Poésies,contes et légendes.

Par Yannick Fondin - 1 il y a 10 années 4 mois
26/12/2018 - 09:40
Jean de la Fontaine n'a pas écrit que des fables animalières…… !!!

Invitation de la Folie !
  (fable de Jean de la Fontaine).

La Folie décida d'inviter ses amis pour prendre un café chez elle. 
Tous les invités y allèrent. 
Après le café la Folie proposa : 
- On joue à cache-cache ? 
- Cache-cache ? C'est quoi, ça ? demanda la Curiosité. 
- Cache-cache est un jeu. Je compte jusqu'à cent et vous vous cachez.
Quand j'ai fini de compter… je cherche, et le premier que je trouve sera le prochain à compter.   
Tous acceptèrent, sauf la Peur et la Paresse.  
- 1, 2, 3… La Folie commença à compter. 
L'Empressement se cacha le premier, n'importe où. 
La Timidité, timide comme toujours, se cacha dans une touffe d'arbre. 
La Joie courut au milieu du jardin. 
La Tristesse commença à pleurer, car elle ne trouvait pas d'endroit approprié pour se cacher. 
L'Envie accompagna le Triomphe et se cacha près de lui derrière un rocher. 
La Folie continuait de compter tandis que ses amis se cachaient. 
Le Désespoir était désespéré en voyant que la Folie était déjà à 99. 
CENT ! cria la Folie, je vais commencer à chercher... 
La première à être trouvée fut la Curiosité, car elle n'avait pu s'empêcher de sortir de sa cachette pour voir qui serait le premier découvert. 
En regardant sur le côté, la Folie vit le Doute au-dessus d'une clôture ne sachant pas de quel côté il serait mieux caché. 
Et ainsi de suite, elle découvrit la Joie, la Tristesse, la Timidité... 
Quand ils étaient tous réunis, la Curiosité demanda : 
- Où est l'Amour ? 
Personne ne l'avait vu. 
La Folie commença à le chercher. Elle chercha au-dessus d'une montagne, dans les rivières au pied des rochers. 
Mais elle ne trouvait pas l'Amour. 
Cherchant de tous côtés, la Folie vit un rosier, prit un bout de bois et commença à chercher parmi les branches, lorsque soudain elle entendit un cri : C'était l'Amour, qui criait parce qu'une épine lui avait crevé un œil. 
La Folie ne savait pas quoi faire. Elle s'excusa, implora l'Amour pour avoir son pardon et alla jusqu'à lui promettre de le suivre pour toujours.  
L'Amour accepta les excuses.    
Aujourd'hui, l'Amour est aveugle et la Folie l'accompagne toujours...

Joli, n’est-ce pas !?! 
26/12/2018 - 09:06
LE JOUR OÙ LE PÈRE NOËL NE FIT PAS DE CADEAU..


Le Père Noël se faisait vieux. Sa tête avait le tournis des voyages. Ses jambes s’étaient raidies aux dernières équipées. Le traîneau, il fallaitle voir : tout branlant, grinçant, bringuebalant sur ses chevilles vermoulues. Quant aux rennes, ils ne faisaient pas moins peine à regarder : deux bourriques frileuses, les bois comme des sarments morts,la lippe baveuse, la rotule grippée, et qui redoutaient à qui mieux-mieux l’approche du solstice. Comme elles auraient préféré rester à l’accroche dans leur écurie du Pôle ! Comme elles se seraient contentées, ces braves bêtes, de brouter l’herbe au givre ! Depuis le temps qu’elles rendaient de bons et loyaux services n’avaient-elles pas droit à un repos bien mérité ?Les images pourtant parlent d’elles-mêmes : voici un bonhomme qui pèse ses deux quintaux,porte une barbe vénérable,s’encombre d’une hotte craquante de joujoux par milliers et vous le voulez néanmoins capable d’accomplir comme qui s’amuse les prouesses d’un jeune acrobate. Une, deux, trois, hop ! le voilà des toits verglacés tout d’un coup dans votre salon, comme s’il était entré par la grande porte ! Or il avait encore forci, le Père. Les cheminées lui devenaient voie étroite.Une, deux, trois, aïe ! Il s’y élimait la veste, s’y salissait le poil, s’y crottait les parements blancs, et parfois même, parfois même – hélas ! – restait coincé dans le tuyau : ses bottes se balançaient au-dessus de l’âtre, comme celles d’un pendu, et le voilà parti pour un quart d’heure de contorsions malheureuses ! Et ça, c’était quand il y avait des cheminées. Avec les progrès de la chauffagerie, pour sûr, rares étaient les maisons où l’on brûlait un feu. On chantait Petit Papa, on plaçait les souliers près de l’arbre, mais comment pouvait-il entrer dans ces appartements calfeutrés sous double vitrage et blindage triple ? Il avait dû prendre des cours de serrurerie pour crocheter les portes.Il avait même suivi des leçons d’électronique pour débrancher les alarmes.
Pour quoi faire ? Il devait y aller doucement : sa déontologie lui interdisait l’effraction. Alors régulièrement la sirène se déclenchait, battait un branle-bas de tous les diables et l’équipe de surveillance le prenait pour un cambrioleur. Il venait apporter des cadeaux mais la crise était si dure, le monde devenu si méfiant, il n’y avait aucun doute : c’était un chômeur déguisé, il allait emporter l’écran haute-définition, voler l’argenterie de tante Hortense, et l’on pouvait encore se sentir heureux de s’en tirer à si bon compte !
Toutes ces contrariétés n’étaient rien, cependant, auprès des vexations qui affectaient sa propre personne. Que de travestissements il avait dû accepter ! D’abord, les enfants se mirent à ne plus apprendre qu’il s’appelait saint Nicolas.
C’était au temps de la République : pour continuer d’exercer son métier, il lui avait fallu troquer sa mitre d’évêque pour ce ridicule bonnet à pompon de bûcheron en goguette.
Ensuite, les enfants ne purent plus le reconnaître qu’en habit rouge fourré de blanc.
C’était au temps de la Grande Distribution : pour continuer d’exercer son métier, il s’était vu contraint de respecter les standards et d’arborer les couleurs d’un produit de marque. Mais le plus dur, ce fut de découvrir que les enfants, tout en continuant de l’appeler Père Noël, ne savaient plus ce que Noël voulait dire, plus grave encore, ne devaient plus le savoir : pour continuer d’exercer son métier, il était désormais dans l’obligation de ne plus rien raconter d’ostensible sur cette vieille affaire juive de la crèche et de la croix.
Ce jour-là, le Père Noël se sentit près de la fin. L’heure avait sonné de prendre sa retraite. Mais il continua quand même, par fidélité à sa tâche et par amour de ces petits dont les yeux, devant le présent offert, s’écarquillent plus grands que les yeux des grands.
Il en était à cette étape de son existence quand par une froide nuit du 24 décembre il lui arriva l’aventure que je m’en vais vous conter. C’était une maison à cheminée, le conduit bien large, pour une fois, une maison à l’ancienne dans le quartier résidentiel d’une grande ville. Pas d’alarme à désamorcer.Pas d’ignorance à supporter: une petite Vierge veillait dans une niche au-dessus de la porte. Le Père Noël en espérait des joies comme depuis des lustres il n’en avait plus eu. Afin de s’éviter le coinçage, il avait décidé de descendre en deux temps : lui d’abord, en rentrant bien le ventre, sa hotte ensuite, qu’ilferait glisser le long d’une corde. Le feu était éteint, ouf ! (parce qu’il y en avait qui vous confondait avec je ne sais quel démon tout joyeux de débarquer dans les flammes). Une, deux, trois, hop ! Une lettre à la poste, presque comme jadis ! Bon, la barbe avait viré au gris, une trace noire lui barrait les fesses et le ventre, mais pour le reste…


 
Le Père Noël arrêta l’inspection. Il avait été surpris par un petit garçon, sept ou huit ans, qui l’attendait de pied ferme..
— Ah ! s’étonna le Père, tu n’es pas couché ?
— Est-ce que j’ai l’air d’être au lit ?
Le Père Noël fut un peu déconcerté par cette repartie familière. Mais les enfants de nos jours, il le savait bien, ce n’était pas leur faute s’ilsétaient un peu trop dégourdis.Et puis il était si heureux que celui-ci pour l’attendre ait résisté au sommeil :
— Tu avais un très grand désir de me voir, pas vrai, mon garçon ?
Or le garçon, au lieu de lui répondre, l’examinait, fronçait les yeux vers ses épaules, cherchait derrière son dos, lui posa pour finir la question :
— Elle est où, ta hotte ?
— Eh bien, elle est encore là-haut, mon cher enfant, mais elle ne va pas tarder à descendre.Dis, ca fait plaisir, hein, de rencontrer le Père Noël, le vrai Père Noël en chair et en os, moi ?
— Écoute, on va pas discuter des heures. Mes parents m’emmènent déjà chez un psychologue. Je veux mon cadeau, vite !
Le Père Noël fut si stupéfait qu’il s’exécuta sans mot dire. Peut-être était-ce le noir de suie qui le rendait peu aimable ? Peut-être son embonpoint qui l’éloignait des super-héros ?
L’air bête, l’esprit sonné,il tira machinalement sur la corde, fit glisser sa hotte, tira un gros paquet qu’il avait pris soin d’emballer dans un papier couleur de nuit piquée d’étoiles. Le petit garçon ne prêta aucune attention à ce papier.Il déchira la nuit piquée d’étoiles comme un obstacle inutile. Cela faisait plaisir, tout de même, de voir cette spontanéité, cette fraîcheur, le petit qui se jette sur la boîte tout pareil qu’un jeune chien frétillant sur une côtelette !
— Mais… c’est pas la bonne !
Le garçon avait eu un geste de recul, presque un haut-le-cœur.
— Comment cela, c’est pas la bonne ?
— J’avais commandé la PSP 637, avec le dernier FPS de Multimania…
— FPS ?
— First-Person Shoot, c’est-à-dire. Un jeu où est-ce que tu tires sur tout ce qui bouge.
— Et donc ?
— Donc c’est pas la bonne version, ni pour l’un ni pour l’autre. Ça, c’est la PSP 636+, la même que celle de mon cousin Kévin, et puis ce FPS, c’est un Time Crisis Mega !
— C’est-à-dire ?
— C’est-à-dire ce jeu il date des grandes vacances. Même que mon cousin Théo il l’a déjà !
— Je t’avoue que je ne suis pas toujours au fait des toutes dernières versions mises sur le marché. Autrefois, ça n’allait pas si vite. Figure-toi que j’ai pu offrir le même cheval à bascule pendant près d’unsiècle.
— Un cheval à bascule… Non mais quel bouffon ! À quoi ça sert d’être le Père Noël si on n’a pas lu le dernier catalogue ToysR’Now? Ici, c’est à la page 203, la PSP 637, et là, page 206, le dernier First-Person Shoot : Kill’em all 666… Faut tout t’apprendre, ou quoi ?


 
Le Père était consterné. Il regarda la trace noire comme l’équateur sur la mappemonde de son ventre. La pause lui parut longue. Une éternité. Puis il rendossa son bagage, marcha vers la sortie en somnambule comme un employé qui vient de recevoir son avis de licenciement – pour incompétence technique.
— Hé ! Où tu vas, comme ça ? Si tu crois que tu peux t’en tirer facile ! Mon papa, je te le jure, il va se plaindre au Service-Après-Vente !
Cela partit tout seul. Un élan du cœur. Le Père Noël avait soudain vu rouge, il attrapa le gamin, une, deux, trois, pan ! ce fut une fessée magistrale, une vraie correction de Noël à vous faire voir les mages, les étoiles et tous les anges du ciel avec…
Le vent glacial fouettait son vieux visage. Les rennes emportaient poussivement le traîneau branlant, tout ébaubis de leur course brève. Direction le Pôle, déjà. On rentrait plus tôt que prévu dans la neige et la nuit. Les larmes gelaient dans ses rides.
Ainsi les enfants ne l’aimaient pas pour lui, mais pour ses cadeaux. Ainsi ils n’espéraient plus tant de le voir, que d’avoir un paquet conforme à leur commande. Il n’était qu’un livreur en vêtement comique, un distributeur de jouets, pire encore : un valet de l’industrie. Il avait contribué à gâter les âmes.
Aux enfants, il avait voulu inspirer la gratitude et l’émerveillement. Mais au lieu de gratitude, il les avait remplis de convoitise. Au lieu d’émerveillement, il leur avait appris le calcul. Sa hotte n’était plus la réserve de la grâce mais le caddie de l’hypermarché. Tout le monde voulait son article à la mode, et il paraît même qu’à cause de lui, à cause de cette envie dont il était complice, il y avait loin d’autres enfants qui ne fêtaient pas Noël, qui fabriquaient des cadeaux à bas prix – leurs petites mains ne coûtaient pas chers – sous un beau drapeau couleur de ses propres vêtements.
Le Père Noël lança son bonnet rouge dans un coin du grenier,puis il sortit de l’ombre une grande malle verte : au fond, il y avait sa mitre,sa vieille mitre d’évêque… Cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas vu. Elle semblait le regarder d’un air de reproche : qu’est-ce que ça lui avait valu d’y renoncer pour rester proche du monde ? Elle était rongée par les mites, cornée par le désordre, auréolée d’humidité.
Qu’allait-il faire à présent ? « Si on ne croit même plus au Père Noël… si mes cadeaux ne rendent pas les enfants plus sages, mais toujours plus avides… qu’est-ce que je vais leur donner à la place ? Des gifles ? Des coups de crosse ? Le vieux bout de bois recourbé, il ne tiendra pas le coup. Il faut pourtant que je trouve autre chose. »
Et le Père Noël trouva autre chose. Quelque chose qui ferait qu’on l’aimerait peut-être pour lui-même. Quelque chose qui donnerait peut-être l'envie d’accueillir à nouveau la grâce du cheval à bascule. La hotte ne serait même plus assez large pour qu’on l’y mette… Il abandonna son costume rouge fourré de blanc. Il revêtit une vieille tunique grise et trouée, du temps qu’il était encore saint Nicolas. Mais il ne coiffa pas la mitre.
Si le soir du 24 décembre vous croisez un vieillard chauve à barbe blanche, et que ce vieillard vous tende une main vide, qu’il vous mendie l’aumône de quelques pièces jaunes et que, malgré son grand sourire, il semble sur le point de mourir de froid – n’en doutez pas : c’est lui, le vrai Père Noël..

Conte de Noël publié dans Témoignage Chrétien la semaine de Noël 2008.
Ce commentaire a été modifié le 26/12/2018 à 09:16
25/12/2018 - 10:25
Conte de Noël : L’Extase, par G. Lenotre.


Qu’est-ce que l’esprit de Noël, la magie de Noël ? C’est peut-être, le temps d’une lecture, retrouver son âme d’enfant.

Aujourd’hui, L’Extase, de G. Lenotre (1855-1935), tiré de Légendes de Noël, choisi et mis en forme par notre ami Antoine de Lacoste.
La scène se déroule au château de Compiègne lors d’un séjour de la cour de Napoléon III, un soir d’hiver.
Après le dîner et la musique, les causeries commençaient.
L’impératrice avisa le vieux général d’Olonne qui, de la soirée, n’avait pas proféré un mot :
À vous, général, dit-elle, contez-nous une histoire.
— Moi ! Que Votre Majesté m’excuse, je n’en sais pas… ou, plutôt, je n’en sais qu’une, si lointaine, si naïve…
— Tant mieux, je n’aime que celles-là. Le nom du héros ?
— Votre Majesté me permettra de ne le divulguer qu’à la fin…, si je me tire de mon récit.
— Soit. C’est une histoire de guerre ? De révolution ?
— De guerre, oui.
— Bravo ! Ce sont les plus belles.
— Et de révolution, aussi, car celui auquel échut l’aventure était un orphelin à la façon de Robespierre : c’était un enfant nommé Jean ; son père et sa mère avaient été arrêtés une nuit dans leur château de la Somme, traînés à Paris et guillotinés. Le château même avait été envahi et pillé par les sans-culottes de Montdidier. Ces choses n’avaient pas laissé de trace dans l’esprit du petit Jean, âgé seulement de sept ou huit mois ; mais sa grand-mère maternelle, la vieille marquise d’Argueil, avait gardé de ces événements tragiques une impression ineffaçable ; elle avait fui, à demi folle d’horreur, emportant son petit-fils. D’étape en étape, reculant devant les armées victorieuses de la République, la grand-mère et l’orphelin étaient ainsi parvenus jusqu’en Autriche ; certaine d’être là à l’abri des sans-culottes, la marquise s’était fixée à quelques heures de Brünn, sur les confins de la Moravie, dans un village appelé Slibowitz.
C’est là que Jean grandit, entre son aïeule inconsolée et un saint prêtre, évadé des bagnes de la République. Il s’éleva, tant bien que mal, recueillant de la marquise les traditions de sa famille, et recevant les leçons du prêtre, qui lui apprit un peu de latin et beaucoup de cantiques. En fait d’histoire, on ne lui enseigna qu’une chose : c’est que depuis la chute du trône des Bourbons, le peuple français, jadis si policé et si élégant, s’était transformé en une hordede cannibales.
Lorsque Jean sortait de chez son précepteur,l’esprit hanté des noyades,des déportations,des tueries de Septembre,des égorgements de Lyon ou de Cambrai, il retrouvait chez sa grand-mère le même cauchemar dans le récit des visites domiciliaires, des arrestations, des guillotinades, et de la mort sanglante de son père et de sa mère… Il en frissonnait, le soir, dans son petit lit, en écoutant causer la tremblante marquise et le maigre abbé, qui se communiquaient les nouvelles apportées par la gazette. Jean apprit ainsi que ces démons de Français, lassés de l’anarchie, s’étaient donné pour chef un ogre qu’ils avaient fait venir de Corse, et en comparaison duquel Attila, le fléau de Dieu, n’était, au dire de l’abbé, qu’un placide et paterne bonhomme.
L’enfant en rêvait la nuit et en restait préoccupé tout le jour.
— C’est loin, la France, grand-mère ? demandait-il pour se rassurer.
— Très loin, mon enfant, grâce à Dieu ! gémissait la pauvre dame.
— Et vous êtes sûre que l’ogre ne viendra pas nous chercher ici ?
— Dieu ne le permettra pas, sans doute.
Je dois dire à Votre Majesté qu’avec l’âge, la curiosité, dans l’esprit du petit Jean, prenait la place de la terreur : tous les ancêtres de mon jeune héros avaient porté l’épée, et son petit cœur battait la charge dès qu’on parlait guerre, soldats et batailles rangées.
Il venait d’avoir douze ans au mois de décembre 1805 ; depuis quelques mois, son esprit était en éveil : on ne s’était pas caché pour parler devant lui des événements qui bouleversaient l’Europe ; il savait que les Français avaient envahi l’Allemagne et s’étaient avancés jusqu’à Vienne ; le village de Slibowitz, qu’il habitait, avait même été occupé, pendant bien des semaines, par un corps de soldats russes. Jean avait couru les bivouacs, admiré les cosaques barbus. Ils allaient se battre contre Bonaparte, et le lendemain, dès l’aube, on entendit en effet, au loin, du côté de Brünn, ronfler une canonnade qui ne prit fin que vers le soir.
Personne ne dormit cette nuit-là dans le bourg : on attendait des nouvelles. Vers deux heures du matin, les cosaques traversèrent le village en tourbillon, à la débandade, et ne reparurent plus. On apprit seulement quelques jours plus tard que les Français étaient victorieux et que l’empereur d’Autriche implorait grâce.
La marquise d’Argueil, persuadée que la guillotine allait reparaître, en tremblait d’émotion et d’effroi ; l’abbé préparait ses bagages.
Quant à Jean, il était à la fois très inquiet de savoir l’Ogre si près de lui, et très fier pourtant à la pensée que ces robustes cosaques, à qui rien ne faisait peur, avaient été si prestement mis en déroute par les troupiers français. Quelle pouvait bien être l’allure de ces héros ?
Et dans son impatience il aurait voulu voir, ne fût-ce qu’en image, ne fût-ce que sous forme de jouets, ces hommes terribles qui conquéraient ainsi l’Europe tambour battant.
La veille de Noël, tandis que la marquise s’apprêtait pour la messe de minuit, il plaça, avant de se coucher, ses souliers devant l’âtre et déposa près d’eux, bien en évidence, un feuillet blanc où, de sa plus belle main, il écrivit : Petit Jésus, apportez-moi des soldats français.
Il se coucha plein d’espoir et s’endormit.
Je dois dire qu’en rentrant des offices, vers cinq heures du matin, la vieille marquise ne songea même pas à jeter un regard du côté de la cheminée:elle venait d’apprendre que l’Ogre approchait. Elle alla jusqu’au lit de Jean, dressé dans une alcôve au fond de l’unique salle dont se composait le rez-de-chaussée de la maison, murmura deux ou trois : « Pauvre petit ! », et se prépara à monter à sa chambre. Elle avait déjà gravi quelques marches de l’escalier quand un grand bruit se fit dans la rue : des piétinements de chevaux, des appels, des chocs d’armes, et, aussitôt, des coups pressés, frappés à la porte de la maison.
La marquise n’eut pas la force de s’évanouir :elle recommanda son âme à Dieu et alla ouvrir la porte.Sur le seuil, quelques hommes, qui lui parurent pour la plupart gigantesques, se tenaient couverts de grands manteaux à pèlerines et coiffés de bicornes dorés ; d’autres, en masse, restés à cheval, barraient la rue du village. Elle recula, les hommes entrèrent sans façon. L’un d’eux, le plus petit, s’avança vers elle, et d’une voix très douce, lui dit :
— Excusez-nous, bonne vieille, nous aurons fini en quelques minutes.
Déjà les autres avaient tiré la table près de la cheminée, approché la lampe et étalé de grandes cartes.
— Voyez, sire, dit l’un.
Celui qui l’avait appelée « bonne vieille » se pencha, le sourcil froncé, et elle comprit tout de suite que c’était lui…l’Ogre ! Bonaparte ! La marquise,écroulée sur les marches de l’escalier,s’apprêtait à bien mourir et se disait la prière des agonisants.
L’empereur releva la tête.
— C’est bien, fit-il.
Les officiers, docilement, replièrent les cartes ; lui s’approcha du feu mourant, s’assit sur un escabeau, saisit les pincettes et tisonna nerveusement. Puis il se prit le front dans les mains et resta songeur, les yeux fixes. Les aides de camp, derrière lui, se tenaient debout, immobiles, attendant ses ordres.
Bonaparte se pencha, l’œil fixé sur la feuille blanche posée en travers des petits souliers. Il la saisit et, à demi-voix, lut : Petit Jésus, apportez-moi des soldats français… Il releva le front.
— Qu’est-ce que cela ? dit-il.
Puis appelant :
– Berthier ? 
Un des généraux de la suite s’approcha.
— À quelle date sommes-nous ? Est-ce aujourd’hui Noël ?
— Oui, sire.
— Tiens ! c’est la nuit du réveillon… Qui donc habite cette maison ? Des Français ? Il se leva, le feuillet à la main, et vint à la marquise.
— Vous parlez français, bonne femme ?
— Oui, balbutia-t-elle. Grâce ! 
L’empereur allait et venait par la chambre, il arriva ainsi au lit où dormait Jean.
— C’est cet enfant qui a écrit ce souhait ? Il est Français, lui aussi ?
— Oui, répéta la marquise rassemblant ses forces. Grâce pour lui, du moins ! 
L’empereur n’écoutait pas, il s’était penché sur le petit lit et regardait l’enfant dormir.
— Sortez-le du lit, sans le réveiller, si c’est possible ; et enveloppez-le bien, qu’il ne sente pas le froid. 
Puis, se tournant vers la marquise :
— Je le prends, dit-il, on vous le ramènera tantôt.
— Seigneur ! s’écria l’aïeule en sanglotant.
Mais déjà Berthier avait sorti Jean de son lit et le roulait dans les couvertures. L’empereur, au seuil de la maison, monta sur son cheval que tenait en main un mamelouck. Le petit jour blanchissait le ciel : la vieille marquise, paralysée par la terreur, vit, de ses yeux noyés de larmes, l’aide de camp soulevant le petit Jean, le présenter à Bonaparte, qui, d’une voix très douce, presque tendre, répétait :
— Doucement, doucement, ne le réveillons pas. 
Il le posa devant lui, sur le velours pourpre de sa selle, et, appuyant la tête de l’enfant contre sa poitrine, il disparut dans l’aube grise, suivi de son escorte.
Quand Jean, plus tard, rassemblait ses impressions de ce matin-là, il se souvenait avoir ouvert les yeux, aussitôt refermés, gros de sommeil.
Son visage était enfoui dans la fourrure, il avait chaud, il se sentait bien ; il lui semblait qu’on le berçait, et quelqu’un penché sur lui, répétait, d’un ton très bas :
— Dors, mon petit, dors ! 
Puis il entendit tout à coup comme un bruit de tonnerre, il ouvrit les yeux, ébahi. Il était emporté, au grand galop d’un cheval, serré contre un homme qui, le tenant à bras-le-corps, le regardait tout souriant et répétait :
— N’aie pas peur ! Tu as demandé au petit Jésus des soldats français. En voilà ! 
Et, dans la plaine, à perte de vue, s’alignaient des régiments merveilleux:lignes sombres de grenadiers,coiffés de bonnets d’ourson,auxquelles succédaient les lignes plus claires de voltigeurs ; puis les dragons rangés sur leurs chevaux qui saluaient de la tête ; puis les lanciers dont les flammes roses frissonnaient au vent du matin… Et, à mesure que le maître avançait, du fond des rangs montait le grondement rythmé des tambours battant Aux champs, les éclats des fanfares victorieuses, les cris formidables de toute l’armée acclamant son empereur. Au loin, le canon solennellement tonnait, les baïonnettes étincelaient sous le soleil levant, et lui, grisé, les narines ouvertes,les lèvres souriantes, le front radieux, serrait l’enfant dans ses bras, et, de temps en temps disait :
— Tu vois, comme c’est beau ! N’est-ce pas que c’est beau ? 
Le général d’Olonne s’essuya les yeux, se tut un instant et reprit :
— Quand la revue fut terminée et que l’empereur m’eut remis aux mains…
— Comment, général, le petit Jean, c’était vous ?
— C’était moi, Majesté… Je rentrai à Slibowitz dans l’état d’un être à qui Dieu a entr’ouvert la porte du ciel ; deux jours plus tard, j’étais inscrit dans les pages et je prenais le chemin de Paris. C’est ainsi que ma carrière a commencé.
Voilà pourtant les surprises que l’Enfant Jésus apportait aux petits Français de ce temps-là;
Ce commentaire a été modifié le 25/12/2018 à 10:34
24/12/2018 - 17:32


Cette nuit fut si longue
Si longue et froide
Si longue...
 
Comment voulez-vous faire
Lorsque viennent les douleurs
Dans l’indifférence du monde ?
Si longue est la nuit ...
 
Il a fallu s’abriter d’abord
Puis allumer un bon feu
Fabriquer comme un nid
Pour l’enfant à venir
Soulager comme on peux
Les douleurs de l’épouse
Aider à l’accouchement
Jusqu’au premier cri
À la première alarme
Echanger ses sourires
Longue, longue est la nuit…
 
Le ciel aux mille étoiles
Appelait l’humanité
Seuls quelques bergers
Sont venus prier Dieu
Pour souhaiter bienvenue
Au Fils de l’homme
 
Cette nuit fut si longue
Si longue et fraîche
Si belle...
 
 Malices



24/12/2018 - 06:26
Les Idées de Liette, de Jules Lemaître (1853-1914), choisi et mis en forme par Antoine de Lacoste.

Liette a lu les Contes de Perrault, offerts par son parrain. Elle est déçue : plusieurs se terminent mal et d’autres voient les méchants qui ne sont pas punis. Elle n’accepte pas que le Petit Chaperon soit mangé, que la femme de l’Ogre soit si malheureuse ou que la femme de Barbe-Bleue risque la mort pour « une petite désobéissance de rien du tout ».
Alors, elle va transformer ces contes à l’occasion de Noël.
Le jour de Noël, Liette, ayant rassemblé ses petites amies, leur racontait des histoires, ce qui est un de ses grands plaisirs.
Six paires d’yeux limpides étaient fixées sur Liette, et six bouches roses buvaient ses paroles.
Liette disait : En ce temps-là, Jésus naquit dans une étable, entre le bœuf et l’âne. Marie et Joseph étaient auprès de lui, et les bergers et les rois Mages vinrent l’adorer.
Vers la même heure, le Petit Chaperon rouge, qui ne se souvenait seulement plus d’avoir rencontré le loup, s’amusait à cueillir des noisettes, à courir après les papillons et à faire des bouquets de fleurs.
– Des fleurs à Noël, dit Zette ?
Liette méprisa l’objection et continua : Elle ne s’était pas aperçue que la nuit venait. Le bois était noir. Le panier qu’elle portait à son bras, et où il y avait une galette et un petit pot de beurre, lui semblait bien lourd. Elle ne connaissait plus son chemin et se mit à pleurer. Mais elle aperçut très loin une petite lumière. Elle marcha de ce côté… et arriva à l’étable où Jésus était couché dans la crèche.
Elle fut d’abord surprise ; mais, comme l’Enfant Jésus lui souriait, elle l’embrassa et elle offrit à la Vierge sa galette, son petit pot de beurre et ses bouquets. La Vierge la remercia et lui dit : « Tu as bien fait de venir ici, petite : sans cela, tu aurais été mangée par le loup.Mais le loup n’a même pas pu manger ta mère-grand, car un homme l’a vu au moment où il essayait d’entrer et l’a chassé à coups de pierres. »
Alors la Vierge commanda à l’un des bergers de reconduire la petite fille chez ses parents, qui devaient être en peine. Et l’un des rois Mages trouva le Petit Chaperon si gentil qu’il voulut l’adopter. « Allezdemander à mes parents », dit le Petit Chaperon. Et le roi Mage y alla ;il adopta le Petit Chaperon rouge et l’emmena dans sa Cour avec son père, sa mère et sa mère-grand.
Ce n’est pas tout, poursuivit Liette. Quand le Petit Chaperon rouge fut sorti de l’étable, la femme de l’Ogre arriva tout en pleurs.
Elle dit son malheur à la Vierge, et qu’elle venait de trouver ses sept filles égorgées. La Vierge lui répondit, après avoir parlé tout bas à l’Enfant Jésus :«Rentrez dans votre maison, pauvre femme ; vous y trouverez vos sept filles vivantes dans leurs lits ; elles seront même plus jolies qu’auparavant et, au lieu de leurs longues dents et de leurs nez crochus, elles auront de petites dents et des nez retroussés. Mais recommandez bien à votre mari de ne plus tuer les petits enfants.
– Je n’y manquerai pas, Madame, dit la femme de l’Ogre. Au reste, mon mari est très fâché d’avoir tué ses filles par mégarde et je crois que son chagrin l’a rendu meilleur.
– S’il en est ainsi, dit l’un des rois Mages, je le prendrai à mon service et il sera un des Suisses qui gardent mon palais. »
La femme de l’Ogre fit de grands remerciements et s’en alla bien contente.
Alors, madame Barbe-Bleue entra dans l’étable les cheveux épars, une petite clé à la main. Elle dit son aventure à la Vierge et combien elle craignait le retour de son mari. La Vierge prit la petite clé tachée de sang et la fit toucher à l’Enfant Jésus et le sang disparut aussitôt.Et La Vierge rendit la clé à madame Barbe-Bleue qui la remercia beaucoup. Madame Barbe-Bleue rentra chez elle, et son mari ne sut jamais qu’elle lui avait désobéi. Il fut donc très gentil pour elle : mais, parce qu’il avait été très méchant en tuant ses premières femmes, il mourut quelques jours après d’un accident de chasse.


Ce commentaire a été modifié le 24/12/2018 à 06:31
23/12/2018 - 08:58





22/12/2018 - 07:06
21/12/2018 - 16:44

 
DE TRÈS BELLES FÊTES 

Pour vous tous mes petits coeurs
Ceux et celles
Qui sont devenus mes amis/es virtuels
Qui par mes poèmes, vous vous retrouvez
Pour vous, charmantes dames et demoiselles
Pour vous aussi chers messieurs
Pour vous en cette belle période des Fêtes
Pour vous j'aurais tant aimé souhaiter
Que vos désirs et vos souhaits se réalisent tous
La paix l'amour et l'amitié
Du fond de mon coeur
Pieux sont mes humbles voeux
Ce n'est pas encore aujourd'hui ni demain
Que les hommes rendront notre monde
Moins méchants, moins indulgents
On ne changera pas les humains
Chaque personne a son chemin à suivre
Mais en cette période de réjouissances
Laissez-moi vous chanter
À vous amies et amis virtuels
Mes rêves d'Amour et de Paix, de Bonheur et de Santé
C'est avec vous que je veux les partager
Avec vous, chez qui j'ai trouvé le vrai bonheur
Des sentiments et des amitiés
Bien plus forts que dans le réel
Il est pour vous ce poème
Pour vous dire en un seul mot
Que je vous aime

@copyright Théma





21/12/2018 - 14:47
        En hiver la terre pleure

     

      En hiver la terre pleure ;
Le soleil froid, pâle et doux,
Vient tard, et part de bonne heure,
Ennuyé du rendez-vous.

Leurs idylles sont moroses.
- Soleil ! aimons ! - Essayons.
O terre, où donc sont tes roses ?
- Astre, où donc sont tes rayons ?

Il prend un prétexte, grêle,
Vent, nuage noir ou blanc,
Et dit : - C'est la nuit, ma belle ! –
Et la fait en s'en allant ;

Comme un amant qui retire
Chaque jour son coeur du noeud,
Et, ne sachant plus que dire,
S'en va le plus tôt qu'il peut.

    
Ce commentaire a été modifié le 21/12/2018 à 14:49
21/12/2018 - 06:24