La Vie ...- La vie est merveilleuse, croquons-la à pleines dents. - La vie, c'est la minute où nous cherchons tous à être heureux. - L'essentiel n'est pas de vivre, mais de bien vivre. - Pour vivre heureux, vivons cachés. - Les roses de l'amour égayent le jardin de la vie. - La vie ne se complète que quand on est deux. - La patience est la clé du bien-être. - Le vrai calme est celui de la bonne conscience - La plus grande joie de la vie, c'est de se sentir utile aux autres. - Savoir donner, peu le savent, c'est le secret du bonheur. - Le bonheur est à ceux qui se suffisent à eux-mêmes. - L'homme ne connaît le vrai bonheur qu'après l'avoir perdu. - Le malheur est le père du bonheur de demain. - Le malheur est lourd quand on le porte seul. - Le courage examine ; la témérité est aveugle. - Avoir une vie facile est un but difficile à atteindre. - La vie est belle à vivre pour qui sait vivre pleinement sa vie.
De l’aile effleurant mon visage, Volez, doux oiseaux de passage, Volez sans peur tout près de moi ! Avec amour je vous salue ; Descendez du haut de la nue, Volez, et n’ayez nul effroi ! Des mois d’or aux heures légères, Venez, rapides messagères, Venez, mes sœurs, je vous attends ! Comme vous je hais la froidure, Comme vous j’aime la verdure, Comme vous j’aime le printemps ! Vous qui des pays de l’aurore Nous arrivez tièdes encore, Dites, les froids vont donc finir ! Ah ! contez-nous de jeunes choses, Parlez-nous de nids et de roses, Parlez-nous d’un doux avenir ! Parlez-moi de soleil et d’ondes, D’épis flottants, de plaines blondes, De jours dorés, d’horizons verts ; De la terre enfin réveillée, Qui se mourait froide et mouillée Sous le dais brumeux des hivers. L’hiver, c’est le deuil de la terre ! Les arbres n’ont plus leur mystère ; Oiseaux et bardes sont sans toits ; Une bise à l’aile glacée A nos fronts tarit la pensée, Tarit la sève au front des bois. Le ciel est gris, l’eau sans murmure, Et tout se meurt ; sur la nature S’étend le linceul des frimas. Heureux, alors, sur d’autres plages, Ceux qui vont chercher les feuillages Et les beaux jours des beaux climats ! O très heureuses hirondelles ! Si comme vous j’avais des ailes, J’irais me baigner d’air vermeil ; Et, loin de moi laissant les ombres, Je fuirais toujours les cieux sombres Pour toujours suivre le soleil ! (Auguste Lacaussade, Poèmes et Paysages, 1897)
Dans le pays de Valognes se trouve le vallon des faulx, un endroit vraiment pittoresque, avec ses bois touffus, ses chants d’oiseaux, et les ruines d’un vieux moulin couvert de lierre.
Autrefois y vivaient un bûcheron, Louisot Clovis et son épouse Toinette.
Malgré leurs maigres ressources, ils adoptèrent Jean Marie leur filleul, orphelin, âgé de six ans. Accompagnant parfois Clovis dans son travail, Jean Marie aimait ramasser des brindilles de bois sec.
Ce qui faisait surtout plaisir au petit garçon c’était de regarder grandir les arbrisseaux, il rêvait de posséder un de ces petits arbres.
Quand arriva Noël, Jean Marie voulut assister à la messe de minuit, dans la nouvelle église de Brix, mais vu son état de santé fragile, les Louisot n’étaient pas d’accord car dehors la tempête faisait rage.
Résignée, il embrassa sa marraine et alla se coucher sans oublier de déposer ses sabots au pied de la cheminée, puis s’endormit paisiblement.
Quelle ne fut pas sa surprise le lendemain au réveil, de trouver un arbrisseau dans l’un de ses sabots ! Il le mit dans un pot d’argile et le comblait de soins chaque jour, le déposant chaque soir près d’un crucifix et d’une image pieuse.
Un an après ce jour l’enfant tomba malade, d’une maladie mystérieuse alors que son arbre s’épanouissait normalement.
Le médecin leur donna espoir, mais hélas, ni la médecine, ni les soins généreux, ni l’amour de ces parents adoptifs ne purent retenir la petite âme de Jean-Marie qui s’échappa de ce monde.
Il fut alors enterré à quelques pas de la chapelle de la vierge dans le cimetière de Brix et sa marraine se souvint que pendant sa maladie, l’enfant l’appelait souvent, lui demandant de bien arroser son arbrisseau pour ne pas qu’il meurt, son petit arbre du bon dieu !
Ils décidèrent alors de planter l’arbrisseau sur la tombe du petit ange disparu et de grosses larmes tombèrent de leurs yeux dans la fosse humectant la terre.
Ce frêle arbuste, trouvé par Jean Marie le matin de Noël dans son sabot est devenu l’If magnifique que l’on peut aujourd’hui admirer dans le cimetière de Brix.
Telle est la poétique légende que les vieilles et bonnes grands-mères du pays de Valognes racontent à leurs petits enfants à la veillée de Noël en attendant la messe de minuit.
Il était une fois, à Marmande, la fille d’un riche bourgeois, jeune, belle et sage. Les prétendants ne cessaient de tourner autour d’elle mais Ferline Giraudeau........
Ferline Giraudeau
Petite statue en bronze située devant le mairie, sculptée par Jacques Coquillay représentant Ferline Giraudeau avec dans sa main droite "la pomme d'amour". ......(c’était son nom) n’en trouvait aucun à son goût, au désespoir de son père qui, veuf, voyait avancer son âge. Et pourtant, un de ces jeunes gens, Peyrot Bory, de modeste extraction, mourait d’amour pour elle, mais n’osait le lui avouer, conscient d’être trop pauvre pour pouvoir y prétendre ; tant et si bien que rempli de chagrin, il décida de quitter Marmande. Il arriva à Bordeaux juste au moment où un navire mettait les voiles pour « les Isles ». Pendant quatre ans, il bourlingua, visita les Antilles et la Nouvelle Grenade.Il travaillait dur et pourtant, il ne pouvait se défaire de l’image de Ferline. Un beau jour, il prit le chemin du retour avec dans ses bagages, un gros sac de cuir rempli de doublons d’Espagne et une pochette dans laquelle se trouvaient d’étranges graines plates et d’un gris foncé. Revenu à Marmande, il sema dans un coin ensoleillé du jardin paternel les fameuses graines et, au début de l’été, apparurent des grappes de magnifiques fruits rouges, ronds et lisses. Chaque matin, il en cueillait quelques uns et les déposait dans une petite corbeille d’osier qu’il abandonnait sur le bord de la fenêtre de la belle. Au bout de quelques jours, elle le surprit et, au moment même où il renouvelait son offrande : « Dis-moi, ami, lui dit-elle, comment s’appelle donc ce fruit délicieux que tu m’apportes chaque jour? » « Lorsque j’étais aux Amériques, les Indiens l’appelaient la « tomate », mais moije l’appelle « Ferline » en souvenir de toi, tant elle est belle ! » « Eh bien, lui dit-elle en se jetant dans ses bras, à partir d’aujourd’hui, nous l’appellerons « la pomme d’amour ». C'est sous ce nom de « Pomme d'Amour » que nous trouvons les premières tomates dans les livres de recettes français. En 1750, dans le “Dictionnaire des aliments, vins et liqueurs”, figurent trois recettes de tomates farcies. Le terme « Pomme d'Amour » est encore utilisé par Jean Giono dans “Un de Baumugnes”,en 1929. Résumé...... A la « Buvette du Piémont », un vieux journalier est attiré par un grand gars qui parait affreusement triste et provoque ses confidences : Albin venait de la montagne, de Baumugnes. Trois ans auparavant, il était tombé amoureux fou d'une fille qui s'est laissé séduire par le Louis, « un type de Marseille, un jeune tout creux comme un mauvais radis». Le Louis ne lui avait pas caché que son intention était de mettre la fille sur le trottoir. Depuis, Albin était inconsolable, traînant de ferme en ferme, sans se résoudre à remonter à Baumugnes. Alors le vieux, qui n'est que bonté, décide d'aider Albin... Rempli d'amour, de tendresse et de fraîcheur, Un de Baumugnes est le second roman de la trilogie de Pan, les deux autres étant Colline et Regain.
Merci Claudisa je partage votre émotion et je souhaite que ceux qui nous "gouvernent" le lise car si rien n'est fait dans quelques annés nos petits enfants pouraient bien regretter la culture française.........
A méditer :« Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir » Maréchal Ferdinand Foch (2 octobre 1851 – 20 mars 1929)
Ce commentaire a été modifié le 07/04/2018 à 10:00
Merci Cynthia, toujours beau et intéressant Mais ce matin c'est surtout à Mayyan1 que je veux dire, que j'ai lu, le coeur serré, le conte A.Daudet, que je n'avais jamais lu. Mon mari, né à Colmar, avait son granp-père paternel, que j'ai connu (moi la bretonne) un an avant notre mariage , en Alsace où il a résidé le plus qu'il a pu!!! ce grand-père ne parlait pas un mot de français, seulement l'alsacien (et l'allemand, obligé),mon futur mari me traduisait!! Eh! bien ce grand-père avait changé 5 fois de nationalité!!!!il était né Français,puis allemend par obligation,puis français,puis re allemand , puis re français eu 1945. Il est mort 15 ans plus tard et ses dernières paroles ont été pour sa fille, qui l'avait accueilli chez elle : " Maria, je meurs heureux, je meurs FRANÇAIS". Je vous remercie infiniment Mayyan1 de nous rappeler ce souvenir lointain, que nous n'avions pas oublié, mais qui remonte aujourd'hui.
La dernière Classe (Alphonse DAUDET) - Beau texte émouvant, et Important, sur le sujet de la langue française.
L'histoire se passe en 1871, après la défaite et l'occupation de l'Alsace-Lorraine par les prussiens .... « L’Angélus sonna. Suivi des trompettes prussiennes. Le français cessa d'être la langue enseignée » ! « Ce matin-là, j'étais très en retard pour aller à l'école, et j'avais grand peur d'être grondé, d'autant que M. Hamel nous avait dit qu'il nous interrogerait sur les participes, et je n'en savais pas le premier mot. Un moment, l'idée me vint de manquer la classe et de prendre ma course à travers champs. Le temps était si chaud, si clair.
On entendait les merles siffler à la lisière du bois, et dans le pré Rippert derrière la scierie, les Prussiens faisaient l'exercice. Tout cela me tentait bien plus que la règle des participes ; mais j'eus la force de résister, et je courus bien vite vers l'école.
En passant devant la mairie, je vis qu'il y avait du monde arrêté près du petit grillage aux affiches.
C'est de là que nous sont venues toutes les mauvaises nouvelles, les batailles perdues, les réquisitions, les ordres de la kommandantur.
Et je pensai sans m'arrêter : « Qu'est-ce qu'il y a encore ? »
Alors, comme je traversais la place en courant, le forgeron Wachter, qui était là avec son apprenti en train de lire l'affiche, me cria : « Ne te dépêche pas tant, petit; tu y arriveras toujours assez tôt à ton école ! »
Je crus qu'il se moquait de moi, et j'entrai tout essoufflé dans la petite cour de M. Hamel.
D'ordinaire, au commencement de la classe, il se faisait un grand tapage qu'on entendait jusque dans la rue, les pupitres ouverts, fermés, les leçons qu'on répétait très haut tous ensemble en se bouchant les oreilles pour mieux apprendre, et la grosse règle du maître qui tapait sur les tables : « Un peu de silence ! »
Je comptais sur tout ce train pour gagner mon banc sans être vu ; mais justement, ce jour-là tout était tranquille, comme un matin de dimanche. Par la fenêtre ouverte, je voyais mes camarades déjà rangés à leurs places, et M. Hamel, qui passait et repassait avec la terrible règle en fer sous le bras. Il fallut ouvrir la porte et entrer au milieu de ce grand calme. Vous pensez, si j'étais rouge et si j'avais peur !
Eh bien, non. M. Hamel me regarda sans colère et me dit très doucement :
« Va vite à ta place, mon petit Frantz; nous allions commencer sans toi. »
J'enjambai le banc et je m'assis tout de suite à mon pupitre. Alors seulement, un peu remis de ma frayeur, je remarquai que notre maître avait sa belle redingote verte, son jabot plissé fin et la calotte de soie noire brodée qu'il ne mettait que les jours d'inspection ou de distribution de prix. Du reste, toute la classe avait quelque chose d'extraordinaire et de solennel. Mais ce qui me surprit le plus, ce fut de voir au fond de la salle, sur les bancs qui restaient vides d'habitude, des gens du village assis et silencieux comme nous, le vieux Hauser avec son tricorne, l'ancien maire, l'ancien facteur, et puis d'autres personnes encore. Tout ce monde-là paraissait triste; et Hauser avait apporté un vieil abécédaire mangé aux bords qu'il tenait grand ouvert sur ses genoux, avec ses grosses lunettes posées en travers des pages.
Pendant que je m'étonnais de tout cela, M. Hamel était monté dans sa chaire, et de la même voix douce et grave dont il m'avait reçu, il nous dit :
« Mes enfants, c'est la dernière fois que je vous fais la classe. L'ordre est venu de Berlin de ne plus enseigner que l'allemand dans les écoles de l'Alsace et de la Lorraine... Le nouveau maître arrive demain. Aujourd'hui, c'est votre dernière leçon de français. Je vous prie d'être bien attentifs.»
Ces quelques paroles me bouleversèrent. Ah ! les misérables, voilà ce qu'ils avaient affiché à la mairie.
Ma dernière leçon de français !...
Et moi qui savais à peine écrire ! Je n'apprendrais donc jamais ! Il faudrait donc en rester là !... Comme je m'en voulais maintenant du temps perdu, des classes manquées à courir les nids ou à faire des glissades sur la Saar ! Mes livres que tout à l'heure encore je trouvaissi ennuyeux, si lourds à porter, ma grammaire, mon histoire sainte me semblaient à présent de vieux amis qui me feraient beaucoup de peine à quitter. C'est comme M. Hamel. L'idée qu'il allait partir, que je ne le verrais plus me faisait oublier les punitions et les coups de règle.
Pauvre homme !
C'est en l'honneur de cette dernière classe qu'il avait mis ses beaux habits du dimanche, et maintenant je comprenais pourquoi ces vieux du village étaient venus s'asseoir au bout de la salle. Cela semblait dire qu'ils regrettaient de ne pas y être venus plus souvent, à cette école. C'étaitaussi comme une façon de remercier notre maître de ses quarante ans de bons services, et de rendre leurs devoirs à la patrie qui s'en allait...
J'en étais là de mes réflexions, quand j'entendis appeler mon nom. C'était mon tour de réciter. Que n'aurais-je pas donné pour pouvoir dire tout aulong cette fameuse règle des participes, bien haut, bien clair, sans une faute ; mais je m'embrouillai aux premiers mots, et je restai deboutà me balancer dans mon banc, le cœur gros, sans oser lever la tête. J'entendais M. Hamel qui me parlait :«Je ne te gronderai pas, mon petit Frantz, tu dois être assez puni... voilà ce que c'est. Tous les jours on se dit : Bah ! j'ai bien le temps. J'apprendrai demain. Et puis tu vois ce qui arrive... Ah ! ç'a été le grand malheur de notre Alsace de toujours remettre son instruction à demain. Maintenant, ces gens-là sont en droit de nous dire : Comment ! Vous prétendiez être Français, et vous ne savez ni parler ni écrire votre langue !... Dans tout ça, mon pauvre Frantz, ce n'est pas encore toi le plus coupable. Nous avons tous notre bonne part de reproches à nous faire.
«Vos parents n'ont pas assez tenu à vous voir instruits.Ils aimaient mieux vous envoyer travailler à la terre ou aux filatures pour avoir quelques sous de plus.Moi-même n'ai-je rien à me reprocher? Est-ce que je ne vous ai pas souvent fait arroser mon jardin au lieu de travailler? Et quand je voulais aller pêcher des truites, est-ce que je me gênais pour vous donner congé ?... »
Alors d'une chose à l'autre, M. Hamel se mit à nous parler de la langue française, disant que c'était la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide : qu'il fallait la garder entre nous et ne jamais l'oublier, parce que, quand un peuple tombe esclave, tant qu'il tient sa langue, c'est comme s'il tenait la clef de sa prison... Puis il prit une grammaire et nous lut notre leçon. J'étais étonné de voir comme je comprenais. Tout ce qu'il disait me semblait facile, facile. Je crois aussi que je n'avais jamais si bien écouté, et que lui non plus n'avait jamais mis autant de patience à ses explications. On aurait dit qu'avantde s'en aller le pauvre homme voulait nous donner tout son savoir, nousle faire entrer dans la tête d'un seul coup.
La leçon finie, on passa à l'écriture. Pour ce jour-là, M. Hamel nous avait préparé des exemples tout neufs, sur lesquels était écrit en belleronde : France, Alsace, France, Alsace. Cela faisait comme des petits drapeaux qui flottaient tout autour de la classe pendu à la tringle de nos pupitres. Il fallait voir comme chacun s'appliquait, et quel silence ! on n'entendait rien que le grincement des plumes sur le papier. Un moment, des hannetons entrèrent ; mais personne n'y fit attention, pas même les tout petits qui s'appliquaient à tracer leurs bâtons, avec un cœur, une conscience, comme si cela encore était du français... Sur la toiture de l'école, des pigeons roucoulaient bas, et je me disais en les écoutant :
« Est-ce qu'on ne va pas les obliger à chanter en allemand, eux aussi ? »
De temps en temps, quand je levais les yeux de dessus ma page, je voyais M. Hamel immobile dans sa chaire et fixant les objets autour de lui comme s'il avait voulu emporter dans son regard toute sa petite maison d'école... Pensez ! depuis quarante ans, il était là à la même place, avec sa cour en face de lui et sa classe toute pareille. Seulement, les bancs, les pupitres s'étaient polis, frottés par l'usage ; les noyers dela cour avaient grandi, et le houblon qu'il avait planté lui-même enguirlandait maintenant les fenêtres jusqu'au toit. Quel crêve-cœur ça devait être pour ce pauvre homme de quitter toutes ces choses, et d'entendre sa sœur qui allait, venait, dans la chambre au-dessus, en train de fermer leurs malles ! car ils devaient partir le lendemain, s'en aller du pays pour toujours.
Tout de même, il eut le courage de nous faire la classe jusqu'au bout. Aprèsl'écriture, nous eûmes la leçon d'histoire ; ensuite les petits chantèrent tous ensemble le BA BE BI BO BU. Là-bas au fond de la salle, le vieux Hauser avait mis ses lunettes, et, tenant son abécédaire à deuxmains, il épelait les lettres avec eux. On voyait qu'il s'appliquait lui aussi ; sa voix tremblait d'émotion, et c'était si drôle de l'entendre, que nous avions tous envie de rire et de pleurer. Ah ! je m'en souviendrai de cette dernière classe...
Tout à coup, l'horloge de l'église sonna midi, puis l'Angelus. Au même moment, les trompettes des Prussiens qui revenaient de l'exercice éclatèrent sous nos fenêtres... M. Hamel se leva, tout pâle, dans sa chaire. Jamais il ne m'avait paru si grand. « Mes amis, dit-il, mes amis, je... je... »
Mais quelque chose l'étouffait. Il ne pouvait pas achever sa phrase. Alors il se tourna vers le tableau, prit un morceau de craie, et, en appuyant de toutes ses forces, il écrivit aussi gros qu'il put :
« VIVE LA FRANCE ! »
Puis il resta là, la tête appuyée au mur, et, sans parler, avec sa main il nous faisait signe : « C'est fini... allez-vous-en. »
Ce conte d'Alphonse Daudet est tiré des " Contes du lundi " .
Ce commentaire a été modifié le 06/04/2018 à 19:20
Aidons-nous mutuellement... La charge des malheurs en sera plus légère... Le bien que l'on fait à son frère. Pour le mal que l'on souffre est un soulagement. Confucius l'a dit ; suivons tous sa doctrine. Pour la persuader aux peuples de la Chine... Il leur contait le trait suivant. Dans une ville de l'Asie Il existait deux malheureux, L'un perclus, l'autre aveugle, et pauvres tous les deux. Ils demandaient au Ciel de terminer leur vie... Mais leurs cris étaient superflus,,, Ils ne pouvaient mourir. Notre paralytique... Couché sur un grabat dans la place publique... Souffrait sans être plaint : il en souffrait bien plus. L'aveugle, à qui tout pouvait nuire... Etait sans guide, sans soutien... Sans avoir même un pauvre chien. Pour l'aimer et pour le conduire. Un certain jour, il arriva. Que l'aveugle à tâtons, au détour d'une rue... Près du malade se trouva... Il entendit ses cris, son âme en fut émue. Il n'est tel que les malheureux Pour se plaindre les uns les autres. " J'ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres... Unissons-les, mon frère, ils seront moins affreux. - Hélas ! dit le perclus, vous ignorez, mon frère... Que je ne puis faire un seul pas... Vous-même vous n'y voyez pas... A quoi nous servirait d'unir notre misère ? - A quoi ? répond l'aveugle ; écoutez. A nous deux Nous possédons le bien à chacun nécessaire... J'ai des jambes, et vous des yeux. Moi, je vais vous porter ; vous, vous serez mon guide... Vos yeux dirigeront mes pas mal assurés... Mes jambes, à leur tour, iront où vous voudrez.. Ainsi, sans que jamais notre amitié décide. Qui de nous deux remplit le plus utile emploi... Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi...
Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794)
Ce commentaire a été modifié le 05/04/2018 à 13:25
Regard fixé au loin Il manie le gouvernail En suivant le cours d'eau Serein et patient Voyageant doucement Au rythme du temps Il admire la nature et les arbres Longeant les rivières et canaux Parfois quelques maisons Situées dans de petits hameaux Sa barge glisse sur le vert canal qui dort Lui renvoyant les reflets sombres De la verdure et des feuillages De sa proue qui fend l'eau Laissant derrière elle l'onde écumante Sur les chemins de halage Quelques promeneurs d'une main Lui envoient un bonjour En attendant le prochain bateau Le batelier calme et tranquille Aux commandes de sa péniche Où lentement sa coque glisse Sur le remous qui plisse
@Copyright Vizzavona2A
Ce commentaire a été modifié le 05/04/2018 à 12:07
La Vie ... - La vie est merveilleuse, croquons-la à pleines dents.
- La vie, c'est la minute où nous cherchons tous à être heureux.
- L'essentiel n'est pas de vivre, mais de bien vivre.
- Pour vivre heureux, vivons cachés.
- Les roses de l'amour égayent le jardin de la vie.
- La vie ne se complète que quand on est deux.
- La patience est la clé du bien-être.
- Le vrai calme est celui de la bonne conscience
- La plus grande joie de la vie, c'est de se sentir utile aux autres.
- Savoir donner, peu le savent, c'est le secret du bonheur.
- Le bonheur est à ceux qui se suffisent à eux-mêmes.
- L'homme ne connaît le vrai bonheur qu'après l'avoir perdu.
- Le malheur est le père du bonheur de demain.
- Le malheur est lourd quand on le porte seul.
- Le courage examine ; la témérité est aveugle.
- Avoir une vie facile est un but difficile à atteindre.
- La vie est belle à vivre pour qui sait vivre pleinement sa vie.
Aux Hirondelles ...
De l’aile effleurant mon visage,
Volez, doux oiseaux de passage,
Volez sans peur tout près de moi !
Avec amour je vous salue ;
Descendez du haut de la nue,
Volez, et n’ayez nul effroi !
Des mois d’or aux heures légères,
Venez, rapides messagères,
Venez, mes sœurs, je vous attends !
Comme vous je hais la froidure,
Comme vous j’aime la verdure,
Comme vous j’aime le printemps !
Vous qui des pays de l’aurore
Nous arrivez tièdes encore,
Dites, les froids vont donc finir !
Ah ! contez-nous de jeunes choses,
Parlez-nous de nids et de roses,
Parlez-nous d’un doux avenir !
Parlez-moi de soleil et d’ondes,
D’épis flottants, de plaines blondes,
De jours dorés, d’horizons verts ;
De la terre enfin réveillée,
Qui se mourait froide et mouillée
Sous le dais brumeux des hivers.
L’hiver, c’est le deuil de la terre !
Les arbres n’ont plus leur mystère ;
Oiseaux et bardes sont sans toits ;
Une bise à l’aile glacée
A nos fronts tarit la pensée,
Tarit la sève au front des bois.
Le ciel est gris, l’eau sans murmure,
Et tout se meurt ; sur la nature
S’étend le linceul des frimas.
Heureux, alors, sur d’autres plages,
Ceux qui vont chercher les feuillages
Et les beaux jours des beaux climats !
O très heureuses hirondelles !
Si comme vous j’avais des ailes,
J’irais me baigner d’air vermeil ;
Et, loin de moi laissant les ombres,
Je fuirais toujours les cieux sombres
Pour toujours suivre le soleil !
(Auguste Lacaussade, Poèmes et Paysages, 1897)
Dans le pays de Valognes se trouve le vallon des faulx, un endroit vraiment
pittoresque, avec ses bois touffus, ses chants d’oiseaux, et les ruines
d’un vieux moulin couvert de lierre.
Autrefois y vivaient un bûcheron, Louisot Clovis et son épouse Toinette.
Malgré leurs maigres ressources, ils adoptèrent Jean Marie leur filleul,
orphelin, âgé de six ans. Accompagnant parfois Clovis dans son travail,
Jean Marie aimait ramasser des brindilles de bois sec.
Ce qui faisait surtout plaisir au petit garçon c’était de regarder grandir
les arbrisseaux, il rêvait de posséder un de ces petits arbres.
Quand arriva Noël, Jean Marie voulut assister à la messe de minuit, dans la
nouvelle église de Brix, mais vu son état de santé fragile, les Louisot
n’étaient pas d’accord car dehors la tempête faisait rage.
Résignée, il embrassa sa marraine et alla se coucher sans oublier de déposer ses
sabots au pied de la cheminée, puis s’endormit paisiblement.
Quelle ne fut pas sa surprise le lendemain au réveil, de trouver un arbrisseau
dans l’un de ses sabots ! Il le mit dans un pot d’argile et le comblait
de soins chaque jour, le déposant chaque soir près d’un crucifix et
d’une image pieuse.
Un an après ce jour l’enfant tomba malade, d’une maladie mystérieuse alors que son arbre s’épanouissait normalement.
Le médecin leur donna espoir, mais hélas, ni la médecine, ni les soins
généreux, ni l’amour de ces parents adoptifs ne purent retenir la petite
âme de Jean-Marie qui s’échappa de ce monde.
Il fut alors enterré à quelques pas de la chapelle de la vierge dans le
cimetière de Brix et sa marraine se souvint que pendant sa maladie,
l’enfant l’appelait souvent, lui demandant de bien arroser son
arbrisseau pour ne pas qu’il meurt, son petit arbre du bon dieu !
Ils décidèrent alors de planter l’arbrisseau sur la tombe du petit ange
disparu et de grosses larmes tombèrent de leurs yeux dans la fosse
humectant la terre.
Ce frêle arbuste, trouvé par Jean Marie le matin de Noël dans son sabot
est devenu l’If magnifique que l’on peut aujourd’hui admirer dans le
cimetière de Brix.
Telle est la poétique légende que les vieilles et bonnes grands-mères du pays
de Valognes racontent à leurs petits enfants à la veillée de Noël en
attendant la messe de minuit.
version officielle
Il était une fois, à Marmande, la fille d’un riche bourgeois, jeune, belle et sage.
Les prétendants ne cessaient de tourner autour d’elle mais Ferline Giraudeau........
Ferline Giraudeau
Petite statue en bronze située devant le mairie, sculptée par Jacques
Coquillay représentant Ferline Giraudeau avec dans sa main droite
"la pomme d'amour".
......(c’était son nom) n’en trouvait aucun à son goût, au désespoir de son père qui, veuf, voyait avancer son âge.
Et pourtant, un de ces jeunes gens, Peyrot Bory, de modeste extraction, mourait d’amour pour elle, mais n’osait le lui avouer, conscient d’être trop pauvre pour pouvoir y prétendre ; tant et si bien que rempli de chagrin, il décida de quitter Marmande.
Il arriva à Bordeaux juste au moment où un navire mettait les voiles pour « les Isles ».
Pendant quatre ans, il bourlingua, visita les Antilles et la Nouvelle Grenade.Il travaillait dur et pourtant, il ne pouvait se défaire de l’image de Ferline.
Un beau jour, il prit le chemin du retour avec dans ses bagages, un gros sac de cuir rempli de doublons d’Espagne et une pochette dans laquelle se trouvaient d’étranges graines plates et d’un gris foncé.
Revenu à Marmande, il sema dans un coin ensoleillé du jardin paternel les fameuses graines et, au début de l’été, apparurent des grappes de magnifiques fruits rouges, ronds et lisses.
Chaque matin, il en cueillait quelques uns et les déposait dans une petite corbeille d’osier qu’il abandonnait sur le bord de la fenêtre de la belle.
Au bout de quelques jours, elle le surprit et, au moment même où il renouvelait son offrande :
« Dis-moi, ami, lui dit-elle, comment s’appelle donc ce fruit délicieux que tu m’apportes chaque jour? »
« Lorsque j’étais aux Amériques, les Indiens l’appelaient la « tomate », mais moije l’appelle « Ferline » en souvenir de toi, tant elle est belle ! »
« Eh bien, lui dit-elle en se jetant dans ses bras, à partir d’aujourd’hui, nous l’appellerons « la pomme d’amour ».
C'est sous ce nom de « Pomme d'Amour » que nous trouvons les premières tomates dans les livres de recettes français.
En 1750, dans le “Dictionnaire des aliments, vins et liqueurs”, figurent trois recettes de tomates farcies.
Le terme « Pomme d'Amour » est encore utilisé par Jean Giono dans
“Un de Baumugnes”,en 1929.
Résumé......
A la « Buvette du Piémont », un vieux journalier est attiré par un grand gars qui parait affreusement triste et provoque ses
confidences : Albin venait de la montagne, de Baumugnes. Trois ans auparavant, il était tombé amoureux fou d'une fille qui s'est laissé séduire par le Louis, « un type de Marseille, un jeune tout creux comme un mauvais radis». Le Louis ne lui avait pas caché que son intention était de mettre la fille sur le trottoir.
Depuis, Albin était inconsolable, traînant de ferme en ferme, sans se résoudre à remonter à Baumugnes.
Alors le vieux, qui n'est que bonté, décide d'aider Albin...
Rempli d'amour, de tendresse et de fraîcheur, Un de Baumugnes est le second roman de la trilogie de Pan, les deux autres étant Colline et Regain.
A méditer :« Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir »
Maréchal Ferdinand Foch (2 octobre 1851 – 20 mars 1929)
Mais ce matin c'est surtout à Mayyan1 que je veux dire, que j'ai lu, le coeur serré, le conte A.Daudet, que je n'avais jamais lu.
Mon mari, né à Colmar, avait son granp-père paternel, que j'ai connu (moi la bretonne) un an avant notre mariage , en Alsace où il a résidé le plus qu'il a pu!!! ce grand-père ne parlait pas un mot de français, seulement l'alsacien (et l'allemand, obligé),mon futur mari me traduisait!!
Eh! bien ce grand-père avait changé 5 fois de nationalité!!!!il était né Français,puis allemend par obligation,puis français,puis re allemand , puis re français eu 1945. Il est mort 15 ans plus tard et ses dernières paroles ont été pour sa fille, qui l'avait accueilli chez elle : " Maria, je meurs heureux, je meurs FRANÇAIS".
Je vous remercie infiniment Mayyan1 de nous rappeler ce souvenir lointain, que nous n'avions pas oublié, mais qui remonte aujourd'hui.
L'histoire se passe en 1871, après la défaite et l'occupation de l'Alsace-Lorraine par les prussiens ....
« L’Angélus sonna. Suivi des trompettes prussiennes. Le français cessa d'être la langue enseignée » !
« Ce matin-là, j'étais très en retard pour aller à l'école, et j'avais grand peur d'être grondé, d'autant que M. Hamel nous avait dit qu'il nous interrogerait sur les participes, et je n'en savais pas le premier mot.
Un moment, l'idée me vint de manquer la classe et de prendre ma course à travers champs.
Le temps était si chaud, si clair.
On entendait les merles siffler à la lisière du bois, et dans le pré Rippert derrière la scierie, les Prussiens faisaient l'exercice. Tout cela me tentait bien plus que la règle des participes ; mais j'eus la force de résister, et je courus bien vite vers l'école.
En passant devant la mairie, je vis qu'il y avait du monde arrêté près du petit grillage aux affiches.
C'est de là que nous sont venues toutes les mauvaises nouvelles, les batailles perdues, les réquisitions, les ordres de la kommandantur.
Et je pensai sans m'arrêter : « Qu'est-ce qu'il y a encore ? »
Alors, comme je traversais la place en courant, le forgeron Wachter, qui était là avec son apprenti en train de lire l'affiche, me cria :
« Ne te dépêche pas tant, petit ; tu y arriveras toujours assez tôt à ton école ! »
Je crus qu'il se moquait de moi, et j'entrai tout essoufflé dans la petite cour de M. Hamel.
D'ordinaire, au commencement de la classe, il se faisait un grand tapage qu'on entendait jusque dans la rue, les pupitres ouverts, fermés, les leçons qu'on répétait très haut tous ensemble en se bouchant les oreilles pour mieux apprendre, et la grosse règle du maître qui tapait sur les tables :
« Un peu de silence ! »
Je comptais sur tout ce train pour gagner mon banc sans être vu ; mais justement, ce jour-là tout était tranquille, comme un matin de dimanche.
Par la fenêtre ouverte, je voyais mes camarades déjà rangés à leurs places, et M. Hamel, qui passait et repassait avec la terrible règle en fer sous le bras. Il fallut ouvrir la porte et entrer au milieu de ce grand calme. Vous pensez, si j'étais rouge et si j'avais peur !
Eh bien, non. M. Hamel me regarda sans colère et me dit très doucement :
« Va vite à ta place, mon petit Frantz ; nous allions commencer sans toi. »
J'enjambai le banc et je m'assis tout de suite à mon pupitre. Alors seulement, un peu remis de ma frayeur, je remarquai que notre maître avait sa belle redingote verte, son jabot plissé fin et la calotte de soie noire brodée qu'il ne mettait que les jours d'inspection ou de distribution de prix.
Du reste, toute la classe avait quelque chose d'extraordinaire et de solennel. Mais ce qui me surprit le plus, ce fut de voir au fond de la salle, sur les bancs qui restaient vides d'habitude, des gens du village assis et silencieux comme nous, le vieux Hauser avec son tricorne, l'ancien maire, l'ancien facteur, et puis d'autres personnes encore.
Tout ce monde-là paraissait triste; et Hauser avait apporté un vieil abécédaire mangé aux bords qu'il tenait grand ouvert sur ses genoux, avec ses grosses lunettes posées en travers des pages.
Pendant que je m'étonnais de tout cela, M. Hamel était monté dans sa chaire, et de la même voix douce et grave dont il m'avait reçu, il nous dit :
« Mes enfants, c'est la dernière fois que je vous fais la classe. L'ordre est venu de Berlin de ne plus enseigner que l'allemand dans les écoles de l'Alsace et de la Lorraine... Le nouveau maître arrive demain.
Aujourd'hui, c'est votre dernière leçon de français. Je vous prie d'être bien attentifs. »
Ces quelques paroles me bouleversèrent. Ah ! les misérables, voilà ce qu'ils avaient affiché à la mairie.
Ma dernière leçon de français !...
Et moi qui savais à peine écrire ! Je n'apprendrais donc jamais ! Il faudrait donc en rester là !... Comme je m'en voulais maintenant du temps perdu, des classes manquées à courir les nids ou à faire des glissades sur la Saar ! Mes livres que tout à l'heure encore je trouvaissi ennuyeux, si lourds à porter, ma grammaire, mon histoire sainte me semblaient à présent de vieux amis qui me feraient beaucoup de peine à quitter. C'est comme M. Hamel. L'idée qu'il allait partir, que je ne le verrais plus me faisait oublier les punitions et les coups de règle.
Pauvre homme !
C'est en l'honneur de cette dernière classe qu'il avait mis ses beaux habits du dimanche, et maintenant je comprenais pourquoi ces vieux du village étaient venus s'asseoir au bout de la salle. Cela semblait dire qu'ils regrettaient de ne pas y être venus plus souvent, à cette école. C'étaitaussi comme une façon de remercier notre maître de ses quarante ans de bons services, et de rendre leurs devoirs à la patrie qui s'en allait...
J'en étais là de mes réflexions, quand j'entendis appeler mon nom. C'était mon tour de réciter. Que n'aurais-je pas donné pour pouvoir dire tout aulong cette fameuse règle des participes, bien haut, bien clair, sans une faute ; mais je m'embrouillai aux premiers mots, et je restai deboutà me balancer dans mon banc, le cœur gros, sans oser lever la tête.
J'entendais M. Hamel qui me parlait :«Je ne te gronderai pas, mon petit Frantz, tu dois être assez puni... voilà ce que c'est. Tous les jours on se dit : Bah ! j'ai bien le temps. J'apprendrai demain. Et puis tu vois ce qui arrive... Ah ! ç'a été le grand malheur de notre Alsace de toujours remettre son instruction à demain. Maintenant, ces gens-là sont en droit de nous dire : Comment ! Vous prétendiez être Français, et vous ne savez ni parler ni écrire votre langue !... Dans tout ça, mon pauvre Frantz, ce n'est pas encore toi le plus coupable. Nous avons tous notre bonne part de reproches à nous faire.
«Vos parents n'ont pas assez tenu à vous voir instruits.Ils aimaient mieux vous envoyer travailler à la terre ou aux filatures pour avoir quelques sous de plus.Moi-même n'ai-je rien à me reprocher? Est-ce que je ne vous ai pas souvent fait arroser mon jardin au lieu de travailler? Et quand je voulais aller pêcher des truites, est-ce que je me gênais pour vous donner congé ?... »
Alors d'une chose à l'autre, M. Hamel se mit à nous parler de la langue française, disant que c'était la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide : qu'il fallait la garder entre nous et ne jamais l'oublier, parce que, quand un peuple tombe esclave, tant qu'il tient sa langue, c'est comme s'il tenait la clef de sa prison... Puis il prit une grammaire et nous lut notre leçon. J'étais étonné de voir comme je comprenais. Tout ce qu'il disait me semblait facile, facile. Je crois aussi que je n'avais jamais si bien écouté, et que lui non plus n'avait jamais mis autant de patience à ses explications. On aurait dit qu'avantde s'en aller le pauvre homme voulait nous donner tout son savoir, nousle faire entrer dans la tête d'un seul coup.
La leçon finie, on passa à l'écriture. Pour ce jour-là, M. Hamel nous avait préparé des exemples tout neufs, sur lesquels était écrit en belleronde : France, Alsace, France, Alsace. Cela faisait comme des petits drapeaux qui flottaient tout autour de la classe pendu à la tringle de nos pupitres. Il fallait voir comme chacun s'appliquait, et quel silence ! on n'entendait rien que le grincement des plumes sur le papier. Un moment, des hannetons entrèrent ; mais personne n'y fit attention, pas même les tout petits qui s'appliquaient à tracer leurs bâtons, avec un cœur, une conscience, comme si cela encore était du français... Sur la toiture de l'école, des pigeons roucoulaient bas, et je me disais en les écoutant :
« Est-ce qu'on ne va pas les obliger à chanter en allemand, eux aussi ? »
De temps en temps, quand je levais les yeux de dessus ma page, je voyais M. Hamel immobile dans sa chaire et fixant les objets autour de lui comme s'il avait voulu emporter dans son regard toute sa petite maison d'école... Pensez ! depuis quarante ans, il était là à la même place, avec sa cour en face de lui et sa classe toute pareille. Seulement, les bancs, les pupitres s'étaient polis, frottés par l'usage ; les noyers dela cour avaient grandi, et le houblon qu'il avait planté lui-même enguirlandait maintenant les fenêtres jusqu'au toit. Quel crêve-cœur ça devait être pour ce pauvre homme de quitter toutes ces choses, et d'entendre sa sœur qui allait, venait, dans la chambre au-dessus, en train de fermer leurs malles ! car ils devaient partir le lendemain, s'en aller du pays pour toujours.
Tout de même, il eut le courage de nous faire la classe jusqu'au bout. Aprèsl'écriture, nous eûmes la leçon d'histoire ; ensuite les petits chantèrent tous ensemble le BA BE BI BO BU. Là-bas au fond de la salle, le vieux Hauser avait mis ses lunettes, et, tenant son abécédaire à deuxmains, il épelait les lettres avec eux. On voyait qu'il s'appliquait lui aussi ; sa voix tremblait d'émotion, et c'était si drôle de l'entendre, que nous avions tous envie de rire et de pleurer. Ah ! je m'en souviendrai de cette dernière classe...
Tout à coup, l'horloge de l'église sonna midi, puis l'Angelus. Au même moment, les trompettes des Prussiens qui revenaient de l'exercice éclatèrent sous nos fenêtres... M. Hamel se leva, tout pâle, dans sa chaire. Jamais il ne m'avait paru si grand.
« Mes amis, dit-il, mes amis, je... je... »
Mais quelque chose l'étouffait. Il ne pouvait pas achever sa phrase. Alors il se tourna vers le tableau, prit un morceau de craie, et, en appuyant de toutes ses forces, il écrivit aussi gros qu'il put :
Puis il resta là, la tête appuyée au mur, et, sans parler, avec sa main il nous faisait signe :
« C'est fini... allez-vous-en. »
Ce conte d'Alphonse Daudet est tiré des " Contes du lundi " .
Aidons-nous mutuellement...
La charge des malheurs en sera plus légère...
Le bien que l'on fait à son frère.
Pour le mal que l'on souffre est un soulagement.
Confucius l'a dit ; suivons tous sa doctrine.
Pour la persuader aux peuples de la Chine...
Il leur contait le trait suivant.
Dans une ville de l'Asie
Il existait deux malheureux,
L'un perclus, l'autre aveugle, et pauvres tous les deux.
Ils demandaient au Ciel de terminer leur vie...
Mais leurs cris étaient superflus,,,
Ils ne pouvaient mourir. Notre paralytique...
Couché sur un grabat dans la place publique...
Souffrait sans être plaint : il en souffrait bien plus.
L'aveugle, à qui tout pouvait nuire...
Etait sans guide, sans soutien...
Sans avoir même un pauvre chien.
Pour l'aimer et pour le conduire.
Un certain jour, il arriva.
Que l'aveugle à tâtons, au détour d'une rue...
Près du malade se trouva...
Il entendit ses cris, son âme en fut émue.
Il n'est tel que les malheureux
Pour se plaindre les uns les autres.
" J'ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres...
Unissons-les, mon frère, ils seront moins affreux.
- Hélas ! dit le perclus, vous ignorez, mon frère...
Que je ne puis faire un seul pas...
Vous-même vous n'y voyez pas...
A quoi nous servirait d'unir notre misère ?
- A quoi ? répond l'aveugle ; écoutez. A nous deux
Nous possédons le bien à chacun nécessaire...
J'ai des jambes, et vous des yeux.
Moi, je vais vous porter ; vous, vous serez mon guide...
Vos yeux dirigeront mes pas mal assurés...
Mes jambes, à leur tour, iront où vous voudrez..
Ainsi, sans que jamais notre amitié décide.
Qui de nous deux remplit le plus utile emploi...
Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi...
Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794)
LE BATELIER
Regard fixé au loin
Il manie le gouvernail
En suivant le cours d'eau
Serein et patient
Voyageant doucement
Au rythme du temps
Il admire la nature et les arbres
Longeant les rivières et canaux
Parfois quelques maisons
Situées dans de petits hameaux
Sa barge glisse sur le vert canal qui dort
Lui renvoyant les reflets sombres
De la verdure et des feuillages
De sa proue qui fend l'eau
Laissant derrière elle l'onde écumante
Sur les chemins de halage
Quelques promeneurs d'une main
Lui envoient un bonjour
En attendant le prochain bateau
Le batelier calme et tranquille
Aux commandes de sa péniche
Où lentement sa coque glisse
Sur le remous qui plisse
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