Quand la respiration du matin Éveille mille flaveurs Et le chant de la ville Il fait déjà jour L’aube crépusculaire a disparu Les fleurs déjà embaument Et ruissellent de couleurs Il fait déjà jour Quand les moteurs ronronnent Sur l’asphalte froid encore Le piéton frileux avance Il fait déjà jour Et l’école proche s’entrouvre Où les enfants chahutent Quittant les yeux parentaux Il fait encor jour Quand le ciel se multiplie Aux quatre horizons Et rayonne sur les rues Il est déjà tard La foule occupée est partie Et le temps qui s’écoule Est consommé Il est déjà soir! (Malices) 14/04/2016
Titre : Ce Que Veut L'amitié...Poète : Henri-Frédéric Amiel (1821-1881) Recueil : Il penseroso (1858).
Ami, j'entends bien tes maximes, Tes avis, tes conseils, tes vœux, Et, dans nos entretiens intimes, J'ai même entendu tes aveux ; Et pour tout cela mon cœur t'aime Mais tout cela n'est pas toi-même, Et c'est toi-même que je veux.
Titre : Les Amis À Deux PiedsPoète : Antoine Arnault (1766-1834) Recueil : Fables Livre, V (1812)
Fable XV, Livre V. « Je préfère un bon cœur à tout l'esprit du monde, Et d'amis à deux pieds je me passe fort bien, » Disait certain monsieur qui vit avec son chien Dans une retraite profonde. « Je n'ai pas d'autre ami que lui, Humains ; et s'il tient aujourd'hui La place qu'en mon cœur longtemps vous occupâtes C'est qu'il ne m'est pas démontré Que l'on ait aussi rencontré L'ingratitude à quatre pattes. »
Titre : Amitié FidèlePoète : Nicolas Boileau (1636-1711) Recueil : Poésies diverses (1654).
(Sur la mort d'Iris en 1654.)
Parmi les doux transports d'une amitié fidèle, Je voyais près d'Iris couler mes heureux jours : Iris que j'aime encore, et que j'aimerai toujours, Brûlait des mêmes feux dont je brûlais pour elle :
Quand, par l'ordre du ciel, une fièvre cruelle M'enleva cet objet de mes tendres amours ; Et, de tous mes plaisirs interrompant le cours, Me laissa de regrets une suite éternelle.
Ah ! qu'un si rude coup étonna mes esprits ! Que je versais de pleurs ! que je poussais de cris ! De combien de douleurs ma douleur fut suivie !
Iris, tu fus alors moins à plaindre que moi : Et, bien qu'un triste sort t'ait fait perdre la vie, Hélas ! en te perdant j'ai perdu plus que toi.
Poésie : La Vie Idéale
Poète : Charles Gros (1842-1888) Recueil : le Coffret de Santal (1873)
À May.
Une salle avec du feu, des bougies, Des soupers toujours servis, des guitares, Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs rares, Où l'on causerait pourtant sans orgies.
Au printemps lilas, roses et muguets, En été jasmins, oeillets et tilleuls Rempliraient la nuit du grand parc où, seuls Parfois, les rêveurs fuiraient les bruits gais.
Les hommes seraient tous de bonne race, Dompteurs familiers des Muses hautaines, Et les femmes, sans cancans et sans haines, Illumineraient les soirs de leur grâce.
Et l'on songerait, parmi ces parfums De bras, d'éventails, de fleurs, de peignoirs, De fins cheveux blonds, de lourds cheveux noirs, Aux pays lointains, aux siècles défunts.
...Ombres en arabesques masquant des béatitudes de cristal, Chuttes en pointillé sur la chaîne des songes, Transparent collier de vagues aux perles de nénuphars Dont le flux et le reflux happent de bleux lagons, Des masques de rochers cachent des forteresses Quand leur grisaille émerge du miroir de l'aube...
...Un survol de mouettes vient troubler le silence, Les forces telluriques ont crevassé la route des ombres... Mon crayon au hasard note l'inexpliquable, Je fixe mes vertiges sur le bord des pourquoi. Je ne note que mots, et que blancs, et que stries, Et le temps en suspens plane sur mes abîmes...
La lune était sereine et jouait sur les flots. - La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise, La sultane regarde, et la mer qui se brise, Là-bas, d'un flot d'argent brode les noirs îlots.
De ses doigts en vibrant s'échappe la guitare. Elle écoute... Un bruit sourd frappe les sourds échos. Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos, Battant l'archipel grec de sa rame tartare ?
Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour, Et coupent l'eau, qui roule en perles sur leur aile ? Est-ce un djinn qui là-haut siffle d'une voix grêle, Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?
Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? - Ni le noir cormoran, sur la vague bercé, Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé Du lourd vaisseau, rampant sur l'onde avec des rames.
Ce sont des sacs pesants, d'où partent des sanglots. On verrait, en sondant la mer qui les promène, Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine... - La lune était sereine et jouait sur les flots. Victor HUGO(Les Orientales)
Poésie... Dernier MadrigalPoète : Germain Nouveau (1851-1920)Recueil : Valentines (1885)
Quand je mourrai, ce soir peut-être, Je n'ai pas de jour préféré, Si je voulais, je suis le maître, Mais... ce serait mal me connaître, N'importe, enfin, quand je mourrai.
Mes chers amis, qu'on me promette De laisser le bois... au lapin, Et, s'il vous plaît, qu'on ne me mette Pas, comme une simple allumette, Dans une boîte de sapin ;
Ni, comme un hareng, dans sa tonne ; Ne me couchez pas tout du long, Pour le coup de fusil qui tonne, Dans la bière qu'on capitonne Sous sa couverture de plomb.
Car, je ne veux rien, je vous jure ; Pas de cercueil ; quant au tombeau, J'y ferais mauvaise figure, Je suis peu fait pour la sculpture, Je le refuse, fût-il beau.
Mon vœu jusque-là ne se hausse ; Ça me laisserait des remords, Je vous dis (ma voix n'est pas fausse) : Je ne veux pas même la fosse, Où sont les lions et les morts.
Je ne suis ni puissant ni riche, Je ne suis rien que le toutou, Que le toutou de ma Niniche ; Je ne suis que le vieux caniche De tous les gens de n'importe où.
Je ne veux pas que l'on m'enferre Ni qu'on m'enmarbre, non, je veux Tout simplement que l'on m'enterre, En faisant un trou... dans ma Mère, C'est le plus ardent de mes vœux.
Moi, l'enterrement qui m'enlève, C'est un enterrement d'un sou, Je trouve ça chic ! Oui, mon rêve, C'est de pourrir, comme une fève ; Et, maintenant, je vais dire où.
Eh ! pardieu ! c'est au cimetière Près d'un ruisseau (prononcez l'Ar), Du beau village de Pourrière De qui j'implore une prière, Oui, c'est bien à Pourrière, Var.
Croisez-moi les mains sous la tête, Qu'on laisse mon œil gauche ouvert ; Alors ma paix sera complète, Vraiment je me fais une fête D'être enfoui comme un pois vert.
Creusez-moi mon trou dans la terre, Sous la bière, au fond du caveau, Où tout à côté de son père, Dort déjà ma petite mère, Madame Augustine Nouveau.
Puis... comblez-moi de terre... fine, Sur moi, replacez le cercueil ; Que comme avant dorme Augustine ! Nous dormirons bien, j'imagine, Fût-ce en ne dormant... que d'un œil.
Et... retournez-la sur le ventre, Car, il ne faut oublier rien, Pour qu'en son regard le mien entre, Nous serons deux tigres dans l'antre Mais deux tigres qui s'aiment bien.
Je serai donc avec les Femmes Qui m'ont fait et qui m'ont reçu, Bonnes et respectables Dames, Dont l'une sans cœur et sans flammes Pour le fruit qu'elles ont conçu.
Ah ! comme je vais bien m'étendre, Avec ma mère sur mon nez. Comme je vais pouvoir lui rendre Les baisers qu'en mon âge tendre Elle ne m'a jamais donnés.
Paix au caveau ! Murez la porte ! Je ressuscite, au dernier jour. Entre mes bras je prends la Morte, Je m'élève d'une aile forte, Nous montons au ciel dans l'Amour.
Un point... important... qui m'importe, Pour vous ça doit vous être égal, Je ne veux pas que l'on m'emporte Dans des habits d'aucune sorte, Fût-ce un habit de carnaval.
Pas de suaire en toile bise... Tiens ! c'est presque un vers de Gautier ; Pas de linceul, pas de chemise ; Puisqu'il faut que je vous le dise, Nu, tout nu, mais nu tout entier.
Comme sans fourreau la rapière, Comme sans gant du tout la main, Nu comme un ver sous ma paupière, Et qu'on ne grave sur leur pierre, Qu'un nom, un mot, un seul, GERMAIN.
Fou de corps, fou d'esprit, fou d'âme, De cœur, si l'on veut de cerveau, J'ai fait mon testament, Madame ; Qu'il reste entre vos mains de femme...
Poésie : L'âme Titre : L'âmePoète : Germain Nouveau (1851-1920)Recueil : Valentines (1885) Comme un exilé du vieux thème, J'ai descendu ton escalier ; Mais ce qu'a lié l'Amour même, Le temps ne peut le délier.
Chaque soir quand ton corps se couche Dans ton lit qui n'est plus à moi, Tes lèvres sont loin de ma bouche ; Cependant, je dors près de Toi.
Quand je sors de la vie humaine, J'ai l'air d'être en réalité Un monsieur seul qui se promène ; Pourtant je marche à ton côté.
Ma vie à la tienne est tressée Comme on tresse des fils soyeux, Et je pense avec ta pensée, Et je regarde avec tes yeux.
Quand je dis ou fais quelque chose, Je te consulte, tout le temps ; Car je sais, du moins, je suppose, Que tu me vois, que tu m'entends.
Moi-même je vois tes yeux vastes, J'entends ta lèvre au rire fin. Et c'est parfois dans mes nuits chastes Des conversations sans fin.
C'est une illusion sans doute, Tout cela n'a jamais été ; C'est cependant, Mignonne, écoute, C'est cependant la vérité.
Du temps où nous étions ensemble, N'ayant rien à nous refuser, Docile à mon désir qui tremble, Ne m'as-tu pas, dans un baiser,
Ne m'as-tu pas donné ton âme ? Or le baiser s'est envolé, Mais l'âme est toujours là, Madame ; Soyez certaine que je l'ai.
Si la vie est un songe A quoi bon me tourmenter Je puis m'enivrer sans remords Et si j'en viens à tituber Je m'endormirai sous le porche de ma demeure A mon réveil un oiseau chante parmi les fleurs. Je lui demande quel jour nous sommes. Il me répond : au printemps, la saison où l'oiseau chante ! Je me sens étrangement ému Et prêt à m'épancher. Mais je me reverse à boire Et je chante tout le jour Jusqu'à ce qu'apparaisse la lune du soir. Et quand mes chants se taisent Je n'ai plus conscience de ce qui m'entoure.
T-E-M-P-S (Lance Wubbels) Dans la lumière filtrée du grenier, un vieil homme âgé dépoussière quelques vieilles boîtes en carton emmagasinés près d'une petite fenêtre. D'un revers de main, il balaie la poussière qui s'est accumulée à travers les années et les quelques toiles d'araignées qui s'y sont logées. Après avoir soulevé délicatement le couvercle, il commence à feuilleter un vieil album de photos, faisant resurgir de sa mémoire, différents moments de sa vie. Il ne peut s'empêcher de se demander pourquoi il est monté dans le grenier aujourd'hui pour déterrer ces vieux souvenirs. Il espère retrouver une photo de l'amour de sa vie qui a disparu bien des années avant. L'émotion lui serre le cœur, en redécouvrant tous ces trésors cachés dans ces photos. Bien que sa vie ne soit pas arrêtée de tourner après que sa femme l'a quitté, la mémoire de ces jours passés sont restés bien vivant, plus fort que sa solitude présente. Après avoir mis de côté, l'album de photos, une autre découverte attire son attention, celle d'un vieux journal appartenant, il semble, à son fils durant son enfance. Il ne se rappelle pas de l'avoir vu ici avant, ni que son fils ait écrit un journal. "Pourquoi Elizabeth avait toujours cette habitude de préserver ces vieilles reliques?", il se demanda en secouant sa tête. En ouvrant les pages jaunis par le temps, et en lisant l'écriture de son fils, il se rappelle de ce petit garçon qui a grandit trop vite dans cette même maison. Dans le silence de ce grenier, les paroles de son petit garçon de six ans se mirent à raisonner dans sa mémoire, le faisant revenir bien des années en arrière. Ecrit après écrit, il découvre avec un petit sentiment de peine et de remords, que les événements écrit par son fils, diffèrent légèrement des siens. Il finit par se rappeler que lui aussi gardait un journal journalier de ses activités pendant toutes ces années. Il finit par refermer le journal de son fils, se préparant à redescendre du grenier, quand il eut l'idée subite d'ouvrir un petit cabinet avec des vitres en verre. Il retira le journal de ses activités journalières. L'idée lui vint de comparer son journal avec celui de son fils, aux mêmes dates correspondantes. Dans son journal, il était écrit: "Une journée gaspillée à pécher avec Jimmy; nous rentrons bredouille!" Dans le journal de son fils Jimmy, on pouvait lire: "Je suis parti pécher aujourd'hui avec papa; le meilleur jour de ma vie!" Commentaire de Patrick: Le plus souvent, notre vision des choses diffèrent nettement de celui de nos enfants. Nos priorités, et ce que nous pensons ce qui est important, ne sont pas toujours les leurs. Comme dans cette histoire, nous regardons trop aux résultats, plutôt qu'à la qualité du temps passé avec Une chose que mes propres enfants se rappellent avec plaisir de leur enfance, c'est le temps que nous avons passés ensemble: les sorties dans la nature; les endroits excitants que nous avons visités ensemble; les soirées passées à construire un garage avec des vieux cartons et de la peinture; les coloriages et les découpages de magazines; les histoires lues; etc. Juste des petites choses à nos yeux d'adulte, mais des grandes aux yeux de nos enfants... Qu'ils se rappelleront toute leur vie!
Prière pour un deuil qui ne soit pas triste présenté par l'heureux Guy
PRIERE AMERINDIENNE
Quand je ne serai plus là, lâchez-moi ! Laissez-moi partir Car j'ai tellement de choses à faire et à voir ! Ne pleurez pas en pensant à moi ! Soyez reconnaissants pour les belles années Pendant lesquelles je vous ai donné mon amour ! Vous ne pouvez que deviner Le bonheur que vous m'avez apporté ! Je vous remercie pour l'amour que chacun m'a démontré ! Maintenant, il est temps pour moi de voyager seul. Pendant un court moment vous pouvez avoir de la peine. La confiance vous apportera réconfort et consolation. Nous ne serons séparés que pour quelques temps ! Laissez donc les souvenirs apaiser votre douleur ! Je ne suis pas loin et la vie continue ! Si vous en avez besoin, appelez-moi et je viendrai ! Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, je serai là, Et si vous écoutez votre cœur, vous sentirez clairement La douceur de l'amour que j'apporterai ! Quand il sera temps pour vous de partir, Je serai là pour vous accueillir, Absente de mon corps, présente avec Dieu ! N'allez pas sur ma tombe pour pleurer ! Je ne suis pas là, je ne dors pas ! Je suis les mille vents qui soufflent, Je suis le scintillement des cristaux de neige, Je suis la lumière qui traverse les champs de blé, Je suis la douce pluie d'automne, Je suis l'éveil des oiseaux dans le calme du matin, Je suis l'étoile qui brille dans la nuit ! N'allez pas sur ma tombe pour pleurer Je ne suis pas là, je ne suis pas morte.
Ce poème existe aussi sous le nom « Prière indienne : quand je ne serai plus là » Auteur poète amérindien anonyme
Il fait déjà jour
Quand la respiration du matin
Éveille mille flaveurs
Et le chant de la ville
Il fait déjà jour
L’aube crépusculaire a disparu
Les fleurs déjà embaument
Et ruissellent de couleurs
Il fait déjà jour
Quand les moteurs ronronnent
Sur l’asphalte froid encore
Le piéton frileux avance
Il fait déjà jour
Et l’école proche s’entrouvre
Où les enfants chahutent
Quittant les yeux parentaux
Il fait encor jour
Quand le ciel se multiplie
Aux quatre horizons
Et rayonne sur les rues
Il est déjà tard
La foule occupée est partie
Et le temps qui s’écoule
Est consommé
Il est déjà soir!
(Malices)
14/04/2016
Titre : Ce Que Veut L'amitié...Poète : Henri-Frédéric Amiel (1821-1881)
Recueil : Il penseroso (1858).
Ami, j'entends bien tes maximes,
Tes avis, tes conseils, tes vœux,
Et, dans nos entretiens intimes,
J'ai même entendu tes aveux ;
Et pour tout cela mon cœur t'aime
Mais tout cela n'est pas toi-même,
Et c'est toi-même que je veux.
Titre : Les Amis À Deux PiedsPoète : Antoine Arnault (1766-1834)
Recueil : Fables Livre, V (1812)
Fable XV, Livre V.
« Je préfère un bon cœur à tout l'esprit du monde,
Et d'amis à deux pieds je me passe fort bien, »
Disait certain monsieur qui vit avec son chien
Dans une retraite profonde.
« Je n'ai pas d'autre ami que lui,
Humains ; et s'il tient aujourd'hui
La place qu'en mon cœur longtemps vous occupâtes
C'est qu'il ne m'est pas démontré
Que l'on ait aussi rencontré
L'ingratitude à quatre pattes. »
Titre : Amitié FidèlePoète : Nicolas Boileau (1636-1711)
Recueil : Poésies diverses (1654).
(Sur la mort d'Iris en 1654.)
Parmi les doux transports d'une amitié fidèle,
Je voyais près d'Iris couler mes heureux jours :
Iris que j'aime encore, et que j'aimerai toujours,
Brûlait des mêmes feux dont je brûlais pour elle :
Quand, par l'ordre du ciel, une fièvre cruelle
M'enleva cet objet de mes tendres amours ;
Et, de tous mes plaisirs interrompant le cours,
Me laissa de regrets une suite éternelle.
Ah ! qu'un si rude coup étonna mes esprits !
Que je versais de pleurs ! que je poussais de cris !
De combien de douleurs ma douleur fut suivie !
Iris, tu fus alors moins à plaindre que moi :
Et, bien qu'un triste sort t'ait fait perdre la vie,
Hélas ! en te perdant j'ai perdu plus que toi.
Poésie : La Vie Idéale
Poète : Charles Gros (1842-1888)
Recueil : le Coffret de Santal (1873)
À May.
Une salle avec du feu, des bougies,
Des soupers toujours servis, des guitares,
Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs rares,
Où l'on causerait pourtant sans orgies.
Au printemps lilas, roses et muguets,
En été jasmins, oeillets et tilleuls
Rempliraient la nuit du grand parc où, seuls
Parfois, les rêveurs fuiraient les bruits gais.
Les hommes seraient tous de bonne race,
Dompteurs familiers des Muses hautaines,
Et les femmes, sans cancans et sans haines,
Illumineraient les soirs de leur grâce.
Et l'on songerait, parmi ces parfums
De bras, d'éventails, de fleurs, de peignoirs,
De fins cheveux blonds, de lourds cheveux noirs,
Aux pays lointains, aux siècles défunts.
La parabole du crayon.
Un petit garçon regardait son grand-père écrire une lettre.
A un certain moment, il demanda:
-Tu écris une histoire qui nous est arrivée?
Est-ce par hasard une histoire sur moi?"
Le grand-père cessa d'écrire, sourit et déclara à son petit-fils:
-J'écris sur toi, c'est vrai.Mais plus important
que les mots est le crayon que j'utilise.
J'aimerais que tu sois comme lui quand tu seras grand."
Intrigué, le gamin regarda le crayon et il ne vit rien de particulier.
-Mais il est pareil à tous les crayons que j'ai vus dans ma vie!"
-Tout dépend de la façon dont tu regardes les choses.
Il y a en lui cinq qualités qui feront de toi,
si tu parviens à les garder, une personne en paix avec le monde.
Première qualité: Tu peux faire de grandes choses, mais n'oublie jamais
qu'il existe une Main qui guide tes pas.
Deuxième qualité: De temps à autre, je dois cesser d'écrire et utiliser
le taille-crayon.Le crayon souffre un peu, mais à la fin il est mieux aiguisé.
Par conséquent, sache supporter certaines douleurs,
car elles feront de toi une meilleure personne.
Troisième qualité: Le crayon nous permet toujours d'utiliser une gomme
pour effacer nos erreurs.Comprends que corriger une chose
que nous avons faite n'est pas nécessairement un mal,
mais c'est important pour nous maintenir sur le chemin de la justice.
Quatrième qualité: Ce qui compte vraiment dans le crayon, ce n'est pas
le bois ou sa forme extérieure, mais le graphite qui est à l'intérieur.
Par conséquent, prends toujours soin de ce qui se passe en toi.
Enfin, la cinquième qualité du crayon:
Il te laisse toujours une marque sur son chemin.
De même, sache que tout ce que tu feras dans la vie laissera des traces,
et efforce-toi d'être conscient de tous tes actes."
...Ombres en arabesques masquant des béatitudes de cristal,
Chuttes en pointillé sur la chaîne des songes,
Transparent collier de vagues aux perles de nénuphars
Dont le flux et le reflux happent de bleux lagons,
Des masques de rochers cachent des forteresses
Quand leur grisaille émerge du miroir de l'aube...
...Un survol de mouettes vient troubler le silence,
Les forces telluriques ont crevassé la route des ombres...
Mon crayon au hasard note l'inexpliquable,
Je fixe mes vertiges sur le bord des pourquoi.
Je ne note que mots, et que blancs, et que stries,
Et le temps en suspens plane sur mes abîmes...
copyright@ Marie-Hélène
Clair de lune
La lune était sereine et jouait sur les flots. -
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Là-bas, d'un flot d'argent brode les noirs îlots.
De ses doigts en vibrant s'échappe la guitare.
Elle écoute... Un bruit sourd frappe les sourds échos.
Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos,
Battant l'archipel grec de sa rame tartare ?
Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour,
Et coupent l'eau, qui roule en perles sur leur aile ?
Est-ce un djinn qui là-haut siffle d'une voix grêle,
Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?
Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? -
Ni le noir cormoran, sur la vague bercé,
Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé
Du lourd vaisseau, rampant sur l'onde avec des rames.
Ce sont des sacs pesants, d'où partent des sanglots.
On verrait, en sondant la mer qui les promène,
Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine... -
La lune était sereine et jouait sur les flots.
Victor HUGO (Les Orientales)
Source : Road To Paradise !
Poésie... Dernier MadrigalPoète : Germain Nouveau (1851-1920)Recueil : Valentines (1885)
Quand je mourrai, ce soir peut-être,
Je n'ai pas de jour préféré,
Si je voulais, je suis le maître,
Mais... ce serait mal me connaître,
N'importe, enfin, quand je mourrai.
Mes chers amis, qu'on me promette
De laisser le bois... au lapin,
Et, s'il vous plaît, qu'on ne me mette
Pas, comme une simple allumette,
Dans une boîte de sapin ;
Ni, comme un hareng, dans sa tonne ;
Ne me couchez pas tout du long,
Pour le coup de fusil qui tonne,
Dans la bière qu'on capitonne
Sous sa couverture de plomb.
Car, je ne veux rien, je vous jure ;
Pas de cercueil ; quant au tombeau,
J'y ferais mauvaise figure,
Je suis peu fait pour la sculpture,
Je le refuse, fût-il beau.
Mon vœu jusque-là ne se hausse ;
Ça me laisserait des remords,
Je vous dis (ma voix n'est pas fausse) :
Je ne veux pas même la fosse,
Où sont les lions et les morts.
Je ne suis ni puissant ni riche,
Je ne suis rien que le toutou,
Que le toutou de ma Niniche ;
Je ne suis que le vieux caniche
De tous les gens de n'importe où.
Je ne veux pas que l'on m'enferre
Ni qu'on m'enmarbre, non, je veux
Tout simplement que l'on m'enterre,
En faisant un trou... dans ma Mère,
C'est le plus ardent de mes vœux.
Moi, l'enterrement qui m'enlève,
C'est un enterrement d'un sou,
Je trouve ça chic ! Oui, mon rêve,
C'est de pourrir, comme une fève ;
Et, maintenant, je vais dire où.
Eh ! pardieu ! c'est au cimetière
Près d'un ruisseau (prononcez l'Ar),
Du beau village de Pourrière
De qui j'implore une prière,
Oui, c'est bien à Pourrière, Var.
Croisez-moi les mains sous la tête,
Qu'on laisse mon œil gauche ouvert ;
Alors ma paix sera complète,
Vraiment je me fais une fête
D'être enfoui comme un pois vert.
Creusez-moi mon trou dans la terre,
Sous la bière, au fond du caveau,
Où tout à côté de son père,
Dort déjà ma petite mère,
Madame Augustine Nouveau.
Puis... comblez-moi de terre... fine,
Sur moi, replacez le cercueil ;
Que comme avant dorme Augustine !
Nous dormirons bien, j'imagine,
Fût-ce en ne dormant... que d'un œil.
Et... retournez-la sur le ventre,
Car, il ne faut oublier rien,
Pour qu'en son regard le mien entre,
Nous serons deux tigres dans l'antre
Mais deux tigres qui s'aiment bien.
Je serai donc avec les Femmes
Qui m'ont fait et qui m'ont reçu,
Bonnes et respectables Dames,
Dont l'une sans cœur et sans flammes
Pour le fruit qu'elles ont conçu.
Ah ! comme je vais bien m'étendre,
Avec ma mère sur mon nez.
Comme je vais pouvoir lui rendre
Les baisers qu'en mon âge tendre
Elle ne m'a jamais donnés.
Paix au caveau ! Murez la porte !
Je ressuscite, au dernier jour.
Entre mes bras je prends la Morte,
Je m'élève d'une aile forte,
Nous montons au ciel dans l'Amour.
Un point... important... qui m'importe,
Pour vous ça doit vous être égal,
Je ne veux pas que l'on m'emporte
Dans des habits d'aucune sorte,
Fût-ce un habit de carnaval.
Pas de suaire en toile bise...
Tiens ! c'est presque un vers de Gautier ;
Pas de linceul, pas de chemise ;
Puisqu'il faut que je vous le dise,
Nu, tout nu, mais nu tout entier.
Comme sans fourreau la rapière,
Comme sans gant du tout la main,
Nu comme un ver sous ma paupière,
Et qu'on ne grave sur leur pierre,
Qu'un nom, un mot, un seul, GERMAIN.
Fou de corps, fou d'esprit, fou d'âme,
De cœur, si l'on veut de cerveau,
J'ai fait mon testament, Madame ;
Qu'il reste entre vos mains de femme...
Dûment signé : GERMAIN NOUVEAU.
Poésie : L'âme
Titre : L'âmePoète : Germain Nouveau (1851-1920) Recueil : Valentines (1885)
Comme un exilé du vieux thème,
J'ai descendu ton escalier ;
Mais ce qu'a lié l'Amour même,
Le temps ne peut le délier.
Chaque soir quand ton corps se couche
Dans ton lit qui n'est plus à moi,
Tes lèvres sont loin de ma bouche ;
Cependant, je dors près de Toi.
Quand je sors de la vie humaine,
J'ai l'air d'être en réalité
Un monsieur seul qui se promène ;
Pourtant je marche à ton côté.
Ma vie à la tienne est tressée
Comme on tresse des fils soyeux,
Et je pense avec ta pensée,
Et je regarde avec tes yeux.
Quand je dis ou fais quelque chose,
Je te consulte, tout le temps ;
Car je sais, du moins, je suppose,
Que tu me vois, que tu m'entends.
Moi-même je vois tes yeux vastes,
J'entends ta lèvre au rire fin.
Et c'est parfois dans mes nuits chastes
Des conversations sans fin.
C'est une illusion sans doute,
Tout cela n'a jamais été ;
C'est cependant, Mignonne, écoute,
C'est cependant la vérité.
Du temps où nous étions ensemble,
N'ayant rien à nous refuser,
Docile à mon désir qui tremble,
Ne m'as-tu pas, dans un baiser,
Ne m'as-tu pas donné ton âme ?
Or le baiser s'est envolé,
Mais l'âme est toujours là, Madame ;
Soyez certaine que je l'ai.
Germain Nouveau
SI LA VIE EST UN SONGE
Si la vie est un songe
A quoi bon me tourmenter
Je puis m'enivrer sans remords
Et si j'en viens à tituber
Je m'endormirai sous le porche de ma demeure
A mon réveil un oiseau chante parmi les fleurs.
Je lui demande quel jour nous sommes.
Il me répond : au printemps,
la saison où l'oiseau chante !
Je me sens étrangement ému
Et prêt à m'épancher.
Mais je me reverse à boire
Et je chante tout le jour
Jusqu'à ce qu'apparaisse la lune du soir.
Et quand mes chants se taisent
Je n'ai plus conscience de ce qui m'entoure.
"Li-Taï-Po"
PRIERE AMERINDIENNE
Quand je ne serai plus là, lâchez-moi ! Laissez-moi partir
Car j'ai tellement de choses à faire et à voir !
Ne pleurez pas en pensant à moi !
Soyez reconnaissants pour les belles années
Pendant lesquelles je vous ai donné mon amour !
Vous ne pouvez que deviner
Le bonheur que vous m'avez apporté !
Je vous remercie pour l'amour que chacun m'a démontré !
Maintenant, il est temps pour moi de voyager seul.
Pendant un court moment vous pouvez avoir de la peine.
La confiance vous apportera réconfort et consolation.
Nous ne serons séparés que pour quelques temps ! Laissez donc les souvenirs
apaiser votre douleur ! Je ne suis pas loin et la vie continue ! Si vous
en avez besoin, appelez-moi et je viendrai !
Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, je serai là,
Et si vous écoutez votre cœur, vous sentirez clairement
La douceur de l'amour que j'apporterai !
Quand il sera temps pour vous de partir,
Je serai là pour vous accueillir,
Absente de mon corps, présente avec Dieu !
N'allez pas sur ma tombe pour pleurer !
Je ne suis pas là, je ne dors pas !
Je suis les mille vents qui soufflent,
Je suis le scintillement des cristaux de neige,
Je suis la lumière qui traverse les champs de blé,
Je suis la douce pluie d'automne,
Je suis l'éveil des oiseaux dans le calme du matin,
Je suis l'étoile qui brille dans la nuit !
N'allez pas sur ma tombe pour pleurer
Je ne suis pas là, je ne suis pas morte.
Ce poème existe aussi sous le nom « Prière indienne : quand je ne serai plus là »
Auteur poète amérindien anonyme