
J.A.
"Quand j'étais ado", Un vieux cahier.
-----------
Qu'est-ce qui nous conduit, l'âge venu, à nous retourner vers notre enfance? Le besoin de retrouver nos racines?
Celui de comprendre les raisons qui ont fait de nous ce que nous sommes ? Laisser à notre suite les traces de notre passage ?
Un peu de tout cela sans doute avec un zeste d'ingrédients que notre inconscient nous souffle...
Pour tous ceux qui ont vécu en France, pendant la période noire qui s'étend plus particulièrement de la fin de l'année 1941 à la libération du territoire, il reste dans leur mémoire comme une suite de jours sans fin, tristes et moroses, peuplés de menaces. Aux restrictions alimentaires s'ajoutait, le 11 novembre 1942, le poids de l'occupation allemande, sur l'ensemble de la zone libre, et, à Toulon, le sabordage de notre flotte qui s'ensuivit (1).

Je pensais présenter ce texte le premier lundi d'octobre, lequel était, de mon temps; la traditionnelle rentrée des classes. Le sort n'en a pas voulu. Bonne lecture. Amitié à tous.   

J.A.


Illustration : carte postale (Google).
Engagement à retirer l'image en cas de demande des ayants droit.
07/10/2017 - 11:22



Trop tôt ou trop tard....

Est-il trop tôt pour à toi seul oser dire
Ce qu’enfant, je chuchotais au vent pour le bannir

Est-il trop tard pour avouer également que mon cœur
Je l’ai laissé dans un tiroir au long des troubles heures

Est-il trop tôt pour que je laisse aller cette joie
Celle de te retrouver et vouloir entendre ta voix

Est-il trop tard pour de moi ne laisser qu’une image
Femme-enfant du parfum des étoiles et sans âge

Est-il trop tôt pour aimer de toi l’esquisse de tes sourires
Deviner au cours de nos partages chacun de tes rires

Est-il trop tard pour moi devant toi me dévoiler
Sans peur, sans crainte d’un désir à peine voilé

Est-il trop tôt pour que je te rêve, inoubliable instant
Sur le quai d’une gare, celui où tu m’attends

Est-il trop tard pour que de ces espoirs insensés
Tu m’accueilles en des terres vierges, d’amour encensé

Est-il trop tôt pour à toi me raconter, te dire tendrement
Je t’attendais, hasard de la vie, tout simplement

 Cristal

05/10/2017 - 19:05

Le Canada
Il est sous le soleil une terre bénie,
Où le ciel a versé ses dons les plus brillants,
Où, répondant ses biens la nature agrandie
A ses vastes forêts mêle ses lacs géants.
 
Sur ces bords enchantés, notre mère, la France,
A laissé de sa gloire un immortel sillon,
Précipitant ses flots vers l'océan immense,
Le noble Saint-Laurent redit encor son nom.
 
Heureux qui la connait, plus heureux qui l'habite,
Et, ne quittant jamais pour chercher d'autres cieux
Les rives du grand fleuve ou le bonheur l'invite,
Sait vivre et sait mourir où dorment ses aïeux.

Octave Crémazie


Octave Crémazie, né à Québec (Québec) le 16 avril 1827 et mort au Havre (France) le 16 janvier 1879, est un libraire
poète
 et écrivain, qu’on présente, depuis le milieu du 19e siècle, comme le premier « poète national » du Québec.

Quelques poèmes fameux – « Le Vieux soldat canadien » (1855) et « Le drapeau de Carillon » (1858) – suffirent, en son temps, pour asseoir sa renommée depère de la poésie québécoise.
À côté de son œuvre poétique, peu abondante et de qualité inégale, il laisse une correspondance qui fourmille d’aperçus pénétrants et critiques sur la littérature «canadienne» de son temps ainsi qu’un journal personnel très vivant tenu lors du siège de Paris par les Prussiens en 1870-71.
L’histoire littéraire québécoise retient également, de l’apport de Crémazie, sa participation au développement des lettres par le biais de sa fonction de libraire.
La librairie qu’il dirigea avec son frère Joseph fut la plus active à Québec durant les années 1840 à 1860, et un lieu de rencontre pour l’élite culturelle de la ville.
S’y croisèrent les membres de l’Institut canadien de Québec et le groupe de lettrés qui allaient fonder la revue Les Soirées canadiennes

 


02/10/2017 - 10:57


J'ai compris qu'il y a des priorités dans la vie. 
Que les gens que tu rencontres, ne sont pas forcément tes amis.
J'ai compris, que dans la vie on a pas toujours ce qu'on veut.
J'ai compris, qu'on est rien sur terre, en une seconde tout peut s'écrouler,
rien n'est jamais acquis.
J'ai compris, qu'il ne fallait pas être prétentieux ni incapable.Mais se préserver de ce qui est blâmable.
Que certains sujets importants font réfléchir jusqu'à atteindre l'endroit sensible qui parfois nous déchire.
Responsable je le suis et des choses j'en prends conscience.Par cette cause je sais très bien à qui j'accorde ma confiance. 
J'ai compris, que faire du mal aux gens n'était pas bien. Que les regrets ne sont plus utiles quand la mort te parvient.
Que chaque seconde nous est enlevée de notre crédit de vie.
J'ai compris que sans patience, courage et volonté, on arrive à rien. Qu'il ne faut pas se fier à l'apparence ni à la grandeur.
Car j'ai compris, que l'important c'est ce qu'il y a dans le cœur.

Charlie Chaplin ......

01/10/2017 - 20:33
L'Art d'être grand-père :

JEANNE ÉTAIT AU PAIN SEC
(Victor HUGO)


Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,

Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,
J'allai voir la proscrite en pleine forfaiture,
Et lui glissai dans l'ombre un pot de confiture
Contraire aux lois.

Tous ceux sur qui, dans ma cité,
Repose le salut de la société,
S'indignèrent,

et ,Jeanne a dit d'une voix douce :
- Je ne toucherai plus mon nez avec mon pouce ;
Je ne me ferai plus griffer par le minet.

Mais on s'est récrié :
- Cette enfant vous connaît ;
Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche.
Elle vous voit toujours rire quand on se fâche.
Pas de gouvernement possible.
A chaque instant
L'ordre est troublé par vous, le pouvoir se détend ;
Plus de règle.
L'enfant n'a plus rien qui l'arrête.
Vous démolissez tout.

- Et j'ai baissé la tête,
Et j'ai dit :
- Je n'ai rien à répondre à cela,
J'ai tort.

Oui, c'est avec ces indulgences-là
Qu'on a toujours conduit les peuples à leur perte.

Qu'on me mette au pain sec.

- Vous le méritez, certes.
On vous y mettra.

- Jeanne alors, dans son coin noir,
M'a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à voir,
Pleins de l'autorité des douces créatures :

Eh bien, moi, je t'irai porter des confitures.
01/10/2017 - 20:23
AU BORD DE LA MER (Victor  HUGO )

Vois, ce spectacle est beau. - Ce paysage immense
Qui toujours devant nous finit et recommence;
Ces blés, ces eaux, ces prés, ce bois charmant aux yeux;
Ce chaume où l'on entend rire un groupe joyeux;
L'océan qui s'ajoute à la plaine où nous sommes;
Ce golfe, fait par Dieu, puis refait par les hommes,
Montrant la double main empreinte en ses contours,
Et des amas de rocs sous des monceaux de tours;
Ces landes, ces forêts, ces crêtes déchirées;
Ces antres à fleur d'eau qui boivent les marées;
Cette montagne, au front de nuages couvert,
Qui dans un de ses plis porte un beau vallon vert,
Comme un enfant des fleurs dans un pan de sa robe;
La ville que la brume à demi nous dérobe,
Avec ses mille toits bourdonnants et pressés;
Ce bruit de pas sans nombre et de rameaux froissés,
De voix et de chansons qui par moments s'élève;
Ces lames que la mer amincit sur la grève,
Où les longs cheveux verts des sombres goëmons
Tremblent dans l'eau moirée avec l'ombre des monts;
Cet oiseau qui voyage et cet oiseau qui joue;
Ici cette charrue, et là-bas cette proue,
Traçant en même temps chacune leur sillon;
Ces arbres et ces mâts, jouets de l'aquilon;
Et là-bas, par delà les collines lointaines,
Ces horizons remplis de formes incertaines;
Tout ce que nous voyons, brumeux ou transparent,
Flottant dans les clartés, dans les ombres errant,
Fuyant, debout, penché, fourmillant, solitaire,
Vagues, rochers, gazons, - regarde, c'est la terre !
Et là-haut, sur ton front, ces nuages si beaux
Où pend et se déchire une pourpre en lambeaux;
Cet azur, qui ce soir sera l'ombre infinie;
Cet espace qu'emplit l'éternelle harmonie;
Ce merveilleux soleil, ce soleil radieux
Si puissant à changer toute forme à nos yeux
Que parfois, transformant en métaux les bruines,
On ne voit plus dans l'air que splendides ruines,
Entassements confus, amas étincelants
De cuivres et d'airains l'un sur l'autre croulants,
Cuirasses, boucliers, armures dénouées,
Et caparaçons d'or aux croupes des nuées;
L'éther, cet océan si liquide et si bleu,
Sans rivage et sans fond, sans borne et sans milieu,
Que l'oscillation de toute haleine agite,
Où tout ce qui respire, ou remue, ou gravite,
A sa vague et son flot, à d'autres flots uni,
Où passent à la fois, mêlés dans l'infini,
Air tiède et vents glacés, aubes et crépuscules,
Bises d'hiver, ardeur des chaudes canicules,
Les parfums de la fleur et ceux de l'encensoir,
Les astres scintillant sur la robe du soir,
Et les brumes de gaze, et la douteuse étoile,
Paillette qui se perd dans les plis noirs du voile,
La clameur des soldats qu'enivre le tambour,
Le froissement du nid qui tressaille d'amour,
Les souffles, les échos, les brouillards, les fumées,
Mille choses que l'homme encor n'a pas nommées,
Les flots de la lumière et les ondes du bruit,
Tout ce qu'on voit le jour, tout ce qu'on sent la nuit;
Eh bien ! nuage, azur, espace, éther, abîmes,
Ce fluide océan, ces régions sublimes
Toutes pleines de feux, de lueurs, de rayons,
Où l'âme emporte l'homme, où tous deux nous fuyons,
Où volent sur nos fronts, selon des lois profondes,
Près de nous les oiseaux et loin de nous les mondes,
Cet ensemble ineffable, immense, universel,
Formidable et charmant, - contemple, c'est le ciel !
Oh oui ! la terre est belle et le ciel est superbe;
Mais quand ton sein palpite et quand ton œil reluit,
Quand ton pas gracieux court si léger sur l'herbe
Que le bruit d'une lyre est moins doux que son bruit;
Lorsque ton frais sourire, aurore de ton âme,
Se lève rayonnant sur moi qu'il rajeunit,
Et de ta bouche rose, où naît sa douce flamme,
Monte jusqu'à ton front comme l'aube au zénith;
Quand, parfois, sans te voir, ta jeune voix m'arrive,
Disant des mots confus qui m'échappent souvent,
Bruit d'une eau qui se perd sous l'ombre de sa rive,
Chanson d'oiseau caché qu'on écoute en rêvant;
Lorsque ma poésie, insultée et proscrite,
Sur ta tête un moment se repose en chemin;
Quand ma pensée en deuil sous la tienne s'abrite,
Comme un flambeau de nuit sous une blanche main;
Quand nous nous asseyons tous deux dans la vallée;
Quand ton âme, soudain apparue en tes yeux,
Contemple, avec les pleurs d'une sueur exilée,
Quelque vertu sur terre ou quelque étoile aux cieux;
Quand brille sous tes cils, comme un feu sous les branches,
Ton beau regard, terni par de longues douleurs;
Quand sous les maux passés tout à coup tu te penches,
Que tu veux me sourire et qu'il te vient des pleurs;
Quand mon corps et ma vie à ton souffle résonnent,
Comme un tremblant clavier qui vibre à tout moment;
Quand tes doigts, se posant sur mes doigts qui frissonnent,
Font chanter dans mon cœur un céleste instrument;
Lorsque je te contemple, ô mon charme suprême;
Quand ta noble nature, épanouie aux yeux,
Comme l'ardent buisson qui contenait Dieu même,
Ouvre toutes ses fleurs et jette tous ses feux;
Ce qui sort à la fois de tant de douces choses,
Ce qui de ta beauté s'exhale nuit et jour,
Comme un parfum formé du souffle de cent roses,
C'est bien plus que la terre et le ciel, - c'est l'amour !

7 octobre 1834.

01/10/2017 - 20:06
Victor  Hugo :

J'aime les soirs sereins et beaux, j'aime les soirs,
Soit
qu'ils dorent le front des antiques manoirs
Ensevelis dans les
feuillages ;
Soit que la brume au loin s'allonge en bancs de
feu ;
Soit que mille rayons brisent dans un ciel bleu
A
des archipels de nuages.
Oh ! regardez le ciel ! cent nuages mouvants,
Amoncelés là-haut sous le souffle des vents,
Groupent
leurs formes inconnues ;
Sous leurs flots par moments flamboie
un pâle éclair,
Comme si tout à coup quelque géant de l'air

Tirait son glaive dans les nues.
Le soleil, à travers leurs ombres, brille encor ;
Tantôt fait, à l'égal des larges dômes d'or,
Luire le
toit d'une chaumière ;
Ou dispute aux brouillards les vagues
horizons ;
Ou découpe, en tombant sur les sombres gazons,

Comme de grands lacs de lumière.
Puis voilà qu'on croit voir, dans le ciel balayé,
Pendre un grand crocodile au dos large et rayé,
Aux trois
rangs de dents acérées ;
Sous son ventre plombé glisse un
rayon du soir ;
Cent nuages ardents luisent sous son flanc noir

Comme des écailles dorées.
Puis se dresse un palais ; puis l'air tremble, et tout fuit.
L'édifice effrayant des nuages détruit
S'écroule
en ruines pressées ;
Il jonche au loin le ciel, et ses cônes
vermeils
Pendent, la pointe en bas, sur nos têtes, pareils
A
des montagnes renversées.
Ces nuages de plomb, d'or, de cuivre, de fer,

l'ouragan, la trombe, et la foudre, et l'enfer
Dorment avec de
sourds murmures,
C'est Dieu qui les suspend en foule aux cieux
profonds,
Comme un guerrier qui pend aux poutres des plafonds

Ses retentissantes armures !
Tout s'en va ! Le soleil, d'en haut précipité,
Comme un globe d'airain qui, rouge, est rejeté
Dans les
fournaises remuées,
En tombant sur leurs flots que son choc
désunit,
Fait en flocons de feu jaillir jusqu'au zénith

L'ardente écume des nuées !
Oh ! contemplez le ciel ! et dès qu'a fui le jour,
En tout temps, en tout lieu, d'un ineffable amour,

Regardez à travers ses voiles ;
Un mystère est au fond
de leur grave beauté,
L'hiver, quand ils sont noirs comme un
linceul, l'été,
Quand la nuit les brode d'étoiles.

 Le jour s'enfuit des cieux : sous leur transparent voile
De moments en moments se hasarde une étoile;
La
nuit, pas à pas, monte au trône obscur des soirs;
Un coin du
ciel est brun, l'autre lutte avec l'ombre;
Et déjà, succédant
au couchant rouge et sombre,
Le crépuscule gris meurt sur les
coteaux noirs.
Et là-bas, allumant ses vitres étoilées,
Avec
sa cathédrale aux flèches dentelées,
Les tours de son
palais, les tours de sa prison,
Avec ses hauts clochers, sa
bastille obscurcie,
Posée au bord du ciel comme une longue
scie,
La ville aux mille toits découpe l'horizon.
Oh ! qui m'emportera sur quelque tour sublime
D'où la cité sous moi s'ouvre comme un abîme !
Que
j'entende, écoutant la ville où nous rampons,
Mourir sa vaste
voix, qui semble un cri de veuve,
Et qui, le jour, gémit plus
haut que le grand fleuve,
Le grand fleuve irrité, luttant
contre vingt ponts !
Que je voie, à mes yeux en fuyant apparues,
Les
étoiles des chars se croiser dans les rues,
Et serpenter le
peuple en l'étroit carrefour,
Et tarir la fumée au bout des
cheminées,
Et, glissant sur le front des maisons blasonnées,

Cent clartés naître, luire et passer tour à tour !
Que la vieille cité, devant moi, sur sa couche
S'étende, qu'un soupir s'échappe de sa bouche,
Comme si
de fatigue on l'entendait gémir !
Que, veillant seul, debout
sur son front que je foule,
Avec mille bruits sourds d'océan
et de foule,
Je regarde à mes pieds la géante dormir !

 Plus loin ! allons plus loin !
- Aux feux du couchant sombre,
J'aime à voir dans les champs croître et
marcher mon ombre.
Et puis, la ville est là ! je l'entends, je
la vois
Pour que j'écoute en paix ce que dit ma pensée,
Ce
Paris, à la voix cassée,
Bourdonne encore trop prés de moi.
Je veux fuir assez loin pour qu'un buisson mecache
Ce brouillard, que son front porte comme un panache,
Ce
nuage éternel sur ses tours arrêté;
Pour que du moucheron,
qui bruit et qui passe,
L'humble et grêle murmure efface
La
grande voix de la cité !

Oh ! sur des ailes dans les nues
Laissez-moi
fuir ! laissez-moi fuir !
Loin des régions inconnues
C'est
assez rêver et languir !
Laissez-moi fuir vers d'autres
mondes.
C'est assez, dans les nuits profondes,
Suivre un
phare, chercher un mot.
C'est assez de songe et de doute.

Cette voix que d'en bas j'écoute,
Peut-être on l'entend
mieux là-haut.
Allons ! des ailes ou des voiles !
Allons! un vaisseau tout armé !
Je veux voir les autres étoiles
Et
la croix du sud enflammé.
Peut-être dans cette autre terre

Trouve-t-on la clef du mystère
Caché sous l'ordre
universel;
Et peut-être aux fils de la lyre
Est-il plus
facile de lire
Dans cette autre page du ciel !

 Quelquefois, sous les plis des nuages trompeurs,
Loin dans l'air, à travers les brèches des vapeurs
Par
le vent du soir remuées,
Derrière les derniers brouillards,
plus loin encor,
Apparaissent soudain les mille étages d'or

D'un édifice de nuées;
Et l'œil épouvanté, par delà tous nos cieux,
Sur une île de l'air au vol audacieux,
Dans l'éther
libre aventurée,
L'œil croit voir jusqu'au ciel monter,
monter toujours,
Avec ses escaliers, ses ponts, ses grandes
tours,
Quelque Babel démesurée.

Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées.
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis
l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits,
puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !
Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les
fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne
confus des morts que nous aimons.
Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront
rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux
monts le flot qu'il donne aux mers.
Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas matête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je
m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque
au monde, immense et radieux !