Zola devant Paris sous la neige en 1867 : «On est tout bêtement joyeux».
LES ARCHIVES DU FIGARO - En 1867, Émile Zola nous livre un magnifique article chargé de poésie sur l'arrivée de la neige dans la Ville Lumière. Il se réjouit de découvrir la capitale de «nouveau toute blanche et toute chaste».
Zola était un amoureux de Paris: découvrez son émerveillement lorsque Paris revêt «sa robe blanche» et qu'il est tout simplement charmé devant la beauté de ce paysage. Dans Paris, la neige Article paru dans Le Figaro du 17 janvier 1867. Vers le soir, un nuage d'un gris rose monte de l'horizon et lentement emplit le ciel. De petits souffles froids s'élèvent et font frissonner l'air. Puis, un grand silence, une immobilité douce et glaciale descend sur Paris qui s'endort. La ville noire sommeille, la neige se met à tomber avec lenteur dans la sérénité glacée de l'espace.Et le ciel couvre sans bruit l'immense cité en dormie d'un tapis virginal et pur. Le 2 janvier, lorsque Paris s'est éveillé, il a vu que, pendant la nuit, la nouvelle année avait mis une robe blanche à la ville. La ville semblait toute jeune et toute chaste. Il n'y avait plus ni ruisseaux, nitrottoirs, ni pavés noirâtres: les rues étaient de larges rubans de satin blanc; les places, des pelouses toutes blanches de pâquerettes. Et les pâquerettes de l'hiver avaient aussi fleuri sur les toits sombres. Chaque saillie, les bords des fenêtres, les grilles, les branches des arbres portaient de légères garnitures de dentelle. On eût dit que la cité était une petite fille, ayant la jeunesse tendre de la nouvelle année. Elle venait de jeter ses haillons, sa boue et sa poussière, et elle avait mis ses belles jupes de gaze. Elle respirait doucement, d'une haleine pure et fraîche; elle étalait avec une coquetterie enfantine sa parure d'innocence. C'était une surprise qu'elle ménageait à ses habitants; pour leur plaire, elle effaçait ses souillures, elle leur souriait, au réveil, dans tout l'éclat de sa beauté de vierge. Et elle semblait leur dire: «Je me suis faite belle, pendant que vous dormiez; j'ai voulu vous souhaiter la bonne année, vêtue de blancheur et d'espérance.»
«Toutes les laideurs de l'hiver s'en sont allées. Chaque maison ressemble à une belle dame qui aurait mis ses fourrures» Émile Zola
Et voilà que,depuis hier,la ville est de nouveau toute blanche et toute chaste.Le matin, en hiver, lorsqu'on pousse les persiennes de sa fenêtre, rien n'est attristant comme la rue noire d'humidité et de froid. L'air sue un brouillard jaunâtre qui traîne lugubrement contre les murs. Mais quand la neige est venue, pendant la nuit, tendre sans bruit son épais tapis sur la terre, on pousse une légère exclamation de joie et de surprise. Toutes les laideurs de l'hiver s'en sont allées; chaque maison ressemble à une belle dame qui aurait mis ses fourrures; les toits se détachent gaiement sur le ciel pâle et clair; on est en pleine floraison du froid. Depuis hier, Paris éprouve cette gaieté que la neige donne aux petits et aux grands enfants. On est tout bêtement joyeux,—parce quela terre est blanche.
«Pour moi, j'aime d'amour le bout de Seine qui va de Notre-Dame au pont de Charenton; Par un temps de neige, ce paysage a encore plus d'ampleur» Émile Zola
Il y a, dans Paris, des paysages d'une largeur incomparable. L'habitude nous a rendus indifférents. Mais les flâneurs, ceux qui rôdent le nez au vent, en quête d'émotions et d'admiration, connaissent bien ces paysages. Pour moi, j'aime d'amour le bout de Seine qui va de Notre-Dame au pont de Charenton; je n'ai jamais vu un horizon plus étrange et plus large. Par un temps de neige, ce paysage a encore plus d'ampleur. La Seine coule noire et sinistre, entre deux bandes d'un blanc éclatant; les quais s'allongent, silencieux et déserts; le ciel paraît immense, d'un gris perle, doux et morne. Et il y a, dans cette eau fangeuse qui gronde, au milieu de ces blancheurs et de ces apaisements, une mélancolie poignante, une douceur amère et triste. Un bateau, ce matin, descendait la rivière. La neige l'avait empli, et il faisait une tache blanche sur l'eau funèbre. On aurait dit un morceau dela rive qui s'en allait au fil du courant. Quel écrivain se chargera de dessiner à la plume les paysages de Paris? Il lui faudrait montrer la ville changeant d'aspect à chaque saison, noire de pluie et blanche de neige, claire et gaie aux premiers rayons de mai, ardente et affaissée sous les soleils d'août. Je viens de traverser le jardin du Luxembourg, et je n'en ai reconnu ni les arbres ni le parterre. Ah! que sont loin les verdures moirées d'or par les clartés, jaunes et rouges du couchant! Je me suis cru dans un cimetière. Chaque plate-bande ressemble au marbre colossal d'un tombeau; les arbustes font çà et là des croix noires. Les marronniers des quinconces sont d'immenses lustres en verre filé. Le travail est exquis; chaque petite branche est ornée de fins cristaux; des broderies délicates couvrent l'écorce brune. On n'oserait toucher à ces verreries légères, on aurait peur de les casser. Dans la grande allée, les promenades sont éventrées. Une rue va traverser brutalement les feuillages, et les terrassiers ont déjà fouillé le sol, par larges blessures. On dirait des fosses communes. La neige posée sur les bords de ces tranchées, les fait bâiller sinistrement: elles paraissent toutes noires à côté de cette blancheur, et elles semblait attendre les misérables bières des pauvres gens. Un étranger croirait que la peste vient de s'abattre sur Paris, et qu'on utilise le Luxembourg pour enterrer les morts.
«Les statues grelottent sous leurs manteaux blancs,et regardent, par dessus les balustrades, les pelouses vierges et immaculées» Émile Zola
Quelle désolation! La terre couturée montre ses entrailles brunes; les roues des charrettes ont creusé de profondes ornières, et la neige sale et piétinée s'étale comme un haillon troué qu'on aurait étendu sur le sol pour en couvrir les plaies, et qui en cacherait mal les misères et les horreurs. Et les arbres, les grands lustres en verre filé, gardent seuls leurs fines ciselures; là-bas, sur la terrasse, les statues grelottent sous leurs manteaux blancs, et regardent, par dessus les balustrades, les pelouses vierges et immaculées. II y a cependant des Parisiens qui ont pour la neige une médiocre estime; je veux parler des moineaux, de ces pierrots gris et alertes dont la turbulence et l'effronterie sont légendaires. Ils se moquent de la pluie et de la poussière; ils savent courir dans la boue sans se salir les pattes. Mais les pauvres petits jettent des appels désespérés, lors qu'ils sautent dans la neige, en quête d'une mie de pain. Ils ont perdu leurs allures tapageuses et goguenardes; ils sont humbles et irrités, ils crient famine, ils ne reconnaissent plus les bons endroits où, d'habitude, ils déjeunent grassement, et ils s'en vont d'un vol effarouché, engourdis de faim et de froid. Interrogez les habitants des mansardes. Tous vous diront que, ce matin, des pierrots sont venus à coups de bec frapper à leurs vitres. Ils demandaient à entrer, pour manger et se chauffer. Ce sont de petits êtres hardis et confiants qui connaissent les hommes et qui savent bien que nous ne sommes pas méchants. Ils ont mangé à nos pieds dans les rues, ils peuvent bien manger à nos tables dans nos demeures. Ceux qui leur ont ouvert, les ont vus entrer, caressants et souples. Ils se sont posés sur le coin d'un meuble, réjouis par la chaleur, gonflant leurs plumes, et ils ont becqueté avec délices le pain émietté devant eux. Puis, dès qu'un rayon de soleil a rendu la neige toute rose, ils s'en sont allés d'un coup d'aile, en poussant un léger cri de remerciement. Bataille de boule de neige à Montmartre vers 1900. - Crédits photo : Rue des Archives/Mary Evans/Rue des Archives. J'ai vu, au carrefour de l'Observatoire, un groupe d'enfants grelottants et ravis.Ils étaient trois deux garçons d'une douzaine d'années, portant le costume napolitain, et une fillette de huit ans, halée par les soleils de Naples. Ils avaient posé sur un tas de neige leurs instruments, deux harpes et un violon. Les deux garçons se battaient à coups de boules de neige, en laissant échapper des rires aigus. La fillette, accroupie, plongeait avec ravissement ses mains bleuies dans la blancheur du sol. Sa tête brune avait un air d‘extase sous le lambeau d'étoffe qui la couvrait. Elle ramenait entre ses jambessa jupe de laine rouge, et l'on voyait ses pauvres petites jambes nues qui tremblaient. Elle était glacée et elle souriait de tout l'éclat de ses lèvres roses. Ces enfants ne connaissaient sans doute que les ardeurs accablantes du soleil; le froid, la neige souple et cuisante était une fête pour eux. Oiseaux passagers des rues, ils venaient, des contrées brûlantes et âpres, ils oubliaient la faim en jouant avec les blanches floraisons de l'hiver. Je me suis approché de la fillette, -Tu ne crains donc pas le froid? lui ai-je demandé. Elle m'a regardé avec une effronterie enfantine, en élargissant ses yeux noirs. -Oh! si, m'a-t-elle répondu dans son jargon. Les mains me brûlent.C'est très amusant.-Mais tu ne pourras plus tenir ton violon, tout à l'heure. Elle a paru effrayée et a couru chercher l'instrument. Puis, assise dans la neige, elle s'est mise à râcler les cordes de toute la force de ses doigts engourdis. Elle accompagnait cette musique barbare d'un chant perçant et saccadé qui me déchirait les oreilles. Ses jupes rouges faisaient sur la neige une tache ardente. C'était le soleil de Naples éteint au milieu des brouillards de Paris. Mais la cité ne garde pas longtemps sa belle robe blanche. Sa toilette d'épousée n'est jamais qu'un déjeuner de soleil. Le matin, elle met toutes ses dentelles, sa gaze la plus légère et son satin le plus brillant, et souvent, le soir, elle a déjà souillé et déchiré sa parure. Le 3 janvier, sa robe blanche était en lambeaux. L'air devient plus doux, la neige bleuit, de minces filets d'eau coulent le long des murs, et alors le dégel commence, l'affreux dégelqui emplit les rues de boue. La ville entière sue l'humidité; les murailles sont grises et gluantes, les arbres, semblent pourris et morts, les ruisseaux se changent en des cloaques noirâtres et infranchissables. Et Paris est plus fangeux, plus funèbre, plus sale, qu'auparavant. II a voulu se vêtir d'étoffes, délicates, et ces étoffes sont devenues des haillons qui traînent ignoblement sur les pavés.
...Mourir, renaître, Prétendre à l'éternel, Pour être un jour En manteau de lumière... ...Transparence immaculée Sur les ailes du temps, Flash éblouissant Tout au bout de la vie... ...Balancements, chassés croisés, S'envoler en spirales, Tourbillons galactiques, Oscillations, arabesques... Et que valsent les jours, Les heures, les secondes En équilibre sur le bord du doute. Les comment, les pourquoi, En suspens dans l'espace, S'entrechoquent et explosent Confondus à l'éther. ...Puis affluent les mots, Des myriades de mots, Mots joyeux, mots heureux, Mélès aux vols d'oiseaux: "Amor, Love, Amour, Amour, Amour, dans toutes les langues, Le ciel en est constellé, Telle est la "Clé"...
La poésie et l’art sont le pont qui conduit Entre rêves et réalité de la vie. Mon cœur et l’âme de la mer sont liés Par le bruit ensorcelant du ressac si particulier, Qui m’offre un élixir de plaisir sur l’horizon de mes pas. J’aime le soleil qui joue sur les vagues tout là-bas Et le vent qui parfois sur ma peau devient caresse. Je suis le voyageur solitaire qui navigue avec les mots sans adresse, Le cœur cassé d’avoir trop pleurer. Mon sourire a perdu son éclat d’avoir trop aimé. Même l’humilité reste un poids dans mes prières, Mes désirs languissent de trouver enfin la lumière. Quand la clarté vive s’amollie jusqu’au rivage, L’arôme sublime de l’Océan et du ciel déchirent les nuages. La furie en frénésie assaille les rochers, Soulage mes chagrins engloutis dans l’abîme déserté. Sur la mer étale se reflète le couchant des rayons dorés, L’heure ambrée me transporte vers toi mon aimé.
Poème Du Mardi En Matinée... Le Masque...Extrait Des Fleurs Du Mal. Le Masque. À Ernest Christophe, Statuaire,Ami de Charles Baudelaire.
Contemplons ce trésor de grâces florentines ; Dans l’ondulation de ce corps musculeux L’Élégance et la Force abondent, sœurs divines.
Cette femme, morceau vraiment miraculeux, Divinement robuste, adorablement mince, Est faite pour trôner sur des lits somptueux, Et charmer les loisirs d’un pontife ou d’un prince.
- Aussi, vois ce souris fin et voluptueux Où la Fatuité promène son extase ; Ce long regard sournois, langoureux et moqueur ; Ce visage mignard, tout encadré de gaze, Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur... « La Volupté m’appelle et l’Amour me couronne ! » À cet être doué de tant de majesté Vois quel charme excitant la gentillesse donne ! Approchons, et tournons autour de sa beauté.
Ô blasphème de l’art ! ô surprise fatale ! La femme au corps divin, promettant le bonheur, Par le haut se termine en monstre bicéphale !
- Mais non ! ce n’est qu’un masque, un décor suborneur, Ce visage éclairé d’une exquise grimace, Et, regarde, voici, crispée atrocement, La véritable tête, et la sincère face Renversée à l’abri de la face qui ment.
Pauvre grande beauté ! le magnifique fleuve De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux ; Ton mensonge m’enivre, et mon âme s’abreuve Aux flots que la Douleur fait jaillir de tes yeux !
- Mais pourquoi pleure-t-elle ? Elle, beauté parfaite Qui mettrait à ses pieds le genre humain vaincu, Quel mal mystérieux ronge son flanc d’athlète ?
- Elle pleure, insensé, parce qu’elle a vécu ! Et parce qu’elle vit ! Mais ce qu’elle déplore Surtout, ce qui la fait frémir jusqu’aux genoux. C’est que demain, hélas ! il faudra vivre encore ! Demain, après-demain et toujours ! - comme nous !
De Charles Baudelaire Extrait : Les Fleurs Du Mal
Ce commentaire a été modifié le 15/01/2019 à 07:58
Les parfums du bonheur sont plus intenses les jours de pluies, On le mesure vraiment quand la magie s’est enfuie, Car la vie ne danse qu’un seul instant, Ne vous faisant même pas la grâce d’un « je t’aime» au présent. Seuls les mots s’inscrivent à jamais dans les nuages, Même pour l’arbre qui vient boire à l’eau des orages. Parfois je rêve d’être ce végétal et plonge alors mes racines Au cœur de la terre où je m’enracine. J’écoute alors sans fin le murmure des vents Et je deviens le jour, l’ami des oiseaux et le soir de l’engoulevent Qui chemine près de moi en tenant mon âme, Puis, tel un roi résolu me prend pour sa dame. Mais soudain, je m’éveille, marchant seule sans écho, Nimbée de brume, dans l’illusion d’une image qui me laisse KO.
Le papillon de la nuit
attend la lune
pour dévoiler ses couleurs
Il craint
d’éblouir le soleil
(Malices)
Amour, délice et orgue...
--------
L'organiste à l'harmonium
Accompagne le choeur bêlant
Qui entonne, tonitruant,
Entre deux ou trois vobiscum.
Simple et douce, en sa robe sage,
Elle joue avec application,
Tous, on est rempli d'extase
À genoux, à l'Elévation.
Et quand son orgue, qui sanglote,
Commet parfois de fausses notes,
J'ose parfois imaginer
Que je caresse son jersey.
Car, elle est jeune, belle et grave.
Quand elle pianote avec onction
J'aimerais tourner les pages
Du cahier des partitions.
Plus tard, elle aura un mari,
Pas de chance que ce soit moi ;
J'aimerais être son ami,
Et un peu plus, autant ma foi.
Papa a dit qu'elle est bien faite,
Ce qui n'a pas plu à maman,
Moi, j'attends la prochaine fête,
Pour lui dire mon sentiment.
J.A.
LES ARCHIVES DU FIGARO - En 1867, Émile Zola nous livre un magnifique
article chargé de poésie sur l'arrivée de la neige dans la Ville Lumière.
Il se réjouit de découvrir la capitale de «nouveau toute blanche et toute chaste».
Zola était un amoureux de Paris: découvrez son émerveillement lorsque Paris revêt «sa robe blanche» et qu'il est tout simplement charmé devant la beauté de ce paysage.
Dans Paris, la neige Article paru dans Le Figaro du 17 janvier 1867.
Vers le soir, un nuage d'un gris rose monte de l'horizon et lentement emplit le ciel. De petits souffles froids s'élèvent et font frissonner
l'air. Puis, un grand silence, une immobilité douce et glaciale descend sur Paris qui s'endort. La ville noire sommeille, la neige se met à tomber avec lenteur dans la sérénité glacée de l'espace.Et le ciel couvre sans bruit l'immense cité en dormie d'un tapis virginal et pur. Le 2 janvier, lorsque Paris s'est éveillé, il a vu que, pendant la nuit, la nouvelle année avait mis une robe blanche à la ville. La ville semblait toute jeune et toute chaste. Il n'y avait plus ni ruisseaux, nitrottoirs, ni pavés noirâtres: les rues étaient de larges rubans de satin blanc; les places, des pelouses toutes blanches de pâquerettes. Et les pâquerettes de l'hiver avaient aussi fleuri sur les toits sombres. Chaque saillie, les bords des fenêtres, les grilles, les branches des arbres portaient de légères garnitures de dentelle. On eût dit que la cité était une petite fille, ayant la jeunesse tendre de la nouvelle année. Elle venait de jeter ses haillons, sa boue et sa poussière, et elle avait mis ses belles jupes de gaze. Elle respirait doucement, d'une haleine pure et fraîche; elle étalait avec une coquetterie enfantine sa parure d'innocence. C'était une surprise qu'elle ménageait à ses habitants; pour leur plaire, elle effaçait ses souillures, elle leur souriait, au réveil, dans tout l'éclat de sa beauté de vierge. Et elle semblait leur dire: «Je me suis faite belle, pendant que vous dormiez; j'ai voulu vous souhaiter la bonne année, vêtue de blancheur et d'espérance.»
Et voilà que,depuis hier,la ville est de nouveau toute blanche et toute chaste.Le matin, en hiver, lorsqu'on pousse les persiennes de sa fenêtre, rien n'est attristant comme la rue noire d'humidité et de froid. L'air sue un brouillard jaunâtre qui traîne lugubrement contre les murs.
Mais quand la neige est venue, pendant la nuit, tendre sans bruit son épais tapis sur la terre, on pousse une légère exclamation de joie et de surprise. Toutes les laideurs de l'hiver s'en sont allées; chaque maison ressemble à une belle dame qui aurait mis ses fourrures; les toits se détachent gaiement sur le ciel pâle et clair; on est en pleine floraison du froid. Depuis hier, Paris éprouve cette gaieté que la neige donne aux petits et aux grands enfants. On est tout bêtement joyeux,—parce quela terre est blanche.
Il y a, dans Paris, des paysages d'une largeur incomparable. L'habitude nous a rendus indifférents. Mais les flâneurs, ceux qui rôdent le nez au vent, en quête d'émotions et d'admiration, connaissent bien ces paysages. Pour moi, j'aime d'amour le bout de Seine qui va de Notre-Dame au pont de Charenton; je n'ai jamais vu un horizon plus étrange et plus large. Par un temps de neige, ce paysage a encore plus d'ampleur. La Seine coule noire et sinistre, entre deux bandes d'un blanc éclatant; les quais s'allongent, silencieux et déserts; le ciel paraît immense, d'un gris perle, doux et morne. Et il y a, dans cette eau fangeuse qui gronde, au milieu de ces blancheurs et de ces apaisements, une mélancolie poignante, une douceur amère et triste.
Un bateau, ce matin, descendait la rivière. La neige l'avait empli, et il faisait une tache blanche sur l'eau funèbre. On aurait dit un morceau dela rive qui s'en allait au fil du courant.
Quel écrivain se chargera de dessiner à la plume les paysages de Paris? Il lui faudrait montrer la ville changeant d'aspect à chaque saison, noire de pluie et blanche de neige, claire et gaie aux premiers rayons de mai, ardente et affaissée sous les soleils d'août. Je viens de traverser le jardin du Luxembourg, et je n'en ai reconnu ni les arbres ni le parterre. Ah! que sont loin les verdures moirées d'or par les clartés, jaunes et rouges du couchant! Je me suis cru dans un cimetière. Chaque plate-bande ressemble au marbre colossal d'un tombeau; les arbustes font çà et là des croix noires. Les marronniers des quinconces sont d'immenses lustres en verre filé. Le travail est exquis; chaque petite branche est ornée de fins cristaux; des broderies délicates couvrent l'écorce brune. On n'oserait toucher à ces verreries légères, on aurait peur de les casser. Dans la grande allée, les promenades sont éventrées. Une rue va traverser brutalement les feuillages, et les terrassiers ont déjà fouillé le sol, par larges blessures. On dirait des fosses communes. La neige posée sur les bords de ces tranchées, les fait bâiller sinistrement: elles paraissent toutes noires à côté de cette blancheur, et elles semblait attendre les misérables bières des pauvres gens. Un étranger croirait que la peste vient de s'abattre sur Paris, et qu'on utilise le Luxembourg pour enterrer les morts. Quelle désolation! La terre couturée montre ses entrailles brunes; les roues des charrettes ont creusé de profondes ornières, et la neige sale et piétinée s'étale comme un haillon troué qu'on aurait étendu sur le sol pour en couvrir les plaies, et qui en cacherait mal les misères et les horreurs. Et les arbres, les grands lustres en verre filé, gardent seuls leurs fines ciselures; là-bas, sur la terrasse, les statues grelottent sous leurs manteaux blancs, et regardent, par dessus les balustrades, les pelouses vierges et immaculées.
II y a cependant des Parisiens qui ont pour la neige une médiocre estime; je veux parler des moineaux, de ces pierrots gris et alertes dont la turbulence et l'effronterie sont légendaires. Ils se moquent de la pluie et de la poussière; ils savent courir dans la boue sans se salir les pattes. Mais les pauvres petits jettent des appels désespérés, lors qu'ils sautent dans la neige, en quête d'une mie de pain. Ils ont perdu leurs allures tapageuses et goguenardes; ils sont humbles et irrités, ils crient famine, ils ne reconnaissent plus les bons endroits où, d'habitude, ils déjeunent grassement, et ils s'en vont d'un vol effarouché, engourdis de faim et de froid. Interrogez les habitants des mansardes. Tous vous diront que, ce matin, des pierrots sont venus à coups de bec frapper à leurs vitres. Ils demandaient à entrer, pour manger et se chauffer. Ce sont de petits êtres hardis et confiants qui connaissent les hommes et qui savent bien que nous ne sommes pas méchants. Ils ont mangé à nos pieds dans les rues, ils peuvent bien manger à nos tables dans nos demeures. Ceux qui leur ont ouvert, les ont vus entrer, caressants et souples. Ils se sont posés sur le coin d'un
meuble, réjouis par la chaleur, gonflant leurs plumes, et ils ont becqueté avec délices le pain émietté devant eux. Puis, dès qu'un rayon de soleil a rendu la neige toute rose, ils s'en sont allés d'un coup d'aile, en poussant un léger cri de remerciement.
Bataille de boule de neige à Montmartre vers 1900.
- Crédits photo : Rue des Archives/Mary Evans/Rue des Archives.
J'ai vu, au carrefour de l'Observatoire, un groupe d'enfants grelottants et ravis.Ils étaient trois deux garçons d'une douzaine d'années,
portant le costume napolitain, et une fillette de huit ans, halée par les soleils de Naples. Ils avaient posé sur un tas de neige leurs instruments, deux harpes et un violon. Les deux garçons se battaient à coups de boules de neige, en laissant échapper des rires
aigus. La fillette, accroupie, plongeait avec ravissement ses mains bleuies dans la blancheur du sol. Sa tête brune avait un air d‘extase sous le lambeau d'étoffe qui la couvrait. Elle ramenait entre ses jambessa jupe de laine rouge, et l'on voyait ses pauvres petites jambes nues qui tremblaient. Elle était glacée et elle souriait de tout l'éclat de ses lèvres roses. Ces enfants ne connaissaient sans doute que les ardeurs accablantes du soleil; le froid, la neige souple et cuisante était une fête pour eux. Oiseaux passagers des rues, ils venaient, des contrées brûlantes et âpres, ils oubliaient la faim en jouant avec les blanches floraisons de l'hiver. Je me suis approché de la fillette, -Tu ne crains donc pas le froid? lui ai-je demandé. Elle m'a regardé avec une effronterie enfantine, en élargissant ses yeux noirs. -Oh! si, m'a-t-elle répondu dans son jargon. Les mains me brûlent.C'est très amusant.-Mais tu ne pourras plus tenir ton violon, tout à l'heure. Elle a paru effrayée et a couru chercher l'instrument. Puis, assise dans la neige, elle s'est mise à râcler les cordes de toute la force de ses doigts engourdis. Elle accompagnait cette musique barbare d'un chant perçant et saccadé qui me déchirait les oreilles. Ses jupes rouges faisaient sur la neige une tache ardente. C'était le soleil de Naples éteint au milieu
des brouillards de Paris.
Mais la cité ne garde pas longtemps sa belle robe blanche. Sa toilette d'épousée n'est jamais qu'un déjeuner de soleil. Le matin,
elle met toutes ses dentelles, sa gaze la plus légère et son satin le plus brillant, et souvent, le soir, elle a déjà souillé et déchiré sa parure. Le 3 janvier, sa robe blanche était en lambeaux.
L'air devient plus doux, la neige bleuit, de minces filets d'eau coulent le long des murs, et alors le dégel commence, l'affreux dégelqui emplit les rues de boue. La ville entière sue l'humidité; les murailles sont grises et gluantes, les arbres, semblent pourris et morts, les ruisseaux se changent en des cloaques noirâtres et infranchissables.
Et Paris est plus fangeux, plus funèbre, plus sale, qu'auparavant. II a voulu se vêtir d'étoffes, délicates, et ces étoffes sont devenues des haillons qui traînent ignoblement sur les pavés.
Par ÉMILE ZOLA
...Mourir, renaître,
Prétendre à l'éternel,
Pour être un jour
En manteau de lumière...
...Transparence immaculée
Sur les ailes du temps,
Flash éblouissant
Tout au bout de la vie...
...Balancements, chassés croisés,
S'envoler en spirales,
Tourbillons galactiques,
Oscillations, arabesques...
Et que valsent les jours,
Les heures, les secondes
En équilibre sur le bord du doute.
Les comment, les pourquoi,
En suspens dans l'espace,
S'entrechoquent et explosent
Confondus à l'éther.
...Puis affluent les mots,
Des myriades de mots,
Mots joyeux, mots heureux,
Mélès aux vols d'oiseaux:
"Amor, Love, Amour, Amour,
Amour, dans toutes les langues,
Le ciel en est constellé,
Telle est la "Clé"...
@copyright Marie-Hélène
Illustration Marie-Hélène
La poésie et l’art sont le pont qui conduit
Entre rêves et réalité de la vie.
Mon cœur et l’âme de la mer sont liés
Par le bruit ensorcelant du ressac si particulier,
Qui m’offre un élixir de plaisir sur l’horizon de mes pas.
J’aime le soleil qui joue sur les vagues tout là-bas
Et le vent qui parfois sur ma peau devient caresse.
Je suis le voyageur solitaire qui navigue avec les mots sans adresse,
Le cœur cassé d’avoir trop pleurer.
Mon sourire a perdu son éclat d’avoir trop aimé.
Même l’humilité reste un poids dans mes prières,
Mes désirs languissent de trouver enfin la lumière.
Quand la clarté vive s’amollie jusqu’au rivage,
L’arôme sublime de l’Océan et du ciel déchirent les nuages.
La furie en frénésie assaille les rochers,
Soulage mes chagrins engloutis dans l’abîme déserté.
Sur la mer étale se reflète le couchant des rayons dorés,
L’heure ambrée me transporte vers toi mon aimé.
copyright@Claudie
Le Masque...Extrait Des Fleurs Du Mal.
Le Masque.
À Ernest Christophe, Statuaire,Ami de Charles Baudelaire.
Contemplons ce trésor de grâces florentines ;
Dans l’ondulation de ce corps musculeux
L’Élégance et la Force abondent, sœurs divines.
Cette femme, morceau vraiment miraculeux,
Divinement robuste, adorablement mince,
Est faite pour trôner sur des lits somptueux,
Et charmer les loisirs d’un pontife ou d’un prince.
- Aussi, vois ce souris fin et voluptueux
Où la Fatuité promène son extase ;
Ce long regard sournois, langoureux et moqueur ;
Ce visage mignard, tout encadré de gaze,
Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur...
« La Volupté m’appelle et l’Amour me couronne ! »
À cet être doué de tant de majesté
Vois quel charme excitant la gentillesse donne !
Approchons, et tournons autour de sa beauté.
Ô blasphème de l’art ! ô surprise fatale !
La femme au corps divin, promettant le bonheur,
Par le haut se termine en monstre bicéphale !
- Mais non ! ce n’est qu’un masque, un décor suborneur,
Ce visage éclairé d’une exquise grimace,
Et, regarde, voici, crispée atrocement,
La véritable tête, et la sincère face
Renversée à l’abri de la face qui ment.
Pauvre grande beauté ! le magnifique fleuve
De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux ;
Ton mensonge m’enivre, et mon âme s’abreuve
Aux flots que la Douleur fait jaillir de tes yeux !
- Mais pourquoi pleure-t-elle ? Elle, beauté parfaite
Qui mettrait à ses pieds le genre humain vaincu,
Quel mal mystérieux ronge son flanc d’athlète ?
- Elle pleure, insensé, parce qu’elle a vécu !
Et parce qu’elle vit ! Mais ce qu’elle déplore
Surtout, ce qui la fait frémir jusqu’aux genoux.
C’est que demain, hélas ! il faudra vivre encore !
Demain, après-demain et toujours ! - comme nous !
De Charles Baudelaire
Extrait : Les Fleurs Du Mal
A l’heure que je croyais opportune.
Les parfums du bonheur sont plus intenses les jours de pluies,
On le mesure vraiment quand la magie s’est enfuie,
Car la vie ne danse qu’un seul instant,
Ne vous faisant même pas la grâce d’un « je t’aime» au présent.
Seuls les mots s’inscrivent à jamais dans les nuages,
Même pour l’arbre qui vient boire à l’eau des orages.
Parfois je rêve d’être ce végétal et plonge alors mes racines
Au cœur de la terre où je m’enracine.
J’écoute alors sans fin le murmure des vents
Et je deviens le jour, l’ami des oiseaux et le soir de l’engoulevent
Qui chemine près de moi en tenant mon âme,
Puis, tel un roi résolu me prend pour sa dame.
Mais soudain, je m’éveille, marchant seule sans écho,
Nimbée de brume, dans l’illusion d’une image qui me laisse KO.
copyright@Claudie
L'Amitié
Sur l'océan , aux rives enchantées ,
Une vague caressante d'amitié,
Lénifiante , d'une douceur exquise
Sur la grève , déferle et se brise.
C'est un rayon de soleil qui luit,
Un phare dans la nuit
Qui garde et éclaire le naufragé
Vers une oasis de fraîcheur ouatée.
C'est l'union du rose et du noir,
Le vivre ensemble , une aura de l'espoir,
La pureté et la fragilité du cristal,
La luminosité d'une aurore boréale.
Et dans le grand jardin floréal,
Une muse en est le graal,
L'ashram des nuits étoilées ,
Dans ses yeux couleur ambrée .
Sur le sable doré , un inconnu
Loup en grande solitude , fort ému
De ces éclats de sentiments,
Sur son coeur les presse , précieux diamants .
Blanche