RÊVERIE Assis à la terrasse le front face à la mer Il rêve des temps passés où capitaine d’un navire il parcourait les mers tel un de ces grands mammifères marins épris de liberté Assis à la terrasse le front face à la mer le capitaine est sur le pont regardant passer les dauphins, ses amis de toujours Il rêve de voyages Il rêve des temps passés à jamais révolus Chut…ne faites pas de bruit…le capitaine est en voyage Michel Devillers Michel Devillers est né à Tournai (Belgique) en 1950. Artiste peintre et sculpteur autodidacte. Nombreuses expositions depuis 1978 en Belgique, France et Italie. Créateur depuis 1997 de trophées pour le Brussels International Fantastic Film Festival (BIFFF). Collection privée : Argentine, Belgique, Canada, Croatie, Finlande, Philippines, France, Espagne, Grande Bretagne, Allemagne, Italie, USA, Japon, Nouvelle Zélande, Corée du sud. AUTOPORTRAIT… Depuis toujours, l’homme, et ce qu’il fait subir à l’homme et à son environnement, m’ont interpellé au point de vouloir pousser ce cri qui – je l’espère – transparaît dans mes œuvres. Avec le figuratif, les messages passaient tout naturellement comme une évidence, puis je suis passé à l’abstrait et c’est là que l’œuf s’est imposé tout aussi naturellement ; il représente la vie, la fragilité de celle-ci, il représente le renouveau dans un monde maltraité par l’homme qui a oublié que la terre n’est pas sienne, et qu’il doit la protéger pour ses enfants, et les générations à venir.
Le jour qui vient Il s’est levé le jour qui vient Et il me réchauffe le coeur Et il sourit dans sa splendeur C’est comme s’il me tendait la main. Un peu de rire un peu de pleurs Que me donneras-tu aujourd’hui Ajouteras-tu à mon ennui Ou m’apportes-tu le bonheur ? Il s’est levé le jour qui vient Et il s’étend sur le pays. Et je fais un compte sans fin Du temps qui meurt du temps qui fuit. Un goût de miel ou de venin Que me donneras-tu aujourd’hui ? Ajouteras-tu à mon chagrin Calmeras-tu mon coeur meurtri ? Des heures qui vont des heures qui lassent Me revoilà seul dans la nuit Avec au coeur un peu de place Pour le bonheur qu’on s’est promis. Un goût de fiel un goût de vin C’est à nouveau le lendemain. Soleil m’apportes-tu l’espoir de la revoir, de la revoir ?
A l’intérieur de mon jardin Parmi le vert et la floraison de toutes les plantes les plus belles je flâne. Je délibère ici Je rêve par là. L’heure s’arrête ou plutôt s’étend pleinement, se déplier et s’amplifier. Ces tournoiements et ondulations soudaines de brises d’été, envoient tous les parfums dans l’air chaud. Contempler une feuille ou le motif sur le mur créés par des branches les plus prés. Ces têtes-là de fleurs dansantes exposent délicatement toute leur gloire. Quelle simplicité à se perdre. Et quelle aisance à respirer doucement. Et quelle aisance à avoir des pensées profondes.
Il y avait une fois, au Cazal de Chalabre, une pauvre femme qui gagnait péniblement sa vie. Elle avait un fils qui s’appelait Gros-Jean. Il était beau et paresseux. Elle l’adorait ; elle disait à tout le monde : – Mon Gros-Jean ne sera pas comme moi, misérable. Je saurais lui trouver un métier qui fait devenir riche. Mais tout le monde lui riait au nez. Ces gens pauvres et simples pour qui la vie n’était qu’une longue fatigue, ne pensaient qu’il fût possible à des paysans de s’évader de leur misère. Or, un soir dans la forêt de Sainte-Colombe, notre bonne femme fit rencontre d’un sorcier qui lui dit : – J’ai ton affaire. Je me charge d’enseigner à ton fils l’art de se changer en toutes sortes d’animaux et de reprendre chaque fois sa forme humaine après six jours. Je le garderais trois ans, et te le rendrai alors, si seulement tu peux le reconnaître. Sinon, il restera à mon service. – Que je ne reconnaisse pas mon Gros-Jean, s’écria la bonne femme, moi qui lui ai donné la vie, qui l’ai nourri et qui ne l’a jamais quitté ! Elle le laissa sans trop de crainte et, après lui avoir fait ses adieux, retourna au Cazal, soutenue, à présent, par l’espérance que son fils connaîtrait un jour le métier qui fait devenir riche. Quand les trois ans furent passés, elle prit le chemin de la forêt. Dans une clairière, elle vit le sorcier au milieu d’un grand nombre de vaches.
– Tu viens chercher ton fils ? dit-il. C’est une de ces vaches. Regardes-les. Tu sais mes conditions. Elles n’ont pas changées. La pauvre femme fut perplexe. Elle fit le tour de la clairière, regarda les vaches l’une après l’autre dans les yeux, et enfin elle dit : – Celle-là est mon fils ! – Tu as raison, dit le sorcier. J’ai perdu. Emmène-la, elle est à toi. La bonne femme revient toute heureuse au village. Elle pensait : – Mon Gros-Jean connaît à présent la magie. Au bout de six jours, il redeviendra un jeune homme. En attendant, j’aurai son lait. Je lui ai donné le mien quand il était petit ; maintenant, c’est lui qui va me nourrir. En effet, il resta vache pendant six jours, puis redevint Gros-Jean comme devant, mais plus grand et plus beau. Sa mère l’embrassa, lui fit fête, puis elle lui dit : – Tous ces jours-ci, mon fils, j’avais ton lait en abondance et j’étais presque riche. Qu’allons-nous devenir à présent ? – Ne te mets pas en peine, petite mère, dit Gros-Jean. Attendons l’occasion. Cette année-là, décembre fut splendide. Le ciel était bleu, il faisait doux et tout le monde était dehors. La fille du château, la jolie Nathalie, qui venait juste d’avoir vingt ans, passa par le Cazal ; elle aperçut notre Gros-Jean, et se dit : – Ce garçon est plus beau que tous mes prétendants ; c’est dommage qu’il ne soit qu’un paysan… Gros-Jean, lui aussi, avait vu Nathalie et leurs regards s’étaient croisés ; mais jamais il n’aurait osé lui parler. Pensez donc : la fille du château ! Cependant, il ne dormit pas de la nuit, il n’avait qu’elle devant les yeux. Le lendemain matin, il dit à sa mère : je serai absent quelques jours, attends-moi. Et la mère pensa : Mon Gros-Jean va chercher aventure.
Il partit vers Chalabre. En chemin, il se changea en écureuil, sauta de branche en branche et arriva dans le parc du château. Au pied de l’arbre où il était, il entendit une voix douce qui disait : – Je voudrais aimer un jeune homme qui soit bon et beau. Tous ceux qui sont venus à moi me déplaisent. Je ne suis cependant pas difficile, et je ne suis pas fière. Ce paysan que j’ai vu hier au Cazal, me plairait : il est plus beau que les fils des seigneurs… Je voudrais aimer et être aimée… Alors l’écureuil descendit de l’arbre et se posa devant la jeune fille. Elle tendit la main pour le caresser. L’animal se laissa faire. – Que vous êtes joli, mon petit écureuil, disait-elle. Beaux yeux étincelants, fourrure soyeuse, queue en panache ; que vous êtes joli !
Folle de lui, elle l’emporta au château et le garda constamment auprès d’elle. Tout le jour elle jouait avec lui. Quand il lui caressait avec sa queue les lèvres ou le cou, elle éclatait de rire. Le soir, elle le prenait dans son lit et lui disait : " Bonne nuit, mon petit ami, dormez bien, jusqu’à demain matin. " Ce beau manège avait duré six jours. Or la sixième nuit, qui était la nuit de Noël, Nathalie, après avoir assisté à la messe de minuit, et convenablement réveillonné, monta dans sa chambre et coucha, comme les autres soirs, l’écureuil auprès d’elle. Elle vit ses paupières trembler. Elle pensa qu’il avait la fièvre, et le serra contre son cœur. Or ce n’était pas de fièvre que l’écureuil tremblait. C’était d’inquiétude. Il savait qu’il allait redevenir Gros-Jean cette nuit même, et il se demandait s’il était décent de rester en forme de jeune homme dans le lit de cette jeune fille. – Bonne nuit, mon petit ami, dormez bien jusqu’à demain matin. L’écureuil ferma les yeux et Nathalie s’endormit tout de suite parce qu’il était très tard. Bientôt, elle sentit des lèvres qui baissaient les siennes. Elle crut que c’était un rêve que le petit Jésus lui envoyait, un joli rêve de Noël ; et le baiser continuait très long, très doux. Elle n’ouvrit pas les yeux, pour ne pas que le rêve s’envole. Elle se sentait embrassée, caressée, enlacée de plus en plus étroitement. – Je dors encore, disait-elle, quand je serais tout à fait éveillée, hélas, tout cela s’en ira… Elle finit bien par se réveiller, et elle vit qu’elle était dans les bras d’un vrai jeune homme, elle eut honte, et voulu se lever et s’enfuir… mais elle se sentit plus faible que l’autre ; et cet autre avait des yeux très beaux et des regards très doux ; à la lueur de la veilleuse rouge, elle le reconnu : c’était le grand jeune homme qu’elle avait admiré au Cazal… Ils restèrent un instant silencieux et inquiets, puis se demandèrent l’un et l’autre pardon. De quoi ? ils ne savaient pas bien, mais ils se pardonnèrent et causèrent gentiment jusqu’au matin. Et à peine levée, Nathalie alla dire à son père : – Si vous vouliez me donner pour mari, ce jeune homme, j’en serai très heureuse. – Pour mari ? ma fille. Il est fort bien, sans doute, et d’agréable mine ; mais qui est-il ? d’où vient-il ? Je ne le connais pas ! – Il n’est encore que Gros-Jean du Cazal, mais il sera comte si vous voulez, puisque de fils, vous n’avez point.
Les noces eurent lieu une semaine après, juste le premier jour de l’an. Gros-Jean alla chercher sa mère, l’installa au château, et tout le monde fut heureux. Et les paysans disaient entre eux, avec un air malin : – La mère de Gros-Jean est une fine mouche. Elle a trouvé pour son fils, le métier qui fait devenir riche…
L'oiseau Mais lors voici qu'un oiseau chante, Dans une pauvre cage en bois, Mais lors voici qu'un oiseau chante Sur une ville et tous ses toits, Et qu'il dit qu'on le voit le monde Et sur la mer la pluie tomber, Et des voiles s'en aller rondes, Sur l'eau si loin qu'on peut aller. Puis voix dans l'air plus haut montée, Alors voici que l'oiseau dit Que tout l'hiver s'en est allé Et qu'on voit l'herbe qui verdit, Et sur les chemins la poussière Déjà, et les bêtes aussi, Et toits fumant dans la lumière Que l'on dirait qu'il est midi, Et puis encore sa voix montée, Que l'air est d'or et resplendit, Et puis le bleu du ciel touché Qu'il est ouvert le paradis. Max Elskamp
*** La ville engloutie d'Herbauges *** - Légendes du Pays de la Loire -
Une ancienne légende raconte qu'une cité nommée « Herbauges » aurait été engloutie par le lac de Grand-Lieu au cours du VIe siècle. Cette vengeance divine aurait été provoquée par la résistance que la ville opposait aux efforts de l'évangélisateur nantais saint Martin de Vertou.
Toujours selon cette histoire, un ange serait apparut en rêve à saint Martin, lui ordonnant de partir, n'emmenant dans sa fuite que les deux seuls convertis de la ville, un certain Romain et sa femme. Quoi qu'ils puissent entendre, aucun d'entre eux ne devait regarder en arrière. Lorsque, intriguée par le bruit, la femme céda à la curiosité, elle fut pétrifiée sous forme d'une pierre supposée être encore visible à Pont-Saint-Martin.
Le lendemain, la ville avait disparu, engloutie par une brusque montée des eaux et remplacée par une terre inculte : le lac de Grand-lieu. La légende ajoute que le son des cloches de la ville disparue peut être entendu chaque soir de Noël. Ce récit de châtiment divin cruel et vindicatif, n’épargnant ni murs, ni bêtes ni enfants peut être rapproché des mythes de Jéricho ou, mieux encore, de la ville engloutie d'Ys.
RÊVERIE
Assis à la terrasse le front face à la mer
Il rêve des temps passés où capitaine d’un navire il parcourait les mers
tel un de ces grands mammifères marins épris de liberté
Assis à la terrasse le front face à la mer le capitaine est sur le pont regardant passer les dauphins,
ses amis de toujours
Il rêve de voyages
Il rêve des temps passés à jamais révolus
Chut…ne faites pas de bruit…le capitaine est en voyage
Michel Devillers
Michel Devillers est né à Tournai (Belgique) en 1950.
Artiste peintre et sculpteur autodidacte. Nombreuses expositions depuis 1978 en
Belgique, France et Italie. Créateur depuis 1997 de trophées pour le Brussels International Fantastic Film Festival (BIFFF).
Collection privée : Argentine, Belgique, Canada, Croatie, Finlande, Philippines,
France, Espagne, Grande Bretagne, Allemagne, Italie, USA, Japon,
Nouvelle Zélande, Corée du sud.
AUTOPORTRAIT…
Depuis toujours, l’homme, et ce qu’il fait subir à l’homme et à son
environnement, m’ont interpellé au point de vouloir pousser ce cri qui –
je l’espère – transparaît dans mes œuvres. Avec le figuratif, les
messages passaient tout naturellement comme une évidence, puis je suis
passé à l’abstrait et c’est là que l’œuf s’est imposé tout aussi
naturellement ; il représente la vie, la fragilité de celle-ci, il
représente le renouveau dans un monde maltraité par l’homme qui a oublié
que la terre n’est pas sienne, et qu’il doit la protéger pour ses
enfants, et les générations à venir.
Ma devise est : Regarde avec l’œil de ton cœur
Le jour qui vient
Il s’est levé le jour qui vient
Et il me réchauffe le coeur
Et il sourit dans sa splendeur
C’est comme s’il me tendait la main.
Un peu de rire un peu de pleurs
Que me donneras-tu aujourd’hui
Ajouteras-tu à mon ennui
Ou m’apportes-tu le bonheur ?
Il s’est levé le jour qui vient
Et il s’étend sur le pays.
Et je fais un compte sans fin
Du temps qui meurt du temps qui fuit.
Un goût de miel ou de venin
Que me donneras-tu aujourd’hui ?
Ajouteras-tu à mon chagrin
Calmeras-tu mon coeur meurtri ?
Des heures qui vont des heures qui lassent
Me revoilà seul dans la nuit
Avec au coeur un peu de place
Pour le bonheur qu’on s’est promis.
Un goût de fiel un goût de vin
C’est à nouveau le lendemain.
Soleil m’apportes-tu l’espoir
de la revoir, de la revoir ?
?
A l’intérieur de mon jardin
Parmi le vert
et la floraison
de toutes les plantes les plus belles
je flâne.
Je délibère ici
Je rêve par là.
L’heure s’arrête
ou plutôt s’étend pleinement,
se déplier et s’amplifier.
Ces tournoiements et ondulations soudaines
de brises d’été,
envoient tous les parfums
dans l’air chaud.
Contempler une feuille
ou le motif sur le mur
créés par des branches les plus prés.
Ces têtes-là de fleurs dansantes
exposent délicatement
toute leur gloire.
Quelle simplicité à se perdre.
Et quelle aisance à respirer
doucement.
Et quelle aisance
à avoir des pensées profondes.
- Conte de l'Aude PIERRE VALMIGÈRE -
Il y avait une fois, au Cazal de Chalabre, une pauvre femme qui gagnait
péniblement sa vie. Elle avait un fils qui s’appelait Gros-Jean. Il
était beau et paresseux. Elle l’adorait ; elle disait à tout le monde :
– Mon Gros-Jean ne sera pas comme moi, misérable. Je saurais lui trouver un métier qui fait devenir riche.
Mais tout le monde lui riait au nez. Ces gens pauvres et simples pour qui la
vie n’était qu’une longue fatigue, ne pensaient qu’il fût possible à
des paysans de s’évader de leur misère.
Or, un soir dans la forêt de Sainte-Colombe, notre bonne femme fit rencontre d’un sorcier qui lui dit :
– J’ai ton affaire. Je me charge d’enseigner à ton fils l’art de se
changer en toutes sortes d’animaux et de reprendre chaque fois sa forme
humaine après six jours. Je le garderais trois ans, et te le rendrai
alors, si seulement tu peux le reconnaître. Sinon, il restera à mon
service.
– Que je ne reconnaisse pas mon Gros-Jean, s’écria la bonne femme, moi qui lui ai donné la vie, qui l’ai nourri et qui ne l’a jamais
quitté !
Elle le laissa sans trop de crainte et, après lui avoir fait ses adieux, retourna au Cazal, soutenue, à présent, par l’espérance
que son fils connaîtrait un jour le métier qui fait devenir riche.
Quand les trois ans furent passés, elle prit le chemin de la forêt. Dans une
clairière, elle vit le sorcier au milieu d’un grand nombre de vaches.
– Tu viens chercher ton fils ? dit-il. C’est une de ces vaches. Regardes-les. Tu sais mes conditions. Elles n’ont pas changées.
La pauvre femme fut perplexe. Elle fit le tour de la clairière, regarda
les vaches l’une après l’autre dans les yeux, et enfin elle dit :
– Celle-là est mon fils !
– Tu as raison, dit le sorcier. J’ai perdu. Emmène-la, elle est à toi.
La bonne femme revient toute heureuse au village. Elle pensait :
– Mon Gros-Jean connaît à présent la magie. Au bout de six jours, il
redeviendra un jeune homme. En attendant, j’aurai son lait. Je lui ai
donné le mien quand il était petit ; maintenant, c’est lui qui va me
nourrir.
En effet, il resta vache pendant six jours, puis redevint Gros-Jean comme devant, mais plus grand et plus beau.
Sa mère l’embrassa, lui fit fête, puis elle lui dit :
– Tous ces jours-ci, mon fils, j’avais ton lait en abondance et j’étais presque riche. Qu’allons-nous devenir à présent ?
– Ne te mets pas en peine, petite mère, dit Gros-Jean. Attendons l’occasion.
Cette année-là, décembre fut splendide. Le ciel était bleu, il faisait doux
et tout le monde était dehors. La fille du château, la jolie Nathalie,
qui venait juste d’avoir vingt ans, passa par le Cazal ; elle aperçut
notre Gros-Jean, et se dit :
– Ce garçon est plus beau que tous mes prétendants ; c’est dommage qu’il ne soit qu’un paysan…
Gros-Jean, lui aussi, avait vu Nathalie et leurs regards s’étaient croisés ; mais
jamais il n’aurait osé lui parler. Pensez donc : la fille du château !
Cependant, il ne dormit pas de la nuit, il n’avait qu’elle devant les yeux. Le
lendemain matin, il dit à sa mère : je serai absent quelques jours,
attends-moi.
Et la mère pensa : Mon Gros-Jean va chercher aventure.
Il partit vers Chalabre. En chemin, il se changea en écureuil, sauta de
branche en branche et arriva dans le parc du château. Au pied de l’arbre
où il était, il entendit une voix douce qui disait :
– Je voudrais aimer un jeune homme qui soit bon et beau. Tous ceux qui sont venus à
moi me déplaisent. Je ne suis cependant pas difficile, et je ne suis pas
fière. Ce paysan que j’ai vu hier au Cazal, me plairait : il est plus
beau que les fils des seigneurs… Je voudrais aimer et être aimée…
Alors l’écureuil descendit de l’arbre et se posa devant la jeune fille. Elle
tendit la main pour le caresser. L’animal se laissa faire.
– Que vous êtes joli, mon petit écureuil, disait-elle. Beaux yeux étincelants,
fourrure soyeuse, queue en panache ; que vous êtes joli !
Folle de lui, elle l’emporta au château et le garda constamment auprès
d’elle. Tout le jour elle jouait avec lui. Quand il lui caressait avec
sa queue les lèvres ou le cou, elle éclatait de rire. Le soir, elle le
prenait dans son lit et lui disait : " Bonne nuit, mon petit ami, dormez
bien, jusqu’à demain matin. "
Ce beau manège avait duré six jours.
Or la sixième nuit, qui était la nuit de Noël, Nathalie, après avoir
assisté à la messe de minuit, et convenablement réveillonné, monta dans
sa chambre et coucha, comme les autres soirs, l’écureuil auprès d’elle.
Elle vit ses paupières trembler. Elle pensa qu’il avait la fièvre, et le
serra contre son cœur.
Or ce n’était pas de fièvre que l’écureuil tremblait. C’était d’inquiétude. Il savait qu’il allait redevenir
Gros-Jean cette nuit même, et il se demandait s’il était décent de
rester en forme de jeune homme dans le lit de cette jeune fille.
– Bonne nuit, mon petit ami, dormez bien jusqu’à demain matin. L’écureuil
ferma les yeux et Nathalie s’endormit tout de suite parce qu’il était
très tard.
Bientôt, elle sentit des lèvres qui baissaient les siennes. Elle crut que c’était un rêve que le petit Jésus lui envoyait,
un joli rêve de Noël ; et le baiser continuait très long, très doux.
Elle n’ouvrit pas les yeux, pour ne pas que le rêve s’envole. Elle se
sentait embrassée, caressée, enlacée de plus en plus étroitement.
– Je dors encore, disait-elle, quand je serais tout à fait éveillée, hélas, tout cela s’en ira…
Elle finit bien par se réveiller, et elle vit qu’elle était dans les bras
d’un vrai jeune homme, elle eut honte, et voulu se lever et s’enfuir…
mais elle se sentit plus faible que l’autre ; et cet autre avait des
yeux très beaux et des regards très doux ; à la lueur de la veilleuse
rouge, elle le reconnu : c’était le grand jeune homme qu’elle avait
admiré au Cazal… Ils restèrent un instant silencieux et inquiets, puis
se demandèrent l’un et l’autre pardon. De quoi ? ils ne savaient pas
bien, mais ils se pardonnèrent et causèrent gentiment jusqu’au matin.
Et à peine levée, Nathalie alla dire à son père :
– Si vous vouliez me donner pour mari, ce jeune homme, j’en serai très heureuse.
– Pour mari ? ma fille. Il est fort bien, sans doute, et d’agréable mine ;
mais qui est-il ? d’où vient-il ? Je ne le connais pas !
– Il n’est encore que Gros-Jean du Cazal, mais il sera comte si vous voulez, puisque de fils, vous n’avez point.
Les noces eurent lieu une semaine après, juste le premier jour de l’an.
Gros-Jean alla chercher sa mère, l’installa au château, et tout le monde
fut heureux.
Et les paysans disaient entre eux, avec un air malin :
– La mère de Gros-Jean est une fine mouche. Elle a trouvé pour son fils, le métier qui fait devenir riche…
L'oiseau
Mais lors voici qu'un oiseau chante,
Dans une pauvre cage en bois,
Mais lors voici qu'un oiseau chante
Sur une ville et tous ses toits,
Et qu'il dit qu'on le voit le monde
Et sur la mer la pluie tomber,
Et des voiles s'en aller rondes,
Sur l'eau si loin qu'on peut aller.
Puis voix dans l'air plus haut montée,
Alors voici que l'oiseau dit
Que tout l'hiver s'en est allé
Et qu'on voit l'herbe qui verdit,
Et sur les chemins la poussière
Déjà, et les bêtes aussi,
Et toits fumant dans la lumière
Que l'on dirait qu'il est midi,
Et puis encore sa voix montée,
Que l'air est d'or et resplendit,
Et puis le bleu du ciel touché
Qu'il est ouvert le paradis.
Max Elskamp
Ernesto Cortazar - Amor Mio
- Légendes du Pays de la Loire -
Une ancienne légende raconte qu'une cité nommée « Herbauges » aurait été engloutie
par le lac de Grand-Lieu au cours du VIe siècle. Cette vengeance divine aurait
été provoquée par la résistance que la ville opposait aux efforts de
l'évangélisateur nantais saint Martin de Vertou.
Toujours selon cette histoire, un ange serait apparut en rêve à saint Martin,
lui ordonnant de partir, n'emmenant dans sa fuite que les deux seuls
convertis de la ville, un certain Romain et sa femme. Quoi qu'ils
puissent entendre, aucun d'entre eux ne devait regarder en arrière.
Lorsque, intriguée par le bruit, la femme céda à la curiosité, elle fut
pétrifiée sous forme d'une pierre supposée être encore visible à
Pont-Saint-Martin.
Le lendemain, la ville avait disparu, engloutie par une brusque montée des eaux et
remplacée par une terre inculte : le lac de Grand-lieu. La légende
ajoute que le son des cloches de la ville disparue peut être entendu
chaque soir de Noël. Ce récit de châtiment divin cruel et vindicatif,
n’épargnant ni murs, ni bêtes ni enfants peut être rapproché des mythes
de Jéricho ou, mieux encore, de la ville engloutie d'Ys.