Le soleil, ce matin encore à ma fenêtre, Darde ses rayons dorés effaçant dans la chambre l’ombre secrète Et jette mille éclats sur le miroir, C’est que le printemps qui vient chez moi se poser sur l’accoudoir Et me chuchoter qu’au plus profond du bois, Mille battements aujourd’hui se côtoient. L’ombre du vent se fait silence, Pour le retour de notre ami printemps, tout devient opulence. Un doux parfum flotte dans l’air, Complice de l’azur qui oublie les gris d’hier. Des sentiments égarés fleurissent à nouveaux, Des moineaux jouent dans les chéneaux. Parmi les frêles roseaux de ma rivière argentée. La petite bergeronnette salut les beaux jours enchantée. La lumière transfigure la nature, Et offre un symbole d’espoir et de trêve, Qui apporte à mon cœur désirs et rêves. Déjà quelques feuilles pointent leurs nervures. Tout change naturellement avec la saison en douceur En éternel recommencement de couleurs. La nature amoureuse apporte quiétude Et réconcilie les âmes meurtries en solitude. Un voile soyeux se soulève Dans le ciel, une alouette lance un cri qui s’élève.
Regardez les branches, Comme elles sont blanches ! Il neige des fleurs. Riant dans la pluie, Le soleil essuie Les saules en pleurs, Et le ciel reflète Dans la violette, Ses pures couleurs.
La mouche ouvre l’aile. Et la demoiselle, Aux prunelles d’or, Au corset de guêpe Dépliant son crêpe A repris l’essor. L’eau gaiement babille, Le goujon frétille : Un printemps encore !
C'est un petit chat noir effronté comme un page, Je le laisse jouer sur ma table souvent. Quelquefois il s'assied sans faire de tapage, On dirait un joli presse-papier vivant.
Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge; Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc, A ces minets tirant leur langue de drap rouge , Qu'on fait pour essuyer les plumes, ressemblant. Quand il s'amuse,
Il est extrêmement comique, Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet. Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique Quand on met devant lui la soucoupe de lait.
Tout d'abord de son nez délicat il le flaire, La frôle, puis, à coups de langue très petits, Il le happe; et dès lors il est à son affaire Et l’on entend, pendant qu'il boit, un clapotis. Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat Que lorsqu'il a passé sa langue rêche et rose Partout, bien proprement débarbouillé le plat. Alors il se pourlèche un moment les moustaches, Avec l'air étonné d'avoir déjà fini.
Et comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches, Il se lisse à nouveau, lustre son poil terni. Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates; Il les ferme à demi, parfois, en reniflant, Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes, Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.
Il y a bien longtemps en Bretagne se dressait, au fond d’une baie, une riche cité dénommée Ys (ou Ker Ys). Une solide digue empêchait la mer d’y rentrer et seule une porte de bronze permettrait d’entrer et de sortir de la ville. Le bon roi Gradlon en conservait jalousement la clé, mais sa fille Dahut, qui menait fort mauvaise vie, une nuit lui déroba la clé et ouvrit la porte en un moment de folie. La mer envahit la ville et détruisit tout sur son passage. Seul le Roi Gradlon parvint à s’échapper, avec la complicité de St Guénolé, et se réfugia à Quimper qui devint sa nouvelle capitale. Malgven, Reine du Nord :
Voici l'histoire du Roi Gradlon et de la ville d'Ys. Le Roi Gradlon habitait en Cornouaille. Il possédait une flotte de nombreux bateaux qu'il aimait opposer à ses ennemis, souvent dans des pays lointains où il faisait très froid. Il était excellent marin et stratège et gagnait souvent ses combats, pillant alors les navires ennemis et remplissant ainsi ses coffres d'or et de trophées.
Un jour ses marins, fatigués de se battre dans ces pays froids, se rebellerent, refusant de monter à l'assaut d'un chateau-fort qui leur était pourtant promis. Beaucoup d'entre eux étaient morts durant l'hiver. Ils déciderent de regagner leurs navires et de mettre le cap vers leur terre, la Bretagne, pour y retrouver femmes et enfants et y vivre au calme. Le Roi Gradlon les laissa partir et se retrouva seul, dans une nuit froide. Il était vaincu par ses propres hommes et, après l'exaltation des combats et des victoires, il connaissait maintenant une profonde tristesse.
Tout à coup le roi sentit une présence autour de lui. Il leva la tête et apercut, blanche dans le clair de lune et vêtue d'une cuirasse ruisselant de la lumiere de l'astre, une femme aux longs cheveux roux. C'était Malgven, la Reine du Nord, souveraine boréale régnant sans partage sur les pays froids. Elle dit au Roi Gradlon: "Je te connais, tu es courageux et adroit au combat. Mon mari est vieux, son épée est rouillée. Toi et moi allons le tuer. Ensuite, tu m'emmèneras dans ton pays de Cornouaille." Ils tuèrent le vieux roi du Nord, remplirent un coffre d'or et, comme Gradlon n'avait plus de bateau, enfourchèrent Morvarc'h, le cheval magique de Malgven. Morvarc'h veut dire "cheval de mer", il était noir comme la nuit et soufflait du feu par ses naseaux. Le cheval galopait sur la crête des vagues et ils rejoignirent vite les bateaux du roi qui avaient pris la fuite et regagnaient la Cornouaille. Une violente tempête et un orage éclatèrent alors, éparpillant les bateaux sur l'océan.
La naissance de Dahut :
Gradlon et Malgven restèrent une année entière sur la mer. Un jour, sur un bateau, Malgven donna naissance à un enfant, une fille qu'ils appelèrent Dahut. La reine resta malade et mourut. Le Roi Gradlon et sa fille Dahut rentrèrent en Cornouaille. Mais le roi était si triste qu'il ne sortait plus jamais de son chateau. Dahut grandissait, elle était très belle, comme sa mère Malgven. Le Roi Gradlon aimait jouer avec les boucles de ses longs cheveux blonds. Dahut aimait beaucoup la mer. Un jour elle demanda à son père qu'il lui construise une ville, une ville au bord de la mer. La ville construite contre la mer :
Gradlon adorait sa fille et accepta. Plusieurs milliers d'ouvriers furent mis au travail et construisirent une ville qui semblait sortir de la mer. Pour la défendre des hautes vagues et des tempêtes, il fut construit une trés haute digue encerclant la ville, avec une unique porte de bronze qui y donnait accès. Le Roi Gradlon seul en possédait la clé. On l'appela "ville d'Ys".
Les fiancailles de Dahut avec l'Océan :
Les pêcheurs, chaque soir, voyaient sur la plage un femme qui chantait très fort, peignant ses longs cheveux blonds. C'était la princesse Dahut. Elle disait "Océan, bel Océan bleu, roules moi sur le sable, je suis ta fiancée, Océan, bel Océan bleu. Je suis née sur la mer, dans les vagues et l'écume, quand j'étais enfant je jouais avec toi. Océan, bel Océan bleu. Océan, toi qui retournes comme tu le veux bateaux et hommes, donnes moi les navires somptueux des naufrages et leurs richesses, or et trésors. Fais venir dans ma ville de beaux marins que je pourrai regarder. Ne sois pas jaloux, je te les rendrai l'un aprés l'autre. La ville d'Ys devint alors un endroit ou l'on s'amusait, la ville s'emplit de marins. Chaque jour voyait de nouveaux festins, des jeux, des danses.
Le masque magique :
Chaque jour, la princesse Dahut avait un nouveau fiancé. Le soir, elle lui mettait un masque noir sur le visage, il restait avec elle jusqu'au matin. Dès que le chant de l'alouette se faisait entendre, le masque se resserrait sur la gorge du jeune homme et étouffait le fiancé de la nuit. Un cavalier prenait alors le corps sur son cheval pour aller le jeter dans l'Océan, au delà de la baie de Trépassés. Ainsi, tous les fiancés de Dahut mouraient au matin et étaient jetés a la mer.
Un jour de printemps, un chevalier étrange arriva dans la ville d'Ys. Il était habillé de rouge, ses mains étaient longues et fines, ses ongles pointus et recourbés. Dahut lui sourit, le chevalier ne la regarda pas. Un soir cependant, il accepta de venir auprès d'elle. Il passa longuement ses longues mains aux ongles pointus dans les beaux cheveux blonds de la princesse. Soudain, un grand bruit s'éleva du cote de la mer et un terrible coup de vent heurta les murailles de la ville d'Ys. "Que la tempête rugisse, les portes de la ville sont solides et c'est le Roi Gradlon, mon père, qui en possède l'unique clé, attachée a son cou", dit Dahut. "Ton père le roi dort, tu peux maintenant t'emparer facilement de cette clé", répliqua le chevalier.
La submersion de la ville :
La princesse Dahut entra dans la chambre de son père, s'approcha doucement de lui et prit la clé, attachée à une chaine autour de son cou. Aussitôt, une énorme vague, plus haute qu'une montagne, s'écroula sur Dahut. Son père se reveilla et elle lui dit: "Père, vite, prenons le cheval Morvarc'h, la mer a renversé les digues". Le roi prit sa fille sur le cheval, la mer était déchainée. Le cheval se cabrait sur l'eau qui montait à gros bouillons. Dahut se serrait contre son père et lui dit: "Sauvez-moi, mon père !" Il y eut alors un grand éclair dans la tempête et on entendit une voix qui allait de rocher en rocher et disait "Gradlon, lâches la princesse". Saint Guénolé, le missionnaire de Dieu :
Une forme pale comme un cadavre apparut, enveloppée dans un grand vêtement brun. C'etait Saint Guénolé, qui dit à la princesse: "Malheur à toi, tu as voulu voler la clé de la ville d'Ys !" Dahut répondait: "Sauvez-moi, emportez-moi au bout du monde !" Mais le cheval Morvarc'h ne bougeait plus et les eaux en furie gagnaient sur eux. Saint Guénolé répéta son ordre à Gradlon "Lâches la princesse !", les vagues énormes étaient à leurs pieds. Dahut glissa à terre et le Roi Gradlon, furieux, poussa sa fille dans la mer. Les vagues se refermèrent sur la princesse. La mer engloutit alors la ville d'Ys, dont tous les habitants périrent noyés.
Le cheval du roi repartit, bondissant sur les plages, puis au travers des prés et des collines, galopant toute la nuit. Gradlon arriva enfin dans la ville ou deux rivières se rejoignent entre sept collines, Quimper. Il décida d'en faire sa capitale et y vécut le restant de ses jours. A sa mort, on sculpta sa statue dans du granit. Cette statue est aujourd'hui élevée entre les deux tours de la cathédrale Saint Corentin à Quimper. Elle représente le Roi Gradlon, à cheval, regardant en direction de la ville disparue.
Certains racontent que Dahut, après sa mort, devint une sirène et qu'elle apparait aux pêcheurs les soirs de lune, peignant sa longue chevelure d'or. Ils disent aussi que, par temps très calme, on peut entendre sonner les cloches de la cité disparue.
A mon ami Alphonse Leduc Le jour de son mariage Le bonheur de la vie est un fatal problème Que pour résoudre il faut, son tour venu, savoir, Comme un hardi joueur, jeter tout son avoir, Nom, honneur, avenir, sur la carte suprême. Ce jour aux lendemains que nul ne peut prévoir, C'est celui qu'on choisit pour dire : - Je vous aime ! A celle qui, changée en un autre vous-même, Doit tremper votre amour aux sources du devoir. Ami, le risque est grand ; nul cas rédhibitoire ; Le destin est au fond de l'urne aléatoire, Et les arrêts qu'il rend sont les arrêts de Dieu. Heureux celui qui peut, toute crainte bannie, Dans le choix de son coeur trouver un bon génie, Et dire comme toi : - J'ai gagné tout l'enjeu !
Louis-Honoré FRECHETTE né à St-Joseph-de-la-Pointe-Lévy, Québec, Canada le 16 novembre 1839 - mort le 31 mai 1908), Poète, dramaturge, écrivain et homme politique,
Vieillir, se l’avouer à soi-même et le dire Tout haut, non pas pour y voir protester les amis , Mais pour y conformer ses goûts et s’interdire Ce que la veille encor on se croyait permis !
Avec sincérité, dès que l’aube se lève Se bien persuader qu’on est plus vieux d’un jour A chaque cheveu blanc se séparer d’un rêve Et lui dire tout bas un adieu sans retour !
♦♦
Aux appétits grossiers infliger d’âpres jeûnes Et nourrir son esprit d’un savoir simple et sûr.
♦♦
Sans négliger son corps, parer surtout son âme Chauffant l’un aux tisons, l’autre à l’ancienne foi.
♦♦
Puis un jour s’en aller sans trop causer d’alarmes Discrètement mourir, un peu comme on s’endort Pour que les tout-petits ne versent pas de larmes Et qu’ils ne sachent pas ce que c’est que la mort .
Michel Martinerie † L’Herberie, entre 2000 et 2010
Un porteur d’eau indien avait deux grandes jarres, suspendues aux 2 extrémités d’une pièce de bois qui épousait la forme de ses épaules. L’une des jarres avait un éclat, et, alors que l’autre jarre conservait parfaitement toute son eau de source jusqu’à la maison du maître, l’autre jarre perdait presque la moitié de sa précieuse cargaison en cours de route.
Cela dura 2 ans, pendant lesquels, chaque jour, le porteur d’eau ne livrait qu’une jarre et demi d’eau à chacun de ses voyages.
Bien sûr, la jarre parfaite était fière d’elle, puisqu’elleparvenait à remplir sa fonction du début à la fin sans faille.
Mais la jarre abîmée avait honte de son imperfection et se sentait déprimée parce qu’elle ne parvenait à accomplir que la moitié de ce dont elle était censée être capable.
Au bout de 2 ans de ce qu’elle considérait comme un échec permanent, la jarre endommagée s’adressa au porteur d’eau, au moment où celui-ci la remplissait à la source.
« Je me sens coupable, et je te prie de m’excuser. » « Pourquoi ? » demanda le porteur d’eau. « De quoi as-tu honte ? »
« Je n’ai réussi qu’à porter la moitié de ma cargaison d’eau à notre maître, pendant ces 2 ans, à cause de cet éclat qui fait fuire l’eau. Par ma faute, tu fais tous ces efforts, et, à la fin, tu ne livres à notre maître que la moitié de l’eau. Tu n’obtiens pas la reconnaissance complète de tes efforts », lui dit la jarre abîmée.
Le porteur d’eau fut touché par cette confession, et, plein de compassion, répondit : « Pendant que nous retournons à la maison du maître, je veux que tu regardes les fleurs magnifiques qu’il y a au bord du chemin ».
Au fur et à mesure de leur montée sur le chemin, au long de la colline, la vieille jarre vit de magnifiques fleurs baignées de soleil sur les bords du chemin, et cela lui mit du baume au coeur. Mais à la fin du parcours, elle se sentait toujours aussi mal parce qu’elle avait encore perdu la moitié de son eau.
Le porteur d’eau dit à la jarre « T’es-tu rendu compte qu’il n’y avait de belles fleurs que de TON côté, et presque aucune du côté de la jarre parfaite? C’est parce que j’ai toujours su que tu perdais de l’eau, et j’en ai tiré parti.
J’ai planté des semences de fleurs de ton coté du chemin, et, chaque jour, tu les as arrosées tout au long du chemin.
Pendant 2 ans, j’ai pu grâce à toi cueillir de magnifiques fleurs qui ont décoré la table du maître. Sans toi, jamais je n’aurais pu trouver des fleurs aussi fraîches et gracieuses. »
Morale de l'histoire : Nous avons tous des éclats, des blessures, des défauts. Nous sommes tous des jarres abîmées, plus ou moins.
Certains d’entre nous sont diminués par la vieillesse, d’autres ne brillent pas par leur intelligence, d’autres trop grands, trop gros ou trop maigres, certains sont chauves, d’autres sont diminués physiquement, mais ce sont les éclats, les défauts en nous qui rendent nos vies intéressantes et exaltantes.
Attente Monte, écureuil, monte au grand chêne, Sur la branche des cieux prochaine, Qui plie et tremble comme un jonc. Cigogne, aux vieilles tours fidèle, Oh ! vole et monte à tire-d'aile De l'église à la citadelle, Du haut clocher au grand donjon.
Vieux aigle, monte de ton aire A la montagne centenaire Que blanchit l'hiver éternel. Et toi qu'en ta couche inquiète Jamais l'aube ne vit muette, Monte, monte, vive alouette, Vive alouette, monte au ciel !
Et maintenant, du haut de l'arbre, Des flèches de la tour de marbre, Du grand mont, du ciel enflammé, A l'horizon, parmi la brume, Voyez-vous flotter une plume Et courir un cheval qui fume, Et revenir mon bien-aimé ?
Le soleil, ce matin encore à ma fenêtre,
Darde ses rayons dorés effaçant dans la chambre l’ombre secrète
Et jette mille éclats sur le miroir,
C’est que le printemps qui vient chez moi se poser sur l’accoudoir
Et me chuchoter qu’au plus profond du bois,
Mille battements aujourd’hui se côtoient.
L’ombre du vent se fait silence,
Pour le retour de notre ami printemps, tout devient opulence.
Un doux parfum flotte dans l’air,
Complice de l’azur qui oublie les gris d’hier.
Des sentiments égarés fleurissent à nouveaux,
Des moineaux jouent dans les chéneaux.
Parmi les frêles roseaux de ma rivière argentée.
La petite bergeronnette salut les beaux jours enchantée.
La lumière transfigure la nature,
Et offre un symbole d’espoir et de trêve,
Qui apporte à mon cœur désirs et rêves.
Déjà quelques feuilles pointent leurs nervures.
Tout change naturellement avec la saison en douceur
En éternel recommencement de couleurs.
La nature amoureuse apporte quiétude
Et réconcilie les âmes meurtries en solitude.
Un voile soyeux se soulève
Dans le ciel, une alouette lance un cri qui s’élève.
copyright@Claudie
Le printemps
Regardez les branches,
Comme elles sont blanches !
Il neige des fleurs.
Riant dans la pluie,
Le soleil essuie
Les saules en pleurs,
Et le ciel reflète
Dans la violette,
Ses pures couleurs.
La mouche ouvre l’aile.
Et la demoiselle,
Aux prunelles d’or,
Au corset de guêpe
Dépliant son crêpe
A repris l’essor.
L’eau gaiement babille,
Le goujon frétille :
Un printemps encore !
Théophile Gautier
C'est un petit chat noir effronté comme un page,
Je le laisse jouer sur ma table souvent.
Quelquefois il s'assied sans faire de tapage,
On dirait un joli presse-papier vivant.
Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge;
Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
A ces minets tirant leur langue de drap rouge ,
Qu'on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.
Quand il s'amuse,
Il est extrêmement comique,
Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.
Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique
Quand on met devant lui la soucoupe de lait.
Tout d'abord de son nez délicat il le flaire,
La frôle, puis, à coups de langue très petits,
Il le happe; et dès lors il est à son affaire
Et l’on entend, pendant qu'il boit, un clapotis.
Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu'il a passé sa langue rêche et rose
Partout, bien proprement débarbouillé le plat.
Alors il se pourlèche un moment les moustaches,
Avec l'air étonné d'avoir déjà fini.
Et comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches,
Il se lisse à nouveau, lustre son poil terni.
Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates;
Il les ferme à demi, parfois, en reniflant,
Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.
Edmond Rostand.
La LEGENDE de la VILLE d'YS ...
Il y a bien longtemps en Bretagne se
dressait, au fond d’une baie, une riche cité dénommée Ys (ou Ker Ys).
Une solide digue empêchait la mer d’y rentrer et seule une porte de
bronze permettrait d’entrer et de sortir de la ville. Le bon roi Gradlon
en conservait jalousement la clé, mais sa fille Dahut, qui menait fort
mauvaise vie, une nuit lui déroba la clé et ouvrit la porte en un moment
de folie. La mer envahit la ville et détruisit tout sur son passage.
Seul le Roi Gradlon parvint à s’échapper, avec la complicité de St
Guénolé, et se réfugia à Quimper qui devint sa nouvelle capitale.
Malgven, Reine du Nord :
Voici l'histoire du Roi Gradlon et de la ville d'Ys. Le Roi Gradlon habitait
en Cornouaille. Il possédait une flotte de nombreux bateaux qu'il aimait
opposer à ses ennemis, souvent dans des pays lointains où il faisait
très froid. Il était excellent marin et stratège et gagnait souvent ses
combats, pillant alors les navires ennemis et remplissant ainsi ses
coffres d'or et de trophées.
Un jour ses marins, fatigués de se battre dans ces pays froids, se
rebellerent, refusant de monter à l'assaut d'un chateau-fort qui leur
était pourtant promis. Beaucoup d'entre eux étaient morts durant
l'hiver. Ils déciderent de regagner leurs navires et de mettre le cap
vers leur terre, la Bretagne, pour y retrouver femmes et enfants et y
vivre au calme. Le Roi Gradlon les laissa partir et se retrouva seul,
dans une nuit froide. Il était vaincu par ses propres hommes et, après
l'exaltation des combats et des victoires, il connaissait maintenant une
profonde tristesse.
Tout à coup le roi sentit une présence autour de lui. Il leva la tête et
apercut, blanche dans le clair de lune et vêtue d'une cuirasse
ruisselant de la lumiere de l'astre, une femme aux longs cheveux roux.
C'était Malgven, la Reine du Nord, souveraine boréale régnant sans
partage sur les pays froids. Elle dit au Roi Gradlon: "Je te connais, tu
es courageux et adroit au combat. Mon mari est vieux, son épée est
rouillée. Toi et moi allons le tuer. Ensuite, tu m'emmèneras dans ton
pays de Cornouaille." Ils tuèrent le vieux roi du Nord, remplirent un
coffre d'or et, comme Gradlon n'avait plus de bateau, enfourchèrent
Morvarc'h, le cheval magique de Malgven. Morvarc'h veut dire "cheval de
mer", il était noir comme la nuit et soufflait du feu par ses naseaux.
Le cheval galopait sur la crête des vagues et ils rejoignirent vite les
bateaux du roi qui avaient pris la fuite et regagnaient la Cornouaille.
Une violente tempête et un orage éclatèrent alors, éparpillant les
bateaux sur l'océan.
La naissance de Dahut :
Gradlon et Malgven restèrent une année entière sur la mer. Un jour, sur un
bateau, Malgven donna naissance à un enfant, une fille qu'ils appelèrent
Dahut. La reine resta malade et mourut. Le Roi Gradlon et sa fille
Dahut rentrèrent en Cornouaille. Mais le roi était si triste qu'il ne
sortait plus jamais de son chateau. Dahut grandissait, elle était très
belle, comme sa mère Malgven. Le Roi Gradlon aimait jouer avec les
boucles de ses longs cheveux blonds. Dahut aimait beaucoup la mer. Un
jour elle demanda à son père qu'il lui construise une ville, une ville
au bord de la mer.
La ville construite contre la mer :
Gradlon adorait sa fille et accepta. Plusieurs milliers d'ouvriers furent mis
au travail et construisirent une ville qui semblait sortir de la mer.
Pour la défendre des hautes vagues et des tempêtes, il fut construit une
trés haute digue encerclant la ville, avec une unique porte de bronze
qui y donnait accès. Le Roi Gradlon seul en possédait la clé. On
l'appela "ville d'Ys".
Les fiancailles de Dahut avec l'Océan :
Les pêcheurs, chaque soir, voyaient sur la plage un femme qui chantait très
fort, peignant ses longs cheveux blonds. C'était la princesse Dahut.
Elle disait "Océan, bel Océan bleu, roules moi sur le sable, je suis ta
fiancée, Océan, bel Océan bleu. Je suis née sur la mer, dans les vagues
et l'écume, quand j'étais enfant je jouais avec toi. Océan, bel Océan
bleu. Océan, toi qui retournes comme tu le veux bateaux et hommes,
donnes moi les navires somptueux des naufrages et leurs richesses, or et
trésors. Fais venir dans ma ville de beaux marins que je pourrai
regarder. Ne sois pas jaloux, je te les rendrai l'un aprés l'autre.
La ville d'Ys devint alors un endroit ou l'on s'amusait, la ville s'emplit
de marins. Chaque jour voyait de nouveaux festins, des jeux, des
danses.
Le masque magique :
Chaque jour, la princesse Dahut avait un nouveau fiancé. Le soir, elle lui
mettait un masque noir sur le visage, il restait avec elle jusqu'au
matin. Dès que le chant de l'alouette se faisait entendre, le masque se
resserrait sur la gorge du jeune homme et étouffait le fiancé de la
nuit. Un cavalier prenait alors le corps sur son cheval pour aller le
jeter dans l'Océan, au delà de la baie de Trépassés. Ainsi, tous les
fiancés de Dahut mouraient au matin et étaient jetés a la mer.
Un jour de printemps, un chevalier étrange arriva dans la ville d'Ys. Il
était habillé de rouge, ses mains étaient longues et fines, ses ongles
pointus et recourbés. Dahut lui sourit, le chevalier ne la regarda pas.
Un soir cependant, il accepta de venir auprès d'elle. Il passa
longuement ses longues mains aux ongles pointus dans les beaux cheveux
blonds de la princesse. Soudain, un grand bruit s'éleva du cote de la
mer et un terrible coup de vent heurta les murailles de la ville d'Ys.
"Que la tempête rugisse, les portes de la ville sont solides et c'est le
Roi Gradlon, mon père, qui en possède l'unique clé, attachée a son
cou", dit Dahut. "Ton père le roi dort, tu peux maintenant t'emparer
facilement de cette clé", répliqua le chevalier.
La submersion de la ville :
La princesse Dahut entra dans la chambre de son père, s'approcha doucement
de lui et prit la clé, attachée à une chaine autour de son cou.
Aussitôt, une énorme vague, plus haute qu'une montagne, s'écroula sur
Dahut. Son père se reveilla et elle lui dit: "Père, vite, prenons le
cheval Morvarc'h, la mer a renversé les digues". Le roi prit sa fille
sur le cheval, la mer était déchainée. Le cheval se cabrait sur l'eau
qui montait à gros bouillons. Dahut se serrait contre son père et lui
dit: "Sauvez-moi, mon père !" Il y eut alors un grand éclair dans la
tempête et on entendit une voix qui allait de rocher en rocher et disait
"Gradlon, lâches la princesse".
Saint Guénolé, le missionnaire de Dieu :
Une forme pale comme un cadavre apparut, enveloppée dans un grand vêtement
brun. C'etait Saint Guénolé, qui dit à la princesse: "Malheur à toi, tu
as voulu voler la clé de la ville d'Ys !" Dahut répondait: "Sauvez-moi,
emportez-moi au bout du monde !" Mais le cheval Morvarc'h ne bougeait
plus et les eaux en furie gagnaient sur eux. Saint Guénolé répéta son
ordre à Gradlon "Lâches la princesse !", les vagues énormes étaient à
leurs pieds. Dahut glissa à terre et le Roi Gradlon, furieux, poussa sa
fille dans la mer. Les vagues se refermèrent sur la princesse. La mer
engloutit alors la ville d'Ys, dont tous les habitants périrent noyés.
Le cheval du roi repartit, bondissant sur les plages, puis au travers des
prés et des collines, galopant toute la nuit. Gradlon arriva enfin dans
la ville ou deux rivières se rejoignent entre sept collines, Quimper. Il
décida d'en faire sa capitale et y vécut le restant de ses jours. A sa
mort, on sculpta sa statue dans du granit. Cette statue est aujourd'hui
élevée entre les deux tours de la cathédrale Saint Corentin à Quimper.
Elle représente le Roi Gradlon, à cheval, regardant en direction de la
ville disparue.
Certains racontent que Dahut, après sa mort, devint une sirène et qu'elle
apparait aux pêcheurs les soirs de lune, peignant sa longue chevelure
d'or. Ils disent aussi que, par temps très calme, on peut entendre
sonner les cloches de la cité disparue.
A mon ami Alphonse Leduc
Le jour de son mariage
Le bonheur de la vie est un fatal problème
Que pour résoudre il faut, son tour venu, savoir,
Comme un hardi joueur, jeter tout son avoir,
Nom, honneur, avenir, sur la carte suprême.
Ce jour aux lendemains que nul ne peut prévoir,
C'est celui qu'on choisit pour dire : - Je vous aime !
A celle qui, changée en un autre vous-même,
Doit tremper votre amour aux sources du devoir.
Ami, le risque est grand ; nul cas rédhibitoire ;
Le destin est au fond de l'urne aléatoire,
Et les arrêts qu'il rend sont les arrêts de Dieu.
Heureux celui qui peut, toute crainte bannie,
Dans le choix de son coeur trouver un bon génie,
Et dire comme toi : - J'ai gagné tout l'enjeu !
Louis-Honoré FRECHETTE
né à St-Joseph-de-la-Pointe-Lévy, Québec, Canada le 16 novembre 1839 - mort le 31 mai 1908),
Poète, dramaturge, écrivain et homme politique,
Vieillir, se l’avouer à soi-même et le dire
Tout haut, non pas pour y voir protester les amis ,
Mais pour y conformer ses goûts et s’interdire
Ce que la veille encor on se croyait permis !
Avec sincérité, dès que l’aube se lève
Se bien persuader qu’on est plus vieux d’un jour
A chaque cheveu blanc se séparer d’un rêve
Et lui dire tout bas un adieu sans retour !
♦♦
Aux appétits grossiers infliger d’âpres jeûnes
Et nourrir son esprit d’un savoir simple et sûr.
♦♦
Sans négliger son corps, parer surtout son âme
Chauffant l’un aux tisons, l’autre à l’ancienne foi.
♦♦
Puis un jour s’en aller sans trop causer d’alarmes
Discrètement mourir, un peu comme on s’endort
Pour que les tout-petits ne versent pas de larmes
Et qu’ils ne sachent pas ce que c’est que la mort .
Michel Martinerie †
L’Herberie, entre 2000 et 2010
-Je me sens triste, les autres vagues sont si grandes, si vigoureuses
et moi je suis si petite, si chétive" dit une vague de l'océan
en constatant que les autres vagues étaient plus grandes qu'elle.
Une autre vague lui répondit:
-Ne sois pas triste.Ton chagrin n'existe que parce que tu t'attaches
à l'apparence, tu ne conçois pas ta véritable nature."
-Ne suis-je donc pas une vague?"
-La vague n'est qu'une manifestation transitoire de ta nature.
En vérité, tu es l'eau."
-L'eau?"
-Oui.Si tu comprends clairement que ta nature est l'eau,
tu n'accorderas plus d'importance à ta forme de vague
et ton chagrin disparaîtra."
Françoise Dorn
LE PORTEUR D’EAU (joli conte philosophique) !
Un porteur d’eau indien avait deux grandes
jarres, suspendues aux 2 extrémités d’une pièce de bois qui épousait la
forme de ses épaules.
L’une des jarres avait un éclat, et, alors que l’autre jarre conservait
parfaitement toute son eau de source jusqu’à la maison du maître,
l’autre jarre perdait presque la moitié de sa précieuse cargaison en
cours de route.
Cela dura 2 ans, pendant lesquels, chaque jour, le porteur d’eau ne livrait
qu’une jarre et demi d’eau à chacun de ses voyages.
Bien sûr, la jarre parfaite était fière d’elle, puisqu’elleparvenait à remplir sa fonction du début à la fin sans faille.
Mais la jarre abîmée avait honte de son imperfection et se sentait déprimée
parce qu’elle ne parvenait à accomplir que la moitié de ce dont elle
était censée être capable.
Au bout de 2 ans de ce qu’elle considérait comme un échec permanent, la
jarre endommagée s’adressa au porteur d’eau, au moment où celui-ci la
remplissait à la source.
« Je me sens coupable, et je te prie de m’excuser. »
« Pourquoi ? » demanda le porteur d’eau. « De quoi as-tu honte ? »
« Je n’ai réussi qu’à porter la moitié de ma cargaison d’eau à notre maître,
pendant ces 2 ans, à cause de cet éclat qui fait fuire l’eau. Par ma
faute, tu fais tous ces efforts, et, à la fin, tu ne livres à notre
maître que la moitié de l’eau. Tu n’obtiens pas la reconnaissance
complète de tes efforts », lui dit la jarre abîmée.
Le porteur d’eau fut touché par cette confession, et, plein de compassion,
répondit : « Pendant que nous retournons à la maison du maître, je
veux que tu regardes les fleurs magnifiques qu’il y a au bord du
chemin ».
Au fur et à mesure de leur montée sur le chemin, au long de la colline, la
vieille jarre vit de magnifiques fleurs baignées de soleil sur les
bords du chemin, et cela lui mit du baume au coeur. Mais à la fin du
parcours, elle se sentait toujours aussi mal parce qu’elle avait encore
perdu la moitié de son eau.
Le porteur d’eau dit à la jarre « T’es-tu rendu compte qu’il n’y avait de
belles fleurs que de TON côté, et presque aucune du côté de la jarre
parfaite? C’est parce que j’ai toujours su que tu perdais de l’eau, et
j’en ai tiré parti.
J’ai planté des semences de fleurs de ton coté du chemin, et, chaque jour,
tu les as arrosées tout au long du chemin.
Pendant 2 ans, j’ai pu grâce à toi cueillir de magnifiques fleurs qui ont
décoré la table du maître. Sans toi, jamais je n’aurais pu trouver des
fleurs aussi fraîches et gracieuses. »
Morale de l'histoire : Nous avons tous des éclats, des blessures, des défauts. Nous sommes tous des
jarres abîmées, plus ou moins.
Certains d’entre nous sont diminués par la vieillesse, d’autres ne brillent pas
par leur intelligence, d’autres trop grands, trop gros ou trop maigres,
certains sont chauves, d’autres sont diminués physiquement, mais ce sont
les éclats, les défauts en nous qui rendent nos vies intéressantes et
exaltantes.
Sur la branche des cieux prochaine,
Qui plie et tremble comme un jonc.
Cigogne, aux vieilles tours fidèle,
Oh ! vole et monte à tire-d'aile
De l'église à la citadelle,
Du haut clocher au grand donjon.
Vieux aigle, monte de ton aire
A la montagne centenaire
Que blanchit l'hiver éternel.
Et toi qu'en ta couche inquiète
Jamais l'aube ne vit muette,
Monte, monte, vive alouette,
Vive alouette, monte au ciel !
Et maintenant, du haut de l'arbre,
Des flèches de la tour de marbre,
Du grand mont, du ciel enflammé,
A l'horizon, parmi la brume,
Voyez-vous flotter une plume
Et courir un cheval qui fume,
Et revenir mon bien-aimé ?
Victor Hugo (1802-1885)